Non, Beaubourg ne propose pas une nouvelle rétrospective à Sophie Calle. Mais l’autre jour, profitant de ma découverte du nouvel accrochage des collections d’art moderne, j’ai pris le temps de musarder un peu à l’étage art contemporain, et notamment dans l’exposition « Une histoire. Art, architecture et design des années 1980 à nos jours » (visible jusqu’au 11 janvier 2016), qui propose des clefs de lecture sur la création la plus contemporaine. Je n’ai pas grand chose à dire sur l’exposition dans son ensemble, par contre j’ai passé un long moment dans une salle en particulier, celle qui est consacrée à l’artiste comme narrateur et aux fictions de l’intime. Ce sujet m’intéresse, d’autant que c’est le titre d’un des programmes de littérature comparée lorsque j’ai passé l’agrégation. Mais ici, ni Virginia Woolf, ni Paul Valery, ni Schnitzler, mais Sophie Calle, avec deux projets.
Le premier est celui qu’elle a mené en collaboration avec Paul Auster, on ne s’étonnera donc pas qu’il m’ait particulièrement intéressée. Dans Leviathan, pour construire le personnage de Maria, Paul Auster s’était inspiré de plusieurs travaux réels de Sophie Calle : la Suite vénitienne (1980) dans laquelle elle suit un homme de Paris à Venise, et le photographie à son insu ; L’Hôtel C. (1984), où elle se fait engager pendant trois semaines comme femme de chambre et où elle enregistre les faits et gestes des clients ; la filature réalisée en 1981 par un détective privé qu’elle paie pour la suivre et enquêter sur elle. L’ensemble donne un dispositif hybride de textes et d’image. A ces projets réels, Paul Auster ajoutait d’autres actions, inventées par lui. Du coup, Sophie Calle a eu envie, avec The Gotham Handbook, d’inverser le procédé et de tenter de se rapprocher encore plus du personnage de Maria en suivant les instructions de l’écrivain, réunies sous le titre « Mode d’emploi pour embellir la vie à New-York » : sourire aux gens, leur parler, leur offrir sandwich ou cigarettes, engager la conversation avec eux. Et voir ce qui en résulte*.
Deuxième projet exposé : « Douleur exquise » (1984-2003), qui fait le récit, à la manière d’une enquête, d’une rupture amoureuse, et s’inscrit dans le projet global de Sophie Calle de constituer des archives autour de son histoire. L’oeuvre met ici en regard le témoignage de Sophie Calle avec les paroles d’anonymes qui répondent à la question « quel est le jour où j’ai le plus souffert ? » et dresse ainsi un portrait intime de la douleur à visée cathartique.
Cela m’a passionnée, et m’a permis de comprendre quelque chose concernant ma relation avec l’art contemporain : je suis beaucoup plus touchée et réceptive lorsque l’artiste s’intéresse aux mots et inclut du texte dans son projet !
*Vous remarquerez que j’ai trouvé le moyen de m’insérer moi-même dans le projet grâce à un processus de mise en abyme réfléchi !
Ah mais oui, je me souviens de Leviathan et du rapport avec Sophie Calle!
J’aimeAimé par 1 personne
Je ne l’ai pas encore lu celui-là, mais tu te doutes bien qu’il est du coup passé dans mes top priorités !
J’aimeJ’aime
Je suis fan et j’adorerais voir cette expo!
J’aimeJ’aime
😉
J’aimeJ’aime