Wonder Woman, de Patty Jenkins

Wonder womanL’homme est essentiel à la procréation ; mais quand il s’agit du plaisir, il est tout à fait inutile…

Quand j’étais petite, je voulais être Wonder Woman, incarnée par Lynda Carter : belle, intelligente, courageuse, généreuse, déesse amazone, elle représentait l’incarnation parfaite de la féminité telle que je me la suis toujours représentée (et me la représente toujours, d’ailleurs), mélange de force et de séduction. Au cours de mes recherches universitaires, j’ai d’ailleurs pas mal travaillé sur le mythe des Amazones, que je trouve absolument fascinant. Enfin bref, tout ça pour dire que j’attendais avec la plus vive impatience que ce film sorte enfin en VOD.

Diana est la fille d’Hippolyte, la reine des Amazones, peuple de femmes guerrières chargées par Zeus de protéger le monde et à qui il a confié, avant de mourir, la seule arme capable de détruire Arès et de l’empêcher de détruire l’humanité.  L’île de Themyscira, où elle vit, est normalement inaccessible et cachée aux mortels, jusqu’au jour où un avion traverse la brume qui l’entoure et s’écrase dans la mer, bientôt suivi par une flotte de bateaux allemands. Après un terrible combat et le récit du pilote de l’avion qu’elle a sauvé et qui a raconté la guerre qui faisait rage, Diana, persuadée que c’est là l’oeuvre d’Arès, décide de se rendre dans le monde des hommes pour les sauver.

Evidemment, c’est un blockbuster, et il remplit parfaitement son office de film d’action de super-héros (dont je ne suis pourtant pas particulièrement adepte en temps normal) : c’est rythmé, spectaculaire, et on passe un excellent moment divertissant. Mais ce qui m’a le plus intéressée, c’est la dimension mythologique et philosophique (plus, à vrai dire, que la querelle féministe ou pas féministe, à mon avis insoluble tant le féminisme est impossible à unifier autour d’une vision commune) : l’opposition entre la force de vie, celle des Amazones, et la force de destruction et de mort incarnée par Arès. Eros (enfin, dans l’idée) et Thanatos, certes, mais pas seulement si l’on s’interroge sur ce que représente le dieu de la guerre : est-il responsable du chaos, ou les hommes en sont-ils eux-mêmes responsables, dotés de leur libre-arbitre ? Et s’ils sont seuls responsables du Mal, s’ils sont mauvais, doivent-ils être détruits, comme le pense Arès, ou y a-t-il quelque chose qui mérite quand même d’être sauvé ? L’amour est-il plus fort que le chaos ?

Vaste question, vaste programme, en tout cas questionnement intéressant. Il y a des éléments que j’aurais voulu voir plus amplement exploités, je regrette aussi un peu ce parti-pris du refus de la sexualisation de l’héroïne parce que pour moi cela fait partie du personnage, mais ça reste un film que j’ai pris beaucoup de plaisir à voir. A ma prochaine fête déguisée, je me déguiserai en Wonder Woman !

Wonder Woman
Patty JENKINS
2017

 

Je suis un dragon, de Martin Page (Pit Agarmen)

Je suis un dragonQuelque chose en Margot la poussait à réagir. Elle sentit une force monter du plus profond d’elle-même comme si le dragon de ses dessins irradiait par les pores de sa peau. Mais ça la terrorisait bien davantage que la fille et son gang. Elle respira pour se calmer. Ne pas répliquer. Se défendre ne serait pas simplement se défendre. Ce serait commencer autre chose. Ce serait ouvrir une nouvelle ère. Alors Margot préféra se laisser bousculer et insulter.

Chaque enfant rêve de devenir un super-héros. Dans les cours de récréation, Superman s’amuse avec Batman et Spiderman. C’est normal. Et puis, en grandissant, les rêves deviennent moins grands. C’est d’ailleurs ça, grandir : renoncer à une partie de ses rêves, et prendre en compte le principe de réalité. En grandissant, on comprend qu’on ne deviendra pas Wonder Woman.

Pourtant, Margot, elle, est véritablement une super-héroïne. Orpheline, timide et solitaire, elle dessine des dragons. Mais un jour, face à une agression, elle laisse apparaître sa véritable nature : dotée de super-pouvoirs, elle dézingue de manière peu charitable ses agresseurs, qui finissent en tartare. Les services secrets, qui la récupèrent, lui demandent alors de mettre ses facultés au service de l’ordre et de la justice. Enfin, en tout cas, de ce qu’ils considèrent être l’ordre et la justice.

J’avoue que ce roman complètement loufoque m’a pas mal déconcertée, mais dans le bon sens du terme : c’est d’une originalité décoiffante, on s’amuse beaucoup, mais en même temps c’est très subtil. Martin Page nous propose un personnage particulièrement attachant : Margot est une adolescente à la fois fragile et forte, mais surtout déterminée, et à travers sa différence, qui fait d’elle un être supérieur, l’auteur ausculte la société. Une société en perte de repères, et qui a bien besoin de se rassurer grâce aux super-héros : Margot, sous le nom de Dragongirl, devient donc l’équivalent d’une déesse, adulée et adorée, même si elle devient rapidement l’enjeu de luttes politiques. Comme tout super-héros qui se respecte, elle a la panoplie qui va bien, et toute l’imagerie qui va avec, parce que c’est important : nom, photographies, costume dessiné par des couturiers et qui comprend obligatoirement une cape inutile mais, voyez-vous, « elle faisait partie de la panoplie ridicule et nécessaire de tous les superhéros ». 

Mais les hommes sont stupides, mesquins, méchants. Et Margot grandit.

Ce roman, au final, est une très jolie fable sur le passage à l’âge adulte. Une sorte de roman d’apprentissage. Apprendre à être soi et non ce que les autres veulent. Apprendre, aussi, à renoncer à la toute-puissance. Apprendre à aimer. Un très beau roman donc, original et lumineux, drôle et profond, à mettre entre toutes les mains !

Je suis un dragon
Martin PAGE (Pit AGARMEN)
Robert Laffont, 2015