Recherche femme parfaite, d’Anne Berest

Mais la discussion avec Julie m’avait réveillée. Mon projet s’appellerait Une femme parfaite. Julie en était le point de départ et d’une certaine manière je raconterais son histoire. Je prendrais en photographie des femmes admirables, des héroïnes du quotidien, des modèles pour leur entourage. Et à travers ces différents portraits, se dessinerait l’idée que la femme d’aujourd’hui veut donner d’elle-même — le portrait d’une femme idéale. Mais j’en chercherais aussi la faille, la fragilité, le point de rupture. Je guetterais les signes de folie dans cette impossible quête de la perfection.

J’avais été particulièrement séduite par Sagan 1954 d’Anne Berest, et j’étais donc particulièrement curieuse de découvrir son dernier roman, d’autant qu’il aborde un thème qui m’intéresse beaucoup : la féminité.

Émilienne, la narratrice, est photographe. Depuis toujours, elle est fascinée par sa voisine et amie Julie, qu’elle connaît depuis l’enfance et qui a tout d’une femme parfaite, menant de front son travail, sa vie de couple et son nouveau rôle de mère, tout cela sans sacrifier son apparence.

Mais Julie finit par faire un burn-out, ce qui donne à Émilienne l’idée d’une série de photos pour un concours organisé par les rencontres photographiques d’Arles : prendre des clichés de femmes qui semblent incarner la perfection, et en révéler les failles.

L’idée est séduisante et ambitieuse, et le résultat est plus que réussi : nous interroger sur la féminité et tout ce qu’on exige des femmes sur tous les plans, professionnel, maternel, physique, sexuel — ou, plus exactement, sur ce qu’exigent les femmes d’elles-mêmes, qui se mettent la pression dans une quête éperdue d’une perfection qui bien sûr n’existe pas.

Les portraits se succèdent, et ce sont toutes les facettes de la féminité qui se révèlent, multipliant les questions et les hypothèses sur les femmes actuelles et leur rapport avec la féminité, par exemple le bouleversement des canons physiques : pourquoi le culte des formes pleines, des seins, des hanches tout en volupté (Marilyn) a-t-il cédé la place au culte de la minceur, qui efface les caractères sexuels secondaires ? La réponse de l’un des personnages est particulièrement intéressante, et donne à penser.

Mais dans le même temps, le roman est léger, certaines scènes sont très drôles et décalées : ce n’est pas un essai, mais bien un roman dont la narratrice, dans sa maladresse, est particulièrement attachante car elle assume parfaitement ses imperfections et le bordel dans sa vie.

Un roman intelligent et drôle, qui nous invite à repenser notre rapport à la féminité : non, la femme parfaite n’existe pas (c’est d’ailleurs tant mieux), alors inutile de se mettre la pression !

Recherche femme parfaite (lien affilié)
Anne BEREST
Grasset, 2015

 

16 commentaires

  1. yueyin dit :

    Je l’avais déjà repéré quelquepart celui-là, tu confirmes 🙂

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  2. jostein59 dit :

    Un peu déroutée avec Les patriarches ( et je crois avoir lu aussi La fille de son père) je n’avais pas retenu ce titre. Mais pourquoi pas, le thème, si en plus il est traité avec humour, peut être intéressant.

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    1. Ah oui, c’est très drôle ! Après d’elle je n’ai lu que Sagan (et How to be a Parisian), mais j’ai bien envie de découvrir ses premiers !

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  3. Deuxième billet qui me donne envie !

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  4. kathel2 dit :

    Je n’ai jamais lu cette auteure, mais le sujet m’intéresse : je note !

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    1. Oui, le sujet fait vraiment réfléchir avec humour !

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  5. Stephie dit :

    Si, si, y a moi 🙂

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  6. eimelle dit :

    je découvrais cette auteure avec ce texte, un joli moment de lecture!

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  7. Mind The Gap dit :

    J’ai oui dire que la femme parfaite était une connasse… 😀 J’espère que le culte de la maigreur est en voie de déclin parce que les défilés de mannequins c’est vraiment pas beau à regarder…
    Jolie la couverture !

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  8. elea1688 dit :

    Pourquoi pas ? Ce serait une bonne façon de découvrir la romancière.

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