Passion simple, d’Annie Ernaux

Passion simple, d'Annie Ernaux

Souvent, j’avais l’impression de vivre cette passion comme j’aurais écrit un livre : la même nécessité de réussir chaque scène, le même souci de tous les détails. Et jusqu’à la pensée que cela me serait égal de mourir après être allée au bout de cette passion — sans donner un sens précis à « au bout de » — comme je pourrais mourir après avoir fini d’écrire ceci dans quelques mois. 

Je vais peut-être me faire beaucoup d’ennemis en disant cela, mais il se trouve que ma première rencontre avec Annie Ernaux a été un fiasco : j’avais entrepris de lire La Place, et je me suis tellement ennuyée, cela ne m’intéressait tellement pas, que j’ai abandonné au bout de quelques pages.

Le problème, c’est que l’auteure est devenue une référence pour beaucoup d’écrivaines parmi lesquelles certaines qui sont elles-mêmes pour moi des références. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de retenter, avec un texte qui, comme son nom l’indique, aborde le thème de la passion amoureuse, avec d’autant plus d’intérêt que j’ai souvent croisé Annie Ernaux dans mes recherches de ces derniers mois.

Dans ce très court texte, Annie Ernaux analyse les signes d’une passion amoureuse de quelques mois, durant lesquels la narratrice n’a finalement fait qu’attendre l’homme qu’elle aimait. Ecrire est pour elle une manière d’atteindre la réalité de cette passion.

Evidemment, la passion amoureuse et l’écriture étant indéniablement liées chez Ernaux, je n’ai pu que me reconnaître dans ce texte qui permet de se sentir « normal » dans son délire : il y a ici une vraie jouissance de l’attente (qui est aussi une façon d’être avec l’autre), et de la manière dont le monde se met à tourner autour d’un seul être.

On se met à ne vivre que pour les — brefs — moments passés avec lui, chaque acte de la vie quotidienne est effectué dans une absence à soi et présence à lui, une indifférence totale à ce qui était pourtant essentiel avant de le rencontrer. On tombe dans le délire interprétatif des signes, assailli par la jalousie, le manque, la souffrance, et l’après est un vrai deuil.

Ecrire, c’est alors entreprendre de retrouver ce temps de la passion, lorsqu’on était animé par quelque chose.

Et tout cela, évidemment, m’a transportée, et nombre de passages ont fait écho en moi.

Reste que je suis néanmoins un peu restée sur ma faim : il me semble que parler de la passion amoureuse demande une expansion, et j’ai trouvé le texte un peu sec, trop resserré, cela étant sans doute dû aussi à la distance entre le je narré et le je narrant, que l’écriture ne peut pas complètement combler. Au final donc, j’ai beaucoup aimé, mais ça ne m’a pas non plus bouleversée ni éblouie.

Passion Simple (lien affilié)
Annie ERNAUX
Gallimard, 1991 (Folio, 1993/2018)

14 commentaires

  1. labiblidonee dit :

    Au fil de tous les avis que j’ai lu sur les romans de cette auteure, j’ai toujours eu l’impression qu’elle n’était pas pour moi ; c’est étrange. Et je pense aussi que la passion amoureuse doit se lire comme elle se vit : totalement ou pas du tout. Donc je ne pense pas lire ce livre s’il n’est pas « éblouissant », mais il est vrai aussi qu’on est chacun touché par des choses différentes en fonction de notre vécu.
    J’avais lu il y a quelques années « la conversation amoureuse » d’Alice Ferney, parce que j’aime beaucoup cette auteure et que j’espérais qu’elle parlerait forcément bien de l’amour. Ce fut le cas, par moments, mais pas au point que j’attendais d’elle. Il m’avait manqué la petite étincelle en plus ou le grand chamboulement. Mais j’avais malgré tout adoré certains passages, que j’avais trouvés assez justes. J’avais juste été un peu déçue de l’ensemble au final, parce qu’il ne m’avait pas complètement transportée.

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    1. Ah mince, il était dans ma liste !

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  2. valmleslivres dit :

    J’ai lu un roman d’Ernaux sur le thème mais j’ai un doute, est-ce celui-ci ? Je me souviens que cela m’avait dérangée, son attitude passive face à un homme plus jeune qu’elle (ce n’est pas ça la différence d’âge qui me gênait, c’est juste pour savoir s’il peut s’agir du même roman). L’attente a un côté excitant, il ne faut pas qu’elle dure trop longtemps quand-même.
    Les années avait été un coup de cœur, mais je comprends qu’on s’y ennuie.

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    1. Ah ben tu me mets le doute, j’avais compris qu’il était plus vieux !

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  3. Mind The Gap dit :

    Je n’ai jamais lu cette auteur dont tout le monde parle en bien en général et ce thème est l’un de mes thèmes préférés…en plus un court texte…je vais le noter.

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    1. Oui, c’est une idole pour beaucoup…

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  4. cordier dit :

    Mademoiselle l’irrégulière,

    J’ai lu le livre d’Annie Ernaux, « passion simple, il y a 27 ans en arrière, cette passion amoureuse avec un haut fonctionnaire de l’Etat, dans ce livre, elle décrit au détail prés, ce qui m’a troublé en tant qu’homme, chaque scène érotico-porno, elle décrit son amour charnel pour cet homme qui l’a fait attendre pendant des mois, il n’ y a que la femme qui puisse attendre un amour tant désiré et destructeur à la fois.
    Si j’ai lu son livre, c’est que depuis le début, son histoire m’a captivé en tant qu’homme, moi qui aime tant les femmes et leur nécessité de se sentir femme au prés d’un homme qui sache savourer leur féminité.
    Elle a beaucoup de talent d’écriture.

    Cordialement Georges.

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  5. Je n’ai jamais lu cette auteure. Et pas vraiment tentée… Un jour peut-être.

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