La pensée ésotérique de Léonard de Vinci, de Paul Vulliaud : un monde de symboles

Son œuvre est symbolique, nous le verrons, incontestablement ; or le symbole est le signe sensible au moyen duquel l’artiste a exprimé sa Pensée. Si nous déchiffrons le symbole, tout mystère s’évanouira. Avouons-le, la difficulté reste extrême. Cet homme fameux a préféré pour vêtir son abstraction la plastique à la parole qui elle, déjà, peut se retirer dans un sanctuaire souvent invincible.

L’autre jour, au Clos-Lucé, je suis tombée sur ce petit ouvrage, un « classique » datant des années 20 (je n’ai pas trouvé de date précise). Les sujets tournant autour de l’ésotérisme m’intéressent toujours, je ne connais pas très bien Léonard de Vinci, et la quatrième de couverture promet « une perspective post Da Vinci Code » (ce que je trouve d’ailleurs culotté vu que l’ouvrage a été écrit bien avant, mais passons) : il n’en fallait pas plus pour m’allécher.

Dans ce court essai, Paul Vulliaud se propose donc d’explorer la pensée philosophique et religieuse de Léonard de Vinci par le biais de ses tableaux, et non de ses manuscrits.

Alors. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteur ne se prend pas pour la queue d’une poire : pour faire simple, tous ceux qui ont un avis différent du sien sont des imbéciles (je pence que le Da Vinci Code l’aurait fait s’étrangler). En outre, il s’agit d’un ouvrage très hermétique, c’est le cas de le dire, élitiste, et souvent pontifiant. Alors même qu’il manque singulièrement de rigueur : j’ai eu souvent l’impression que le sujet (Léonard de Vinci) était complètement oublié, au profit de discussions oiseuses ; de plus, tout le développement, qui consiste finalement à montrer que la peinture de Vinci est symbolique (ce qui tombe un peu sous le sens), ne s’appuie guère que sur deux tableaux : Saint Jean-Baptiste et Bacchus. Alors soit, mais Vinci a peint plus que ça. Mais, évidemment l’avantage de ces deux tableaux, c’est qu’ils permettent d’enfermer Vinci dans une pensée christianocentrée, alors même qu’il est évident que Vinci était beaucoup plus que ça, et je pense profondément que cet essai trahit donc son sujet, y compris dans l’analyse de certains symboles (par exemple, il rappelle doctement que la grenade est le fruit qui symbolise l’Eglise, « oubliant » au passage (ignorance ou mauvaise foi ?) que ce symbolisme est un détournement de la grenade comme symbole de fertilité et de puissance sexuelle, lié à la grande déesse mère).

Bref vous l’aurez compris : cet ouvrage m’a profondément agacée, et pas appris grand chose.

La Pensée ésotérique de Léonard de Vinci
Paul VULLIAUD
Dervy, 1981/2022

L’ours, de Michel Pastoureau : histoire d’un roi déchu

Depuis des temps immémoriaux, l’ours est dans tout le monde germanique, au nord comme au sud, une créature spécialement admirée. Plus fort qu’aucune autre bête, il est le roi de la forêt et celui de tous les animaux. Les guerriers cherchent à l’imiter et à s’investir de ses forces au cours de rituels particulièrement sauvages. Quant aux chefs et aux rois, ils en font leur attribut préféré et tentent de s’emparer de ses pouvoirs par le biais des armes et des emblèmes. Toutefois, la vénération des Germains pour l’ours ne s’arrête pas là. A leurs yeux, ce n’est pas seulement un animal invincible ni l’incarnation de la force brutale ; c’est aussi un être à part, une créature intermédiaire entre le monde des bêtes et celui des humains, et même un ancêtre ou un parent de l’homme.

