Yoga, d’Emmanuel Carrère : continuer à ne pas mourir

Puisqu’il faut commencer quelque part le récit de ces quatre années au cours desquelles j’ai essayé d’écrire un petit livre souriant et subtil sur le yoga, affronté des choses aussi peu souriantes et subtiles que le terrorisme djihadiste et la crise des réfugiés, plongé dans une dépression mélancolique telle que j’ai dû être interné quatre mois à l’hôpital Sainte-Anne, enfin perdu mon éditeur qui pour la première fois depuis trente-cinq ans ne lira pas un livre que j’ai écrit, puisqu’il faut donc commencer quelque part, je choisis ce matin de janvier 2015 où, en bouclant mon sac, je me suis demandé s’il valait mieux emporter mon téléphone, dont j’aurais de toute façon à me défaire là où j’allais, ou le laisser à la maison. J’ai choisi l’option radicale et, à peine sorti de mon immeuble, trouvé excitant d’être passé au-dessous des radars. 

Pendant le confinement, j’ai essayé de lire Limonov, un des rares Carrère que je n’ai pas encore lus, et j’ai dû abandonner tant je m’ennuyais, ce qui n’a pas manqué de m’inquiéter : est-ce que j’avais perdu cette précieuse communication avec l’auteur ? Est-ce que ce qu’il écrivait était désormais loin de moi ? Le Royaumequi m’a illuminée, date d’avant les « événements » qui ont chamboulé ma vie (même si j’en ai lu d’autres depuis, Le Royaume reste central), alors peut-être que… Pour savoir, je me suis précipitée sur Yoga et je peux vous dire que le problème venait du personnage de Limonov, qui ne m’intéresse pas du tout, et pas de l’auteur.

Tout commence (puisqu’il faut un commencement) par une retraite Vipassana, début janvier 2015, pas tant pour la retraite en elle-même que dans la perspective d’écrire un livre réjouissant sur le yoga et la méditation. Emmanuel Carrère est heureux, ça va bien dans sa vie et depuis dix ans il n’a pas traversé d’épisode dépressif. Ça ne va pas durer, et c’est au fond de l’Enfer qu’il va plonger, rattrapé par le malheur névrotique qui le pousse toujours à tout foutre en l’air quand il est bien…

Encore une fois, c’est un livre dont il est difficile de parler de manière un minimum ordonnée tant il est foisonnant et riche : happée dès les premières lignes que je vous ai mises en exergue, j’ai lu le roman d’une traite, et j’ai eu, cette fois encore, l’impression de lire une sorte d’âme-sœur, pas au sens amoureux évidemment, mais au sens « existentiel » on va dire, même si je me fais beaucoup moins de nœuds au cerveau. Tout tient en fait dans cette capacité qu’a Carrère à tenir « en même temps » l’écriture et la vie. Il écrit pendant qu’il vit les choses, il analyse tout à commencer par lui-même et est doté d’une hyperconscience éblouissante mais que je sais être épuisante : à des moments on a juste envie d’appuyer sur le bouton off. D’où l’intérêt, on va dire, de la méditation (personnellement pour mettre en pause je préfère peindre ou me promener dans la nature que rester assise immobile) et de la retraite vipassana (je ne vois toujours pas l’intérêt de se tyranniser de la sorte), que nous avions vue avec le roman Sankhara de Frédérique Deghelt. Sauf que nous ne sommes pas dans un roman (et c’est bien, d’ailleurs, ce qui intéresse Carrère : le romanesque du réel et ces faits qui paraissent tout sauf vraisemblables mais sont pourtant vrais), mais que dans les deux cas il se passe un événement grave pendant que le personnage principal est coupé du monde : le 11 septembre dans le roman, et les attentats de Charlie Hebdo ici, qui, s’ils ne plongent pas immédiatement Carrère dans le chaos, sont sans doute un déclencheur.

Alors je ne vais pas m’étendre sur toute cette traversée de l’Enfer, douloureuse et en même temps sublime car finalement, là où il voulait écrire un livre qui aurait sans doute été anecdotique, l’Univers lui donne les cartes pour un chef-d’oeuvre (j’aime voir les choses comme ça, et lui aussi car il le dit bien : pour un écrivain, tout est matière). Un livre triste à pleurer, beau à pleurer, sombre ô combien, mais aussi puissamment lumineux (et souvent drôle, de par l’autodérision dont l’auteur sait faire preuve) : lumineux sur ce que c’est que d’être écrivain, quand l’écriture fait partie de soi comme le sang qui coule dans les veines, comment ça nous sauve du chaos et du désespoir malgré tout parce que même les malheurs les plus terribles deviennent une histoire et que, au moins, on a ça. Faire de ce qu’on vit une histoire dans laquelle on met de la cohérence. Et sur l’amour, le désir, le seul enchantement qu’offre la vie, parce que finalement le cul c’est plus vrai que la sagesse, et qui est aussi le point aveugle du texte puisque Carrère passe pudiquement sur une séparation qu’on devine mais qui n’est jamais nommée et qui n’est sans doute pas pour rien dans son effondrement. Il s’en explique : le roman est le lieu où l’on ne ment pas, mais où l’on peut gommer ce qui concerne les autres qui préfèrent qu’on ne parle pas d’eux.

