La Magie sexuelle, de Sarane Alexandrian : bréviaire des sortilèges amoureux

L’homme et la femme, par la magie sexuelle, extraient l’un de l’autre ce qui manque à la virilité et à la féminité pour être toute puissante. L’individu, par la magie sexuelle, opère la fusion du monde charnel et du monde spirituel. L’humanité dans son ensemble, en conséquence, a intérêt d’aller plus loin que l’amour, plus loin que le plaisir, pour assurer à l’érotisme le développement des pouvoirs magiques déjà latents en lui.

La magie sexuelle : un sujet qui m’intéresse, d’un point de vue plus intellectuel et esthétique (et même littéraire puisque je l’aborde dans certains textes) que pratique d’ailleurs, mais que je trouve absolument fascinant, et j’étais donc très curieuse de découvrir cet essai de Sarane Alexandrian, connu pour avoir été le bras droit d’André Breton (et on sait que l’ésotérisme était un sujet qui intéressait beaucoup les surréalistes). Cet essai est d’abord paru en 2000, et jouit d’une nouvelle édition sortie récemment : une occasion parfaite donc.

Dans cet essai, l’auteur aborde tout d’abord la magie sexuelle inférieure, à savoir comment améliorer sa vie sexuelle et amoureuse grâce à la magie, dans un premier chapitre consacré à la tradition des sortilèges amoureux (sur le sujet, je vous renvoie à la merveilleuse conférence de Tobie Nathan). Mais visiblement, tout comme moi, c’est la magie sexuelle supérieure qui l’intéresse, à savoir celle qui utilise l’énergie sexuelle pour développer les pouvoirs psychiques et influer sur le monde, et il l’aborde dans les cinq chapitres suivants : la magie blanche de l’amour, la sexualité sacrée, le grand œuvre de chair, comment faire l’amour avec une créature invisible et « l’art de chevaucher le tigre » (c’est à dire l’abstinence). Il revient ensuite brièvement sur la magie sexuelle inférieure avec un dernier chapitre sur les aides magiques au sexe. Un dernier addendum s’intéresse brièvement à la wicca.

Un ouvrage du grande richesse, très érudit, parfois curieux (un passage sur le Tarot fera que je ne regarderai plus jamais mes jeux de la même manière), très ésotérique voire occulte, mais absolument passionnant (quand on s’intéresse à ce type de sujets, ce qui est mon cas), et il constitue un véritable fertiliseur pour l’imaginaire !

La Magie sexuelle. Bréviaire des sortilèges amoureux.
Sarane ALEXANDRIAN
La Musardine, 2000-2022

Amour(s) de Tess Alexandre et Camille Deschiens : la naissance des sentiments

Oui, Imane aimait Alba. Depuis le début, depuis les premiers regards émerveillés, depuis le premier éclat de rire partagé, depuis la première soirée passée ensemble, à l’abri de tout. Mais l’embrasser, être avec elle, le montrer au monde, c’était aussi accepter de se reconstruire entièrement. Et ça, Imane n’y avait pas pensé une seule fois avant de tomber amoureuse. C’était arrivé, c’est tout.

Imane. Lise. Gaël. Cléo. Fatia. Maä. Marco. Nine. Safia. Rebecca. Joshua. Solal. Jo. 1″ personnages qui viennent de tomber amoureux, découvrent les sentiments, le désir, se découvrent eux-mêmes et la force transformatrice de l’amour. Doutent, se posent des question parce que leur amour n’est pas celui qu’ils attendaient, celui que la société attendaient. Mais, toujours, ce ravissement.

Un magnifique album. Des textes courts, comme autant d’instantanés d’amour poétiques et vertigineux. Ici, les amours sont plurielles et vont au-delà des préjugés, et c’est infiniment beau. Les textes sont d’une grande douceur, et parviennent merveilleusement à mettre des mots sur ce qui nous traverse lorsque les sentiments naissent, qu’on est tout chamboulé et qu’on sait qu’après ça, on ne sera plus jamais le même. Quant aux illustrations, elles sont elles aussi d’une beauté infinie, et servent magnifiquement le propos.

Bref, une petite pépite à mettre entre toutes les mains (à partir de 15 ans) pour interroger l’amour, le désir et la sexualité.

Amour(s)
Tess ALEXANDRE et Camille DESCHIENS
Les éditions des éléphants, 2022

#FemalePleasure, de Barbara Miller : plaidoyer pour la liberté

Cela fait longtemps que je ne vous avais pas parlé de films. Et en ce dernier premier mardi du mois de l’année, je voulais aborder ce documentaire sorti fin 2018, et qui est désormais disponible en VOD.