Michel Pastoureau est un auteur dont j’ai beaucoup lu les travaux, absolument passionnants, sur la couleur, mais je ne m’étais jamais penchée sur ses recherches concernant les animaux. Or, il se trouve que depuis quelques années, je suis assaillie (métaphoriquement) par les ours, une synchronicité à laquelle l’Univers semble tenir beaucoup puisqu’il ne se passe pas une seule journée sans que je reçoive mon ours du jour, voire mes ours, sous une forme ou une autre, et de manière parfois très inattendue, j’ai même essayé de documenter ce phénomène mais c’était beaucoup de travail. Bref : l’autre jour, alors que j’attendais mes ouvrages de la réserve, je errais dans les rayons de la médiathèque, un peu désœuvrée, je suis tombée sur cet essai. Dont je me suis emparée immédiatement, bien sûr.

L’ours, objet d’un culte ancien dont les contours ne sont pas définis et qui suscite des controverses dans le milieu des paléontologues, s’est vu combattu et diabolisé à l’époque médiévale par une Eglise qui n’avait sans doute que ça à faire et, humilié, a été déchu de son titre de Roi des animaux au profit du lion, pour finir humilié au bout d’une chaîne, jusqu’au retour en grâce moderne dans les bras des enfants. C’est toute cette histoire de la place de l’ours dans l’imaginaire et dans la société que nous raconte ici Michel Pastoureau.

Et on peut dire qu’il sait raconter l’histoire et les histoires, et cet essai se révèle absolument passionnant et instructif sur le plan de l’histoire sociale et culturelle, sur l’imaginaire et ses symboles. J’ai cependant été étonnée que l’auteur n’aborde pas la question de la figure de l’ours dans l’alchimie, ni tellement dans la psychanalyse et notamment chez Jung. Concernant ce deuxième point, cela peut s’expliquer par le fait que Pastoureau est un spécialiste du Moyen-Age, mais concernant l’alchimie c’est plus étonnant. Cela étant dit, j’ai tout de même appris beaucoup de choses avec cet ouvrage, et il m’a ouvert bien des pistes de réflexion…

L’Ours. Histoire d’un roi déchu
Michel PASTOUREAU
Seuil, 2007

Doodling sacré, de Marjorie Bourgoin : dessiner des symboles spirituels

Il peut être surprenant de constater que de nombreux symboles se retrouvent au sein de cultures issues d’époques différentes, et n’ayant donc jamais eu aucun contact entre elles. Si certaines ressemblances peuvent facilement s’expliquer pour les signes représentant des éléments réels  — comme la Lune, le Soleil, les plantes  — comment expliquer que beaucoup de concepts abstraits co-existent quasiment à l’identique dans la plupart des civilisations avec, très souvent, des sens équivalents ?

Un de mes objectifs pour 2021 (oui, je suis déjà passée à 2021 alors qu’on n’est même pas encore au solstice d’hiver) est de progresser en dessin, et d’essayer de dessiner un petit truc sinon tous les jours disons le plus possible. Et pour cette entreprise, le doodling est parfait (même si sur la photo ce n’est pas du doodling), et comme j’aime particulièrement tout ce qui est « ésotérique » et qu’il me servira pour mon grand projet de 2021 (enfin j’espère, mais comme j’en parle de plus en plus c’est que je commence à être prête) j’ai choisi de m’appuyer sur ce petit guide de Marjorie Bourgoin, connue sous le nom de Cococerise.

C’est très simple : un voyage à travers les formes, les couleurs, la composition, les symboles sacrés et naturels, que l’on apprend à dessiner pas à pas (des pages sont prévues pour s’entraîner), l’idée étant à la fin d’aboutir à de véritables compositions plus complexes.

Un livre que j’aime beaucoup et que je conseille à toutes celles qui ont envie de créer, il y a plein de belles idées, certaines formes sont encore un peu complexes pour moi mais on va dire que je progresse !

Doodling Sacré. Apprendre à dessiner des symboles spirituels et créer ses emblèmes magiques.
Marjorie BOURGOIN
Leduc.s, 2020