Il y a longtemps, j’avais écrit un article dans lequel j’expliquais que je ne savais pas choisir. Parce que choisir, c’est renoncer. C’est souvent lié au temps. Et c’est une maladie bien contemporaine ça : on l’appelle FOMO, Fear of Missing Out, la peur de louper quelque chose. Alors on passe ses journées à courir comme des hamsters dans une roue, stressé que si on fait un truc et bien on n’en fait pas un autre, on scrolle désespérément nos écrans de smatphone par crainte de louper une info, et et et… en voyage, ce sont ces gens qui passent leurs journées à arpenter en courant la ville d’un « must see » à un autre, se plantent devant deux minutes le temps de prendre une photo avant de passer au suivant. Au final, on ne profite jamais vraiment de rien, mais on a tout fait.
Or, profiter vraiment implique un temps long, et un ralentissement. Et donc de ne pas tout voir, de louper certaines choses, et de s’en faire une joie : JOMO, Joy of Missing Out. Je m’en étais rendu compte bien avant le confinement, de ça, cette nécessité de ralentir. D’ailleurs en voyage j’ai toujours fait ce choix délibéré et conscient du slow travel, qui implique que je suis loin de voir tout ce qu’une ville offre de choses intéressantes et que même souvent je passe à côté de ce que tout le monde considère comme un impératif : je ne vais que là où cela m’intéresse, me fait vibrer, parce que je n’aime pas courir partout et que prendre un verre en terrasse et regarder les gens, m’asseoir dans un parc ou au bord de l’eau et contempler, c’est aussi indispensable pour moi que les musées et les monuments.
Mais, si j’étais tout à fait capable de le faire en voyage, dans ma vie quotidienne c’était plus compliqué. Même si j’ai appris à faire des choix (notamment : je suis prête à renoncer à tous les hommes de la planète pour un seul (pas n’importe lequel évidemment)). Sauf pour les desserts, je prends encore très souvent le café gourmand. Le plus dur c’est d’arriver à cesser d’avoir l’impression fâcheuse (qui n’est d’ailleurs pas qu’une impression) que le temps s’échappe inexorablement et qu’on ne peut pas y loger tout ce qu’on voudrait faire. Ou même plus exactement que chaque chose qu’on veut faire nous prend du temps sur une autre qu’on veut faire. Même quand on en a plus on en veut encore. Si je lis je ne peins pas et si je peins je n’écris pas et oh làlàlàlà ce yoga ça me prend trop de temps.
Il y avait une série quand j’étais petite dans laquelle l’héroïne était une extra-terrestre (ah, tiens ?) et elle avait un pouvoir extraordinaire : elle pouvait arrêter le temps. Elle arrêtait le temps, les horloges étaient figées, et elle elle pouvait donc faire des trucs sans que le temps ne passe. J’ai toujours rêvé d’avoir ce pouvoir : arrêter le temps tôt le matin et dormir. Comme ça, à la fois je me suis levée tôt et à la fois j’ai fait la grasse matinée. Un retourneur de temps me tenterait aussi pas mal…
Oui, je sais, ce n’est pas possible et il faut donc choisir. Alors je choisis : de ralentir. De faire moins de choses dans mes journées, mais de les faire vraiment et d’en profiter. Et aussi, parce que c’est meilleur pour ma santé mentale, de ne regarder les actualités qu’une fois par jour et encore rapidement pour m’en tenir à l’essentiel. De passer moins de temps sur mon smartphone. De cesser de vouloir que tout soit rapide. Prendre le temps. Lire, créer, jardiner, (c’est bien ça, jardiner pour apprendre à ralentir : les plantes elles poussent à leur rythme), cuisiner, faire la sieste, méditer (j’ai encore du mal), faire le marché, chiner…
En fait, dans un temps qui s’accélère (d’un point de vue quantique : on a tous cette impression, plus ça va et plus on a l’impression de manquer de temps… et bien c’est normal, ça fait partie du programme) il s’agit de se recentrer sur l’essentiel. Qu’est-ce que j’ai vraiment envie de faire ?
Et vous, qu’est-ce que vous avez vraiment envie de faire ?