Le film interroge la manière dont est traitée la sexualité féminine dans le monde, au XXIe siècle, en suivant cinq femmes d’origines culturelles différentes, et qui s’opposent à la répression de leur sexualité dans leurs communautés culturelles et religieuses : Déborah Feldman, qui raconte dans son autobiographie Unorthodox (dont Netflix a fait une mini-série) sa rupture avec le judaïsme hassidique ; Leyla Hussein, une psychothérapeute et activiste sociale somalienne qui se bat contre l’excision ; Megumi Igarashi, une artiste plasticienne japonaise spécialisée dans l' »art vaginal » ; Doris Wagner, une ancienne nonne ayant subi des violences sexuelles au sein de l’Eglise catholique ; Vithika Yadav, une jeune indienne qui se bat pour l’égalité.

Un documentaire essentiel, qui doit être vu et distribué le plus largement possible, même s’il met très très en colère : il montre surtout qu’au delà des différences de culture, le combat est le même : conquérir le droit à disposer de son corps, malgré les religions qui, si elles ont bien un sujet d’accord, c’est bien celui-là : empêcher les femmes de jouir librement. Et c’est un combat essentiel !

Brisons le silence, soyons invincibles, revendiquons #Female Pleasure

Chez Stephie

Jouir, de Sarah Barmak : en quête de l’orgasme féminin

Grâce à la pornographie, nous avons également appris à mobiliser en priorité la vue au moment des rapports sexuels, et ce au détriment des quatre autres sens, tant et si bien que les stimuli érotiques reçus par le toucher et le goût perdent de leur influence. Et nous l’avons fait avec tellement d’application que certaines personnes en oublient tout bonnement que le sexe n’est pas un acte principalement visuel.

L’autre jour, j’ai participé à une table ronde sur le corps féminin, l’érotisme et le pouvoir. L’occasion pour moi, afin de préparer mon intervention, de me pencher sur cet essai dont on avait pas mal parlé à sa sortie, mais que je n’avais jamais ris le temps de lire.

Dans son texte, Sarah Barmak s’interroge sur cette chose étonnante : malgré la libération des mœurs, les femmes ont toujours du mal à jouir. Beaucoup de raisons à cela : la méconnaissance du corps et notamment du clitoris, sans doute un vieux fond de culpabilité qui a du mal à se défaire des injonctions et des discours qu’on nous a servis pendant des siècles, l’esthétique porno qui a envahi la société et tout ce qui va avec : des corps normés, une jouissance instantané, qui fait que les femmes se sentent « anormales » lorsqu’elles ne jouissent pas, et sont en quêtes de toutes les solutions possibles et imaginables.

Un essai absolument passionnant, qui m’a appris plein de choses et a suscité des réflexions et interrogations fertiles pour mes propres recherches. Je ne saurais trop recommander sa lecture à tous, hommes et femmes, car il remet bien certaines croyances en place, et c’est ma foi fort… jouissif ! J’utilise ce mot à dessein, et pas seulement pour faire un jeu de mot : jouir, joie et jouer ont la même origine étymologique, et ça a du sens !

Jouir. En quête de l’orgasme féminin
Sarah BARMAK
Traduit de l’anglais (Canada) par Aude Sécheret
Zones, 2019

Chez Stephie

Il n’y a pas d’âge pour jouir, de Catherine Grangeard : sexpowerment

Cette pensée se glisse en moi, presque à mon insu. Je réalise instantanément que j’accepterais volontiers de donner de l’importance à la question de la visibilité sexuelle et surtout au désir des femmes. J’aimerais les aider à s’affranchir des tabous parce qu’en vérité, il n’y a pas d’âge pou jouir ! C’est cette vérité qu’il s’agit de faire triompher. On va voir ce que veut dire « jouir » pour les unes et les autres. C’est une démarche globale qui dépasse l’orgasme et le plaisir sexuel. Jouir nous dépasse.

A la fin du mois, j’interviendrai dans un colloque pour parler de la manière dont l’érotisme est une manière pour les femmes de reprendre possession de leur corps (je fais simple mais en réalité mon propos est inrésumable). Je vous en reparlerai sans doute, mais d’ici là je suis toute à mes lectures sur le sujet de la sexualité et du désir, et je me suis intéressée à cet essai de la psychanalyste Catherine Grangeard, qui s’intéresse aux femmes de plus de 50 ans.

Tout part de l’énormité sortie par un malotru que nous ne citerons pas (l’essai de le fait pas) affirmant que les femmes de 50 ans et plus sont imbaisables pour lui. Propos qui va plus loin qu’une simple petite phrase polémique, car elle est le reflet d’un malaise dans la société à propos de la sexualité des femmes d’âge plus ou moins mûr, un tabou dont il est temps de se débarrasser pour que les femmes redeviennent non seulement objet, mais sujet de désir. A tout âge, car il n’y a pas d’âge pour jouir.

Si cet essai manque d’organisation ai-je trouvé, le propos lui est vraiment passionnant : les injonctions sur la sexualité des femmes, leur corps, le désir, la liberté, le regard masculin, l’invisibilisation, la volonté de jouir. L’amour, et cette idée absolument fondamentale qu’on jouit mieux quand on est égaux, et que tout le monde a à gagner d’une évolution (révolution ?) de la sexualité !

