Dépasser la honte, de Brené Brown : oser être soi

Ce livre propose des informations, des concepts et des stratégies spécifiques pour comprendre la honte et bâtir « une résilience à la honte ». On ne peut pas devenir totalement résistant à la honte ; mais on peut développer la résilience nécessaire pour la reconnaître, la dépasser de manière constructive et mûrir à partir de ces expériences. Au fil des entrevues, j’ai constaté que les femmes dotées d’un haut degré de résilience à la honte possédaient quatre choses en commun. J’appelle ces facteurs les quatre composantes de la résilience. En s’informant sur la résilience et en mettant ces composantes en pratique, on peut dépasser les sous-produits de la honte — la peur, la critique et le rejet — et aller à la rencontre de l’empathie, du courage, de la compassion et du lien nécessaire à une vie meilleure et authentique.

Je vous avais déjà parlé de Brené Brown lorsque je m’étais intéressée à la vulnérabilité ; l’autre jour, j’ai revu cette conférence, Call to courage, et j’ai eu envie d’approfondir en lisant un de ses essais sur le sujet. Et finalement, ma petite voix intérieure m’a dit de m’intéresser plutôt à la honte…

La honte est un sentiment universel, tout le monde la ressent à un moment ou un autre : se sentir imparfait, indigne d’être aimé et accepté par le groupe ; dans un premier temps, Brené Brown cherche donc à comprendre la honte, ses fondements, qui viennent d’injonctions à être auxquels on ne correspond pas ; elle étudie ensuite les conséquences : la peur, la critique, le rejet. Comment alors la dépasser ? Affirmant le pouvoir de l’empathie, l’auteure montre quelles sont les composantes de la résilience à la honte : identifier la honte et comprendre ses déclencheurs (les identités indésirables), exercer son sens critique, se rapprocher, et exprimer la honte. Si dépasser la honte et s’accepter comme on est demande du courage, cela permet aussi d’aller vers la compassion et le lien.

Un essai absolument formidable et éclairant : s’appuyant sur de nombreux témoignages de femmes (puisque le sujet d’étude de Brené Brown, c’est la honte féminine, mais elle aborde aussi brièvement les hommes et c’est passionnant), il propose un véritable programme, qui m’a permis d’aller plus loin dans l’analyse de certaines choses, et notamment la question des identités indésirables ; c’est très fin sur beaucoup d’analyses, et cela permet de voir que souvent, on identifie mal ce que l’on ressent vraiment, et par conséquent ça ne peut pas passer car nos réactions de protections sont mal dirigées.

Ce qui ressort de tout cela, c’est que l’on ne peut pas être parfait, qu’il faut lutter contre les stéréotypes, et réaffirmer la force du lien, afin de construire un monde plus doux pour les uns comme pour les autres.

Dépasser la honte
Brené BROWN
Traduit de l’anglais par Catherine Vaudrey
Trédaniel, 2015

Glow, de Liz Flahive et Carly Mensch

Glow, de Liz Flahive et Carly MenschDans ce monde, il y a de bonnes personnes, et de mauvaises personnes…

Dans l’article « Le Monde où l’on catche » de ses Mythologies, Roland Barthes analyse la dimension spectaculaire du catch, qu’il compare au théâtre et notamment, dans ses excès, au théâtre antique. Il écrit : « Cette fonction d’emphase est bien la même que celle du théâtre antique, dont le ressort, la langue et les accessoires (masques et cothurnes) concouraient à l’explication exagérément visible d’une Nécessite ». Partant, dans le catch, tout est signe, à commencer par le physique et le costume des acteurs, dont le combat est finalement manichéen, essentiellement dans le catch américain, « sorte de combat mythologique entre le Bien et le Mal (de nature parapolitique, le mauvais catcheur étant toujours censé être un Rouge) ».

Lorsque j’avais une dizaine d’années, je n’avais bien sûr pas lu Barthes, mais j’aimais bien regarder cette émission qui passait sur Canal+ en clair le dimanche, « Les rois du catch » ; je regardais avec mon père, qui m’avait bien expliqué que c’était tout du chiqué, et je crois que c’est ce qui me fascinait dans tout ça : la mise en scène. Après, je suis passée à d’autres centres d’intérêts, mais enfin, j’étais tout de même très curieuse de voir cette série.

Ruth est une actrice peu conventionnelle, ce qui fait qu’elle loupe tous ses castings. Jusqu’au jour où elle est auditionnée pour un projet un peut particulier : une émission de catch féminin, GLOW (Gorgeous Ladies Of Wrestling).

Ce qui est fascinant dans cette série, outre qu’on peut entièrement la lire à la lumière de l’article de Barthes, c’est comment, à partir d’un projet évidemment sexiste (un spectacle de femmes qui se battent pour réveiller la libido masculine) émerge quelque chose de profondément féministe et plus généralement assez politique, en pointant la manière dont le spectacle se construit sur des stéréotypes, notamment ethniques : Arthie, qui est Indienne, accepte de se transformer en “Beirut the Mad Bomber” ; Tammé, noire, devient “The Welfare Queen”, la reine des allocs ; quant à Ruth, elle incarne l’honnie URSS (on est dans les années 80). Face à toutes ces méchantes, la Reine Amérique est elle incarnée par une blonde au costume de Wonder Woman. Mais c’est du spectacle, et finalement les stéréotypes sont tellement surjoués qu’ils en sont désamorcés, d’autant qu’au fil des épisodes, malgré leurs différences, les filles arrivent à se construire comme groupe et à s’émanciper, chacune à sa manière. Une tribu d’amazones !

Cela donne au final une série très agréable à regarder, les épisodes sont assez court ce qui permet un rythme soutenu, et certaines scènes sont vraiment un régal pour les yeux !

Glow
Liz FLAHIVE et Carly MENSH
Netflix, 2017 – en 29cours de production