Mais l’amour, c’est aussi les jolies pages de la fin, la possibilité de l’amour, et pour ça, ça vaut peut-être le coup de traverser l’Enfer.

Vous l’aurez compris : je n’ai pas perdu mon lien avec Emmanuel Carrère, les articles que j’écris sur ses livres sont toujours les plus longs, et Yoga, comme les autres avant, m’a illuminée, et m’a fait grandir.

Yoga libido, de Michèle Larue : pour une vie sexuelle harmonieuse

Le goût du bien-être, le souci de soi et de l’épanouissement sexuel ont remis à l’ordre du jour quantité de pratiques énergétiques oubliées. Comme au bon vieux temps des années soixante-dix, on s’adonne à des activités teintées de spiritualité comme le yoga, on apprend des rudiments de massage tantrique, on se livre à des petits rituels, on prend même des bains sonores qui agissent sur le système nerveux et le système endocrinien : mais oui ! Des bains de gong ! Ces percussions en métal qui ont la forme de disques ou de bols tibétains, et qu’on frappe sur un rythme lent, comme dans les temples asiatiques. 
L’entretien du corps tout en douceur est devenu une règle de vie chez beaucoup de femmes. Quelques hommes réalisent que s’ils ajoutent à leur pratique sportive le yoga ou la méditation, le fonctionnement de leur corps et de ses fluides s’en trouve amélioré. Ils s’aperçoivent que leur vie sexuelle devient plus généreuse envers leur partenaire, et donc plus épanouissante, et c’est tant mieux. 

Le principe de cet ouvrage est de réfléchir à ce que peuvent faire les pratiques énergétiques ancestrales comme le yoga, le Qi Gong, la méditation pour booster et harmoniser notre vie sexuelle. Et ça tombe bien : je ne me suis finalement pas inscrite au cours de yoga que j’avais trouvais début septembre (ce n’était pas le type de yoga qui me convient), et je suis donc obligée de pratiquer toute seule dans mon salon.

Après une partie historique et un point sur la respiration yogique, l’auteure s’intéresse à la gestion du stress (sachant qu’il est la cause première de la baisse de la libido) et à l’amour et à l’estime de soi. Elle explique ensuite le fonctionnement des glandes endocrines et des hormones, avant d’entrer vraiment dans le vif du sujet : les pratiques qui vont permettre d’harmoniser et de booster tout ça — kundalini yoga, yoga hormonal, Qi Gong hormonal, yoga génital, Nad yoga, mantras, méditation, visualisation, alimentation et mode de vie.

Cela peut sembler un peu fourre-tout, mais l’idée est vraiment de donner un aperçu de tout, les pratiques se recoupant d’ailleurs souvent. Cela va donc bien au-delà du yoga, et bien au-delà surtout de la simple amélioration de la sexualité : ce qui est visé ici, c’est l’harmonie, le bien-être, avec l’idée que si les énergies circulent bien, qu’on est équilibré, la sexualité est épanouie. A la fois théorique et pratique, l’ouvrage propose donc toute une gamme d’exercices et de postures à tester (ce qui néanmoins n’est pas toujours très facile : les explications et les dessins sont clairs, mais ça ne veut pas dire qu’on va les faire correctement si on n’a pas un peu de pratique). J’ai néanmoins trouvé cela intéressant, et trouvé quelques trucs qui me plaisent.

Bref, un ouvrage assez large, où chacun eut trouver ce qui lui convient pour booster sa vie et sa sexualité !

Yoga libido. Faites danser vos hormones
Michèle LARUE
La Musardine, 2020

Par Stephie

J’ai testé pour vous… la méthode Calme de Michael Acton Smith

CalmeNous souhaitons tous acquérir un mental qui nous permettra de rester calme au volant ou dans les transports, quand nous nous rendons au travail le matin sur une route embouteillée ou dans un train bondé. Ce même mental qui nous fera réagir de façon responsable plutôt que sous le coup de l’émotion quand un ami ou un collègue souhaite discuter un de nos choix, l’état d’esprit qui nous permettra de ne pas ruminer le passé ou de ne pas craindre l’avenir au point d’avoir des difficultés à s’endormir le soir. Ne serait-il pas agréable d’avoir tout cela à portée de main ? En réalité, atteindre la sérénité dans notre vie quotidienne, au milieu du chaos, est un des plus grands défis de la vie moderne.

