L’Art d’aimer, d’Ovide : Mars et Vénus

Maintenant plus que jamais, fils de Vénus, et toi, déesse de Cythère, assistez-moi. Maintenant, toi aussi, Erato, car tu dois ton nom à l’amour. Je médite une grande entreprise, dire par quel art on peut fixer l’amour, cet enfant si volage dans le vaste univers. Il est léger et il a deux ailes qui lui permettent de s’échapper ; il est difficile d’en régler les mouvements. 

En ce moment, je travaille sur les archétypes du féminin sacré, et concernant Vénus/Aphrodite j’ai eu l’impulsion de relire ce petit volume que j’avais découvert quand j’étais en seconde (qui était déjà dans ma pile à relire).

L’amour est un art qui s’apprend et Ovide, poète érotique, a reçu de Vénus la mission d’instruire son fils et de transmettre son savoir sur le sujet. Les deux premiers livres sont à destination du public masculin pour trouver l’objet d’amour, lui plaire et le garder. Le troisième fait la même chose pour les femmes.

Evidemment, l’intérêt de cet ouvrage ne réside pas dans les conseils qui sont prodigués, d’autant que cela reste très misogyne bien sûr (toutes les femmes peuvent être prises […] celle même, dont tu pourras croire qu’elle ne veut pas, voudra : cette petite remarque m’a d’ailleurs inspirée pour le prologue des aventures de Salomé). Je ne suis pas très adepte non plus du vocabulaire de la chasse et de la guerre qui parcourt tout le texte. Mais cette manière délicatement érotique de parler des plaisirs et des tourments de l’amour, cet art poétique dédié à Vénus, cette multitude de récits mythologiques : cela reste une curiosité à découvrir si vous ne l’avez jamais fait.

Ovide
L’Art d’aimer
Texte établi et traduit par Henri Bornecque

Psychologie de la séduction, de Nicolas Gueguen : qu’est ce qui nous attire chez l’autre ?

J’imagine que c’est parce que j’avais beaucoup apprécié la conférence de Tobie Nathan sur la passion amoureuse que Youtube s’est dit (je sais, Youtube n’est pas une personne) que celle-ci, sur la séduction, m’intéresserait aussi.

Nicolas Gueguen est professeur de sciences du comportement, et s’intéresse notamment aux processus de l’influence sociale. La séduction n’est pas son sujet de recherches principal, mais néanmoins, il souhaite, sur un objet a priori irrationnel et sur lequel plusieurs branches scientifiques se penchent pourtant, comme la sociologie, la psychologie, la biologie et la physiologie, voir s’il existe des constantes. Attention, on parle bien ici de processus de séduction, des quelques premières secondes, et non d’attachement amoureux.

Et, comme on s’en doute, il existe en effet des variables mesurables statistiquement, qui tiennent d’ailleurs essentiellement aux codes non-verbaux : certains lieux sont plus propices que d’autres (ceux suscitant des émotions fortes), le physique et l’apparence à tout de même de l’importance surtout pour les hommes, certaines techniques d’approches sont manifestement imparables, et quoiqu’on en dise les points de similarité sont essentiels. Evidemment, ici, il s’agit surtout de mesurer statistiquement des choses qui relèvent de l’évidence (malheureusement : oui, mettre un décolleté,  sourire et battre des cils, c’est efficace pour attirer le mâle).

A défaut d’apprendre beaucoup de choses (même si la conférence débute sur la contradiction d’une idée reçue : les hommes seraient en fait plus « fleurs bleue » que les femmes, ils tombent plus rapidement amoureux, mais ces coquins ne le disent pas), j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre cette conférence menée avec beaucoup d’humour. Et je me suis dit qu’il y avait des scientifiques qui s’amusaient beaucoup sur leurs études de terrain.

Psychologie de la séduction
Nicolas GUEGUEN
Université de Bretagne Sud, 2016

Onze histoires de séduction

Jeu cruel ou hasard miraculeux, la séduction tient ainsi à l’approche du mystère de l’autre, à cette volonté de le dénuder pour en apprécier la vérité. Ces onze nouvelles en sont autant d’explorations, heureuses ou navrantes. Il n’y a plus qu’à souhaiter qu’elles aient, à leur tour, l’art de vous plaire.

Pour la troisième années consécutive, Le 1 hebdo (excellent hebdomadaire s’il en est, même si j’oublie toujours d’en faire un article) propose pour l’été un recueil de nouvelles collectif, qui rassemble les plus grandes plumes actuelles. Le thème de cette année est la séduction, qui ne pouvait donc que me séduire (oui je sais, elle était facile) et que je vois comme un signe, puisque c’est pile dans mes sujets de recherche actuels (toujours le Truc, qui désormais a dépassé ma thèse en nombre de signes, il faudra que j’élague).

Onze nouvelles, onze auteurs qui déploient la séduction dans tous les sens. Philippe Claudel nous entraîne dans un futur dystopique (mais pas du tout irréaliste vu l’ambiance actuelle), où la séduction est interdite et où les rencontres ne peuvent se faire que par le biais de contrats passés par smartphones interposés. Chez Véronique Olmi, une pianiste célèbre veut inscrire son fils dans une prestigieuse école privée, dont elle doit séduire la directrice. Philippe Jaenada séduit les filles grâce à Proust. Monica Sabolo nous présente deux adolescentes qui séduisent un garçon pour qu’il fasse leur devoir de physique. François-Henri Désérable s’intéresse au couple formé par Frida Kahlo et Diego Rivera, et à une anecdote que personne ne connaît. Chez Carole Martinez, un garçon qui a peur des filles se transforme en Don Juan. Pour Foenkinos, la séduction se conjugue avec le bonheur. Leonor de Recondo nous fait passer une étrange nuit à Versailles. Lola Lafon nous raconte un viol conjugal dont la victime est trop séduisante pour être crédible. Olivier Adam met en scène un mec en perdition qui se fait casser la gueule par le mari de la femme qu’il a séduite, mais peut-être pour son bien. Enfin, chez Kaouther Adimi, un couple d’amoureux doit monter un projet fou pour pouvoir se marier.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce recueil, dont toutes les nouvelles m’ont plu, même si c’est à des degrés divers, ce qui est normal, et pas seulement lorsqu’il s’agit d’un sujet aussi intime que la séduction. Chaque auteur s’empare du thème et le traite dans l