Comment rendre cet après-midi d’été étendue sur le roc, effleurée par les dernières caresses du soleil qui tombe ? Comment redire la joie de cette découverte ? Comment la raconter aux autres ? Comment communiquer le bonheur de chaque acte simple, de chaque pas, de chaque rencontre nouvelle… de visages, de livres, de crépuscules et d’aubes et d’après-midi du dimanche sur les plages ensoleillées ? […] S’arrêter là, dans cette plénitude de joie des sens et de l’esprit, et retenir ainsi pour toujours en moi, en vous, les dix plus belles années de la vie.
Nous repartons en Sicile, avec ce roman dont le titre, si conforme à ma propre éthique de vie, m’attirait beaucoup. Mais bizarrement, cela faisait de longues semaines que je l’avais acheté, sans pour autant me jeter à l’eau, pas seulement à cause de son volume (c’est un cube, et honnêtement il n’est pas facile à manipuler pour cette raison) : quelque chose me retenait, et même pendant le confinement, que je faisais un peu les fonds de bibliothèque et que je ne manquais pas de temps, il ne me tentait pas. Et puis là, l’autre jour, j’ai eu l’impulsion. Enfin.
Née avec le siècle, le 1er janvier 1900, ce qui facilite le calcul de son âge, Modesta a un destin hors-normes : née dans une famille très pauvre et bien vite orpheline, elle est élevée dans un couvent où on prévoit qu’elle prendra le voile, mais elle devient princesse, intellectuelle et femme totalement libre.
Alors, pour tout dire j’ai eu beaucoup de mal avec ce roman, que j’ai trouvé interminable et cru ne jamais finir. Ce qui m’a posé problème, dans les faits, ce n’est pas la longueur en elle-même que les longueurs, et cette impression de lire un premier jet et non un roman abouti et terminé : il y a des pages absolument sublimes, belles à pleurer, sur la liberté, celle de Modesta, âme libre de poète dans un corps libre de femme sauvage qui recherche toujours la joie, le plaisir, les sensations, la dimension charnelle et sensuelle du monde, et ce dans une société patriarcale et misogyne, écrasée par la religion, et ce côté-là m’a émerveillée. Mais il y a aussi des passages plats, qui ressemblent à un brouillon au point que je ne comprenais strictement rien de ce qui se passait, des personnages qui débarquent sans crier gare et des incohérences : à plusieurs reprises, je suis sûre que des personnages réapparaissent alors qu’on nous avait annoncé leur mort. Sans compter que certaines façons d’agir de Modesta m’ont laissée un peu perplexe, et j’ai souvent eu du mal à la comprendre…
Me voilà donc bien ennuyée avec ce monument de la littérature italienne, qui m’a par certains côté rappelé Le Guépard de Lampedusa, dont le propos sur cette éthique de la joie, ce bonheur intérieur construit par soi-même, cette affirmation de la liberté intérieure qui s’affranchit des rigueurs sociales m’ont ravie, mais qui aurait mérité d’être un peu retravaillé.
L’Art de la joie
Goliarda SAPIENZA
Traduction de Nathalie Castagné
Le Tripode, 2016
Je l’ai lu le roman il y a quelques temps et je fais un constat assez semblable https://ladentdure.wordpress.com/2020/01/16/lart-de-la-joie-goliarda-sapienza/. J’ai vraiment aimé le fond, la philosophie de vie, le contexte historique, mais la lecture n’a vraiment pas été une sinécure. J’ai trouvé ça long, mais long. Et les dialogues entre les personnages étaient très artificielles, mélodramatiques. Mais je l’ai fini, car, comme tu le relèves, il y a des pages magnifiques!
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Oui voilà c’est très curieux !
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Je me suis enfin lancée dans ce roman juste avant le confinement et comme toi, j’ai trouvé qu’il était assez inégal, alternant des passages sublimes et d’autres, d’une lenteur et d’une incohérence inouïes. Et effectivement, certains dialogues, surtout quand il est question d’amour, peuvent ressembler à ceux qu’on retrouve dans de mauvais Harlequin…
J’avais été d’autant plus surprise que jusque-là, je n’avais lu/entendu que des avis dithyrambiques sur ce roman.
Je reste néanmoins curieuse de lire ses autres œuvres.
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oui, je suis très surprise aussi de cette classification en « chef d’oeuvre »
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Bon ben je passe. Si tu as eu du mal, je pense que je « souffrirais » encore plus. Et l’aspect « cube » me repousse aussi. Dommage, le passage cité en exergue était tentant !
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Oui, il est très beau !
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