Entendons-nous bien : question calme et sérénité, je pars de très loin : impulsive, sanguine, impatiente, j’en passe, il est très probable que je n’atteindrai jamais la zénitude de bouddha. Pourtant, cela s’était un peu amélioré lorsque je faisais du yoga : j’arrivais un peu mieux à rester flegmatique dans les situations de tension. Il me semble aussi que le Pilates a sur moi un effet bénéfique, sinon il est probable que certaines personnes auraient récemment été étranglées (« tu es bien tendue aujourd’hui », m’a dit ma prof lundi dernier). Du coup, je me suis dit que je ne perdais rien à essayer cette méthode, basée sur la pleine conscience que j’ai découverte dans Flow.

La méthode « Calme », c’est d’abord un livre. Un très bel objet d’ailleurs : une couverture douce, d’un bleu apaisant, de très belles illustrations qui laissent une large place à la littérature et à la poésie. L’ensemble se divise en huit sections. Nous découvrons d’abord l’importance de la nature, et c’est un fait qu’on se sent tout de suite plus calme hors de la ville, pour moi évidemment à la mer ou à la montagne, pas dans les bois car je suis terrifiée par les bestioles (donc niveau zen on repassera, et de toute façon je suis allergique à l’herbe), mais en revanche j’aime énormément regarder et photographier les nuages ; la deuxième section est consacrée au sommeil, et n’a rien de très original, non plus que la suivante, intitulée « voyage » mais plutôt consacrée aux trajets pour aller au travail. Ensuite, on passe au relationnel (évidemment, ce sont bien les autres qui sont responsables de l’essentiel de notre stress) et au travail avec quelques idées intéressantes mais qui ne feront pas de miracle me concernant. Le chapitre suivant concerne les enfants : alors je suis passée très vite sur les conseils pour s’en occuper, mais là encore, quelques points intéressants sur leur rapport au monde. Enfin, le livre se clôt sur un chapitre « créativité » (le plus intéressant selon moi) et « nourriture ».  Chemin faisant, le livre regorge d’activités : écriture, dessin, découpage, pliage… dont certains sont un peu dans la même veine que le happiness jar project puisqu’il s’agit d’avoir des pensées positives.

Bref, un ouvrage plein de bonnes idées, mais rien de vraiment révolutionnaire. Le fait est que, on le voit bien, la méthode est avant tout fondée sur la méditation, présente de-ci de-là dans le livre sous la forme de petits exercices. Mais le problème c’est que moi, la méditation, je n’ai jamais bien compris en quoi ça consistait. Donc, j’ai téléchargé l’application (il y a aussi un site).

Le principe, c’est de vous aider à méditer. D’abord en choisissant une ambiance parmi celles qui sont proposées (j’ai personnellement opté, bien sûr, pour les vagues) puis ce que vous désirez : une méditation guidée (malheureusement elles sont payantes, sauf l’initiation en 7j) ou une plage de méditation, auquel cas vous réglez la durée. J’ai choisi l’initiation en 7j : le problème est que c’est en anglais, mais c’est assez simple, et finalement assez efficace puisqu’il me semble avoir progressé. Maintenant, je reste tout de même sceptique sur la pleine conscience au quotidien : autant méditer une dizaine de minutes par jour je trouve cela bénéfique, autant je ne suis absolument pas convaincue par l’objectif final, à savoir « dresser » son esprit pour qu’il cesse de papillonner à droite et à gauche et toujours se concentrer sur ce que l’on est en train de faire ici et maintenant. En gros : s’empêcher de se mettre sur auto-pilote dans les actions du quotidien et se concentrer dessus. Déjà, je suis écrivain, et le présent n’est absolument pas mon monde, et si mon esprit vagabonde, c’est qu’il est en train de tricoter une histoire, souvent. Et puis, soyons honnête : quel est l’intérêt de faire la vaisselle en pleine conscience ? C’est pénible, la vaisselle, et je ne vois tout simplement pas quel avantage il y aurait à se concentrer dessus, à part de s’ennuyer fermement. Lorsque je suis en train de buller sur la plage, de savourer des huîtres, de… oui bon vous voyez, d’accord, je profite du moment présent. Quand je suis chez le dentiste, je félicite mon esprit d’être capable de s’évader.

Voilà. Donc je ne serai jamais bouddha, c’est clair, mais je suis en voie d’amélioration (si si). Ce qui n’est pas une raison pour tester mes limites, hein !

Calme. Apaisez votre esprit, changez le monde.
Michael ACTON SMITH
Pygmalion, 2016