Le Dernier Violon de Menuhin, de Xavier-Marie Bonnot

Le Dernier Violon de Menuhin, de Xavier-Marie BonnotLa première fois que cet instrument m’a touché au plus profond, c’était le jour où j’ai vu Menuhin interpréter l’Ave Maria. Quelque chose de très fort. Pas une émotion mais plutôt un appel qui venait de loin et qui ne s’explique pas. Le son de ce génie, son beau visage, fier et noble, empreint de gravité… L’Ave Maria est facile, mais le jouer comme Menuhin est impossible. Chaque note qui naît sous ses doigts est unique, elle vous transporte immédiatement. Il y a comme une douleur dans le vibrato, un lamento qui pénètre lentement la chair. Je devais avoir trois ou quatre ans lorsque je l’ai entendu. Maman me disait que j’avais quitté mes jouets et que j’étais resté devant la télévision, les yeux écarquillés. Aujourd’hui encore, je ne comprends pas vraiment comment le violon parvenait à captiver un gamin de cinq ans. Peu importe au fond. Le violon me parlait ce langage du coeur et de l’âme, surtout celui de Menuhin.

Un roman choisi à cause de son titre : les romans qui parlent de musique, je ne sais pas pourquoi parce qu’en fait je n’y connais pas grand chose, on tendance a toujours étrangement me toucher…

Rodolphe Meyer, violoniste virtuose qui a eu son heure de gloire, vient de perdre sa grand-mère et d’en hériter une vieille ferme dans l’Aveyron, où il reste bloqué après l’enterrement. Là, avec pour seule compagnie le Lord Wilton, le dernier violon de Menuhin, il fait face à son double, Victor, l’enfant sauvage.

Étrange et déconcertant, ce roman métaphorique, tout en subtilité, interroge la condition d’artiste et la solitude inhérente : la part de sauvagerie en nous à laquelle on ne peut échapper, cette pulsion qu’il faut contrôler pour devenir un génie — comme Menuhin, omniprésent, et dont la trace évidente est ce violon, le Lord Wilton, qui apparaît presque comme un être humain, qui a des pensées et des sentiments. Et une âme, évidemment. Égrenant ses souvenirs devant « l’Autre », parlant magnifiquement de la musique, Rodolphe Meyer apparaît comme un être qui s’est perdu et abîmé dans les illusions, assailli par les fantômes du passé.

Un roman finalement profondément triste et mélancolique, habité par la nostalgie, mais qui joue une jolie petite musique qui parle à l’âme.

Le Dernier Violon de Menuhin
Xavier-Marie BONNOT
Belfond, 2017

 1% Rentrée littéraire 2017 — 26/30
By Herisson