Un essai recommandable pour tous les sexes et pour tous les âges !

Il n’y a pas d’âge pour jouir
Catherine GRANGEARD
Larousse, 2020

Jouissance Club, de Jüne Plã : une cartographie du plaisir

J’ai envie que la sexualité soit enfin abordée de manière ouverte et claire pour que chacun puisse accéder à toutes les informations dont il a besoin pour parfaire sa créativité et surtout se défaire de toute pression ou injonction sociétale qu’on nous rabâche depuis trop longtemps. Le sexe ne devrait pas être une source de stress et, au club, nous croyons ferme que c’est la seule chose avec la bouffe, les balades en forêt, et Brandy & Monica, qui vaille la peine d’être vécue. Le sexe n’est qu’amour, que ce soit avec un partenaire de vie ou un one shot. Il n’est que partage et source de bien-être. Même tes parents aiment ça, c’est dire… Le sexe, c’est la vie, et c’est presque tout le temps gratuit.

Alors que la sexualité est encombrée de clichés, de représentations normatives, faute d’une véritable éducation à la sexualité (une vraie, pas via le porno), ce guide se propose au contraire de remettre de la créativité dans le sexe, et d’explorer une sexualité dans laquelle la pénétration n’est pas l’alpha et l’omega.

Après avoir présenté son propos et les « règles » pour une sexualité épanouie, Jüne Plã nous apprend tout d’abord à connaître notre propre sexe dans la première partie ; dans la seconde, elle cartographie les zones de plaisir de l’autre et celles qui sont communes.

Bon, sur le papier, tout cela a l’air plutôt plutôt réjouissant et instructif. Disons que c’est plein de bonne volonté. Mais je n’ai pas aimé. Pas aimé du tout du tout. Il est possible que je ne sois pas le public cible, mais tout au long de ma lecture, je me suis demandé si on était vraiment obligé d’être vulgaire pour parler de sexualité (réponse : non), mais le fait est que le ton cash et surtout « l’humour » (celui d’un adolescent de 16 ans) m’ont franchement gênée (je dirais même, souvent, affligée), ainsi que les dessins qui sont… moches. Bon, moi j’aime qu’on parle de sexe avec délicatesse et poésie, et là, ce n’est pas le cas.

Je ne sais donc pas trop quoi dire : le contenu en soi, sans être renversant d’originalité, est plutôt intéressant (et juste), mais la manière de faire m’a crispée. Mais un public plus jeune sera peut-être plus adapté.

Jouissance Club. Une cartographie du plaisir
Jüne PLÃ
Marabout, 2019

Chez Stephie

Le plaisir effacé, de Catherine Malabou : clitoris et pensée

Le clitoris est une pierre minuscule logée en secret dans la chaussure de l’imaginaire sexuel. La jeune Clitoris de la mythologie grecque, connue pour sa taille très fine, était dite mince « comme un caillou ». Longtemps caché, privé de nom, de représentation artistique, absent des traités de médecine, souvent ignoré des femmes elles-mêmes, le clitoris n’a eu durant des siècles qu’une existence de scrupule, au sens primitif du terme, ce grain qui gêne la marche et taraude l’esprit. L’étymologie hésitante du terme permet de situer sa morphologie entre la « colline » (kleitoris) et le « fermoir » (kleidos). Clitoris : ce petit secret renflé qui demeure, résiste, harcèle la conscience et blesse le talon, est celui d’un organe, le seul, qui ne sert qu’au plaisir — donc « à rien ». Le rien du tout, l’immense rien, le tout ou rien de la jouissance féminine.

Comment penser le clitoris, ce petit organe bien caché qui ne sert qu’à une chose : jouir ? Longtemps occulté, caché, effacé, et encore aujourd’hui parfois conçu avec méfiance, il est l’objet de querelles philosophiques, et c’est un point d’achoppement du féminisme. Et c’est à l’histoire de ces pensées du clitoris que s’intéresse Catherine Malabou dans cet essai.

Un essai ma foi fort stimulant sur ce petit bouton qui a le plus beau rôle du monde : donner du plaisir. Stimulant, car s’il est parfois complexe et que je n’ai pas toujours été d’accord, il nous apprend beaucoup de choses, notamment sur la pensée féministe ou même les pensées féministes, sur la philosophie, et nous permet de forger notre propre pensée. De mon côté, j’ai particulièrement été intéressée par les passages sur les nymphes (et d’ailleurs il y a dans le texte un très intéressant chapitre sur Nymphomaniac) parce qu’ils ont mis le doigt sur quelque chose d’inconscient dans mon roman, qui demande à être sorti de sa grotte et mis au jour (c’est ma thématique actuelle, d’ailleurs, ce travail de l’ombre).

Bref, c’est très intéressant, ça change des sujets philosophiques habituels, à conseiller donc !

Le Plaisir effacé. Clitoris et pensée
Catherine MALABOU
Rivages, 2020

Chez Stephie