Le pouvoir des images

Vendredi soir, je regardais la dernière vidéo vlog de Caro from Woodland. C’est une créatrice dont j’aime beaucoup l’univers cosy, et que je suis avec toujours beaucoup de plaisir. Dans cette vidéo, qu’elle a tournée pendant les fêtes, chez ses parents, elle s’intéresse aux souvenirs d’enfance et d’adolescence (décidément, c’est un thème qui revient beaucoup en ce moment) et nous invite dans sa boîte à trésors. Notamment, elle montre les cahiers dans lesquels elle collait les images qui lui plaisaient.

Et c’est revenu comme une vague. Un souvenir. Doux, celui-là : moi aussi, je faisais ça. Je découpais les magazines, et je collais dans des cahiers les images que j’aimais. Les publicités qui me faisaient rêver, les acteurs et chanteurs sur lesquels je crushais, les femmes que j’admirais et qui incarnaient celle que je voulais devenir… tout ce qui parlait à mon imaginaire et le façonnait.

Et c’était très beau, ce souvenir : pour une fois que c’est un souvenir agréable qui remonte, je ne vais pas m’en priver. C’est dommage d’ailleurs : en bonne plutonienne, je passe par des phases de grand nettoyage par le vide, et j’ai jeté tous ces cahiers. J’aurais bien aimé les feuilleter à nouveau. Mais tant pis, il me reste le souvenir : celui d’heures passées enfouie dans les images. Qui ont toujours eu, d’ailleurs, une importance essentielle : j’ai appris à lire et à raconter des histoires avec des bandes dessinées.

Et aujourd’hui, même si je reste un être d’écrit (mais les mots, finalement, sont un peu des images et d’ailleurs je me suis lancée dans l’apprentissage de la calligraphie et du lettering), les images gardent une grande importance dans mon quotidien. Mon bureau est un moodboard géant et lorsque la semaine dernière j’ai à nouveau entrepris un grand tri plutonien par le vide pour changer les meubles, je suis tombée sur des tiroirs entiers de cartes postales, dépliants d’expositions, invitations à des vernissages, que sais-je, précieusement archivés parce que les images étaient jolies. J’en ai gardé beaucoup, évidemment, mais pas tout.

Mon amour pour les images, c’est aussi mon goût pour la photographie. Mon amour pour Instagram malgré tous les défauts de ce réseau, et Pinterest. Mes tableaux d’inspiration et de visualisation. Le journal poétique, évidemment. Et le Tarot : c’est un langage d’images, et en tirant le Tarot, je retrouve un peu la petite fille qui le soir, dans son lit, alors qu’elle ne savait pas encore lire, inventait des histoires à partir de planches de bande dessinées.

Et c’est resté : pour écrire, j’ai besoin d’images. De moodboards, mais aussi, pour raconter quelque chose, j’ai besoin, d’abord, que tout se soit déroulé dans ma tête comme un film. Peut-être d’ailleurs y a-t-il quelque chose à creuser pour moi de ce côté-là : livres illustrés, romans graphiques, voire cinéma.

(Je sais, c’est le sujet du nouvel essai de Mona Chollet : pas d’inquiétude, il est déjà dans ma montagne à lire, on en reparle bientôt).

La sensualité du monde…

L’un des effets les plus évidents pour moi de ce confinement, c’est que je me sens beaucoup plus attentive à ce qui m’entoure, et beaucoup plus finalement dans le moment présent. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai été aussi déconcertée par l’apparition des pivoines : vu le temps que je passe à observer chaque petit changement dans le jardin au fil de la saison qui avance, je ne comprends pas comment j’ai fait pour ne pas les voir, d’où mon hypothèse magique. Cette attention est avant tout visuelle, et c’est peut-être un effet aussi de mon atelier photo : je suis tout le temps en train de regarder les choses sous tous les angles, et de photographier. Les lumières, les reflets. Je travaille aussi beaucoup sur les couleurs : essayer d’en saisir les moindres nuances, faire des mélanges de peinture pour avoir ce que je veux. Plus que d’habitude, j’ai besoin que tout autour de moi soit beau et harmonieux ! Je passe une partie de mon temps à réarranger la décoration, et je pense que le jour de réouverture des fleuristes je vais me précipiter pour m’offrir un bouquet de pivoines !

Mais ce n’est pas seulement le beau : plus que jamais je suis attentive à mes autres sens et à la manière dont ils sont sollicités. Un peu comme lorsque je suis en voyage et que tout est tellement nouveau que tous mes sens sont en alerte.

J’ai besoin que ça sente bon, et je fais un usage certain des huiles essentielles (geranium rosat) en diffusion dans la chambre. L’odeur du linge propre qui sèche, un peu de parfum (j’éprouve le besoin d’en mettre une touche même chez moi, quelque chose de très léger à la verveine et au cédrat, ou l’escale a Portofino de Dior qui est mon parfum des belles saisons), l’odeur du pot de muguet sur mon bureau, et puis venant de l’extérieur lorsqu’il fait beau et que les fenêtres sont ouvertes la douce odeur du sureau, les roses qui embaument juste sous la fenêtre de ma chambre, une feuille de menthe que j’écrase sous mes doigts, ou le basilic. L’odeur du repas en train de mijoter.

Les sons, c’est moins évident, je sais néanmoins gré à mes voisins de ne pas être bruyants (je pense que certains ne sont pas là du tout, en fait). Mais j’aime à la folie le chant des oiseaux dans le sureau le matin quand je me réveille et puis après tout au long de la journée, le bruit de la pluie, la chanteuse lyrique qui donne de la voix quelques minutes tous les soirs après 20h.

Les goûts, bien sûr. Je crois qu’on en est tous là : le besoin de se faire plaisir avec la nourriture, et là nous arrivons à la saison où les aliments ont tellement plus de saveurs que l’on est ravis avec des plats d’une totale simplicité : des radis avec du bon pain et du beurre, des asperges servant de mouillettes à des œufs à la coque, quelques tomates et de la mozzarella. Un verre de vin frais. J’ai aussi fait des beignets de fleurs de sureau, délicieusement parfumés, dont je vous reparlerai dimanche. Et les fruits : les fraises, les abricots qui commencent à arriver, juteux et sucrés.

Et le toucher : s’envelopper dans un plaid tout chaud et doux parce qu’il fait frais ou au contraire s’offrir à la caresse du soleil, se glisser dans les draps propres et poser la tête sur l’oreiller moelleux, enfiler une chemise soyeuse…

Une des choses que j’essaie de penser à faire, dans la journée, c’est : m’arrêter, et faire le point sur toutes mes sensations, ce que j’ai sous les yeux, ce que je sens, ce que j’entends, quel goût j’ai dans la bouche, quelle sensation sur ma peau ! Cela permet de sortir du mode automatique, d’être vraiment dans le moment présent, et d’apprécier ce qui nous entoure : c’est ce qu’on appelle la pleine conscience et c’est un formidable catalyseur de joie. Cela permet, aussi, de se reconnecter à son corps, de s’ancrer pleinement dans le vivant, dans le charnel… dans le sensuel, et pour moi c’est absolument essentiel en ce moment.