Carlota Fainberg, d’Antonio Munoz Molina

Dans la vie, les grandes explosions de joie ou de malheur sont beaucoup moins fréquentes que ne le suggèrent les romans ou le cinéma. D’après mon expérience (pas trop vaste je m’empresse de le préciser), dans la vie de tout un chacun, beaucoup plus importants sont les petits désappointements qui gâchent la possibilité de satisfactions assez peu spectaculaires, vraiment très modestes et cependant très solides, qui se présentent à presque chacun d’entre nous.

J’avais ressorti ce roman, déjà lu il y a quelques années, de ma bibliothèque, à l’occasion du salon du livre, puisque l’essentiel de l’histoire se déroule en Argentine, pays invité cette année, et qu’il y est question de Borges. Comme vous le voyez, je ne suis pas trop dans les temps pour en parler, mais comme on dit, mieux vaut tard que jamais.

Claudio, le narrateur, est espagnol, et professeur dans une université américaine. Coincé par une tempête de neige à l’aéroport de Pittsburg, alors qu’il doit se rendre à Buenos Aires pour participer à un colloque sur Borges dont il est spécialiste, il fait la rencontre d’un compatriote un peu collant, Marcelo, qui lui fait le récit d’une aventure qui lui est arrivée quelques années auparavant dans la capitale argentine. D’abord agacé, Claudio est peu à peu fasciné par ce récit.

Toute la force de ce roman fantastique tient dans la maîtrise parfaite de la narration, à tous les niveaux : d’abord, le rapport entre le récit cadre, à l’aéroport de Pittsburg, et le récit inséré de Marcelo, à Buenos Aires, qui finissent par se rejoindre lorsque Claudio parvient lui-même en Argentine et que ses pas le mènent sur les lieux des mystérieux événements qu’on lui a racontés.

Ensuite, et surtout, la voix narratoriale ; cette voix peut d’abord paraître bizarre, car Claudio ne cesse d’émailler son discours de termes anglais, ce qui est de prime abord assez déroutant, et le rend un peu antipathique. Mais il est comme ça, on s’y fait, et cette manière de procéder est surtout une déformation professionnelle qui donne son sens au récit : il porte toujours sur les choses, et notamment sur l’histoire que lui raconte Marcelo, un regard analytique, celui du narratologue sémioticien.

On a donc, toujours, un discours à double niveau, qui mène à une fascinante réflexion sur les pouvoirs du récit, car petit à petit, Claudio met son esprit critique en veille (relative) et, comme un enfant, et comme le lecteur, attend la « suite ». Et il faut dire que l’histoire elle-même, dont je ne dirai rien sinon qu’elle tourne autour d’une très mystérieuse femme qui a donné son titre au roman, est fascinante.

Je recommande chaudement !

Carlota Fainberg (lien affilié)
Antonio MUÑOZ MOLINA
Seuil, 2001 (Points, 2002)

3 commentaires

  1. geraldinecoupsdecoeur dit :

    Pas trop tentée, je ne pense pas que ce roman me parle…

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  2. DF dit :

    Justement, je l’ai fini samedi matin… et j’ai apprécié ma lecture! C’est vraiment bien fait comme roman, avec ce qu’il faut d’ironie aussi.

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