Le Berger, d’Anne Boquel : en enfer

Le Berger, d'Anne Boquel : en enfer

Ce que Mariette disait de la Fraternité n’avait rien de remarquable. Elle décrivait la chaleur de l’accueil, les embrassades, les mains dressées vers le ciel, un élan général, la grand lumière qui jaillissait en elle lorsque tous chantaient en chœur et qu’elle parvenait enfin à oublier ses soucis. En fermant les yeux, elle se sentait envahie par elle, transformée. Elle était bien incapable de décrire exactement l’atmosphère qui régnait là. Pourquoi éprouvait-elle un tel sentiment d’apaisement ? Les gens n’y étaient pas si différents de ceux qu’elle croisait tous les jours. Il fallait les voir, les rencontrer, vivre à leur contact pour comprendre. Ils sauraient trouver, encore mieux qu’elle, les paroles pour amener son amie à emprunter un chemin de foi.

Un premier roman qui analyse l’engrenage d’une secte.

Lucie est lasse. Rien ne va vraiment mal dans sa vie, mais rien ne va bien non plus. Notamment sa vie amoureuse. Et sa relation avec ses parents. Et son travail. Il lui manque quelque chose. Elle finit donc par céder à l’invitation de Mariette, sa collègue, de se rendre avec elle dans un centre spirituel pour un groupe de prière. La Fraternité dit être un groupe évangélique : il s’agit en réalité d’une secte, dans les filets de laquelle Lucie va petit à petit se laisser prendre.

On ne croise pas si souvent ce thème des sextes dans les romans, et il est vrai qu’il est assez difficile à traiter, et Anne Boquel s’en sort plutôt bien, interrogeant à travers Lucie le besoin de sens dans une société en perte de repère. Au départ, Lucie est tout sauf religieuse, et la religion est quelque chose qui appartient au passé (elle est d’ailleurs conservatrice d’un musée spécialisé dans les objets de culte), mais elle se laisse avoir parce que ses instincts sont endormis, elle a un vrai besoin de spiritualité, mais au lieu de chercher toute seule, elle se laisse manipuler parce qu’elle a aussi besoin d’appartenir à un groupe. Le roman décrit très bien ce mécanisme de la manipulation, de l’emprise, qui prive l’individu de son authenticité et de son libre-arbitre.

Pour moi qui ne supporte ni les dogmes ni les interdits ni surtout qu’on me dise ce que je dois faire et comment mener ma vie, y compris sur le plan spirituel car pour moi chaque chemin est différent, ce roman m’a à la fois beaucoup intéressée et angoissée. Mais je trouve qu’il vaut vraiment le coup d’oeil.

Lu par Antigone

Le Berger
Anne BOQUEL
Seuil, 2021

4 commentaires

  1. Matatoune dit :

    Oui tout à fait, cette histoire sous la forme d’un roman analyse parfaitement cette emprise sournoise qui exploite le besoin des autres lorsque  » soi » est froissé !

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    1. oui, c’est imparable

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  2. lizagrece dit :

    On parle de ce ivre sur les blogs cette semaine ….

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    1. Ah oui ? Je n’ai vu qu’un seul autre article 😉

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