Personal Shopper, d’Olivier Assayas

Personal Shopper, d'Olivier Assayas

I mean there are invisible… presences… around us. Always. I mean whether or not they’re the souls of the dead, I don’t know, but… You know when you’re a medium you just are attuned to some sort of… vibe.

Un film que j’avais noté sur ma liste depuis sa sortie, malgré les critiques peu encourageantes. Pas du tout pour Kristen Stewart, dont je pense je ne comprendrai jamais le succès, mais pour les thèmes de la gémellité et de la médiumnité, qui ont tendance à m’obséder sans que je sache pourquoi…

Maureen est personal shopper pour Kyra, une star assez capricieuse. Elle est surtout médium, comme l’était son frère jumeau. Depuis qu’il est mort, elle attend un signe de lui, comme ils se l’étaient promis : le premier à passer de l’autre côté contactera l’autre. Mais les textos étranges qu’elle reçoit sont-ils bien de lui ?

Un film bizarre, auquel, soyons honnête, je ne suis pas certaine d’avoir tout compris (je serais même plutôt certaine du contraire, en fait). Du reste, c’est très bien filmé, très anxiogène et inquiétant, mais il manque quelque chose, je ne saurais vraiment dire quoi… Toujours est-il que malgré ces thèmes qui me parlent, les présences invisibles, la médiumnité, la gémellité, auxquels s’ajoute une dimension thriller psychologique, je suis restée sur ma faim… Disons qu’au final, j’ai surtout été intéressée par les vêtements, et notamment une époustouflante robe totalement transparente assortie d’un harnais qui a fait frissonner l’amatrice de fanfreluches que je suis (mais je n’arrive pas à trouver d’images), mais ce n’était pas le but. Du reste, on sent la fascination d’Assayas à filmer Kristen Stewart, mais ne parageant nullement cette fascination, je suis restée à quai…

Personal Shopper
Olivier ASSAYAS
2016

Tout ce qu’on ne s’est jamais dit, de Celeste Ng

Tout ce qu'on ne s'est jamais ditLydia est morte. Mais ils ne le savent pas encore. 3 mai 1977, six heures trente du matin, personne ne sait rien hormis ce détail inoffensif : Lydia est en retard pour le petit déjeuner. Comme toujours, sa mère a placé près de son bol de céréales un crayon bien taillé et les devoirs de physique de Lydia, six problèmes, chacun coché. Sur le chemin du travail, le père de Lydia règle l’autoradio sur WXKP, la Meilleure Source d’Information du Nord-Ouest de l’Ohio, irrité par le craquement des parasites. Dans l’escalier, le frère de Lydia bâille, toujours enveloppé dans la fin de son rêve. Et sur sa chaise dans le coin de la cuisine, la sœur de Lydia écarquille de grands yeux, voûtée au-dessus de ses corn-flakes, les mâchant un à un en attendant que Lydia apparaisse. C’est elle qui déclare finalement : « Lydia prend son temps, aujourd’hui ». 

Voici le troisième roman sélectionné cette année pour le Grand Prix Relay des voyageurs. Un roman qui au départ ne me disait trop rien, car je pensais qu’il s’agissait d’un polar, genre que vraiment je n’aime pas du tout. En réalité, ce n’est pas un polar (les apparences sont trompeuses), et c’est même beaucoup plus qu’un roman à suspens.

Nous sommes le 3 mai 1977. Ce matin-là, Lydia, une adolescente promise à un brillant avenir, est en retard pour le petit déjeuner. En réalité, elle n’est pas en retard : elle est morte, et son corps gît au fond du lac situé en face de la maison. Alternant le passé et le présent de cette famille qui va voler en éclats, le roman retrace l’enchaînement des événements qui ont abouti à la mort de Lydia : meurtre ? suicide ? accident ?

Le moins que l’on puisse dire est que ce roman est d’une efficacité diabolique, et qu’il est difficile de le lâcher avant la fin. Au compte-goutte, l’auteure distille les informations nécessaires, créant un suspens parfaitement maîtrisé. Mais il y a beaucoup plus : l’intérêt de ce roman, ce n’est pas seulement de savoir ce qui est arrivé à Lydia ; c’est aussi, et surtout, la manière dont pèse sur chacun l’histoire familiale : comment se construire sereinement lorsqu’on est soumis aux rêves des autres et qu’on a tellement peur de lire la déception dans leurs yeux ? Ici, tous les personnages sont d’une grande complexité, tous sont déchirants, tous ont leurs secrets, leurs blessures, leurs failles. Tous sont à la fois coupables et victimes. Tous cherchent désespérément à être aimés. Tous se débattent dans une vie qui ne leur convient pas. Les problématiques familiales, déjà pesantes, se doublent des problèmes de la société qui dysfonctionne : la place des femmes qui doivent choisir (mais ont-elles toujours le choix) entre la sécurité d’un foyer et une vie épanouissante professionnellement ; l’identité ethnique, ici chinoise, qui empêche de s’intégrer, d’avoir des amis, d’être réellement considéré comme Américain. Ce roman étouffant et glaçant épouse la mécanique infernale de la tragédie grecque : on sait que Lydia va mourir, d’ailleurs elle est déjà morte dès la première phrase, mais on ne sait pas comment. Et on ne sait pas non plus comment les autres vont survivre.

Un roman absolument magistral, d’une grande finesse psychologique, à lire impérativement !

L’avis de Sylire

Tout ce qu’on ne s’est jamais dit
Celeste NG
Sonatine, 2016

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