Car les sextoys ne sont pas qu’une question de masturbation. Ni d’orgasme, d’ailleurs. Ils interrogent notre rapport à la sexualité autant qu’au patriarcat, au consentement et au consumérisme moderne. Leur acceptation — ou non — dans la sphère sociale est un miroir sur l’hypocrisie d’une société qui hypersexualise les femmes pour vendre un pot de yaourt, mais bégaie dès qu’il est question d’éducation sexuelle. Le chemin est encore long. Il suffit de citer les récents débats publics sur l’IVG et les crop-tops à l’école pour constater que le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes est encore loin d’être totalement acquis. Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de se mobiliser pour les générations futures, offrant à nos enfants l’éducation et l’ouverture d’esprit que nous n’avons jamais eues.
Dans un épisode de Sex and the City (peut-être le même que celui du célèbre Rabbit), les filles parlent de leur « tiroir à jouets ». Samantha, elle, a tout un placard (évidemment). Moi, j’ai une boîte. Rouge. La première fois que j’ai été en contact réel avec ces petits objets, c’était en 2002, au sous-sol de la boutique Sonia Rykiel du boulevard Saint-Germain, qui venait de se transformer en Sex Shop de luxe, mais ce n’est que deux ou trois ans après que je me suis offert le canard vibrant gold, qui a longtemps fait son effet sur la baignoire (le petit rose sur la photo m’avait été envoyé je ne sais plus par quelle marque je ne sais plus pour quelle occasion).
Bref : le sujet des sextoys m’intéresse, en tant que femme mais aussi en tant qu’écrivaine qui écrit de l’érotisme, car j’y vois un formidable outil d’exploration de soi et de sa sexualité. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que je me suis lancée dans la lecture de l’essai d’Amandine Jonniaux, journaliste « sextech », sur le sujet.
Après une partie historique qui va de l’homme de cro-magnon à nos grands-parents en passant par Cléopâtre qui, non, n’a pas inventé le vibromasseur, l’autrice s’intéresse dans une deuxième partie sur la revanche du clitoris aux questionnements autour de l’objet : tout d’abord pour savoir s’il est un outil d’émancipation des femmes, en lien avec les combats féministes et les questions politiques ; ensuite, les évolutions technologiques. L’essai se termine par une réflexion autour des nouveaux enjeux des jouets sexuels : normaliser la sexualité ; les utilisations médicales, la redécouverte du clitoris et l‘éducation à la sexualité ; le féminisme washing ; la question écologique ; les réseaux sociaux et les nouvelles injonctions ; la perspective de faire l’amour avec des robots.
Tout cela est absolument passionnant, et donne envie d’approfondir certains sujets. J’ai particulièrement été intéressée par tout le questionnement politique et social de l’objet, autour du plaisir féminin et de la normalisation de la sexualité, dont on peut espérer qu’un jour elle ne soit plus une activité honteuse dont on ne doit pas parler, mais une activité normale (ne s’agit-il pas après tout d’un sport). Et pour cela, la nécessité d’une véritable éducation, pour lever les tabous et empêcher que le sujet ne soit laissé au discours religieux.
Bref : un essai à la fois instructif (j’ai appris beaucoup de choses) et qui ouvre de nombreuses pistes de réflexions : tout ce que j’apprécie, donc !
Oh my gode. Une enquête vibrante sur les dessous des sextoys. (lien affilié)
Amandine JONNIAUX
La Musardine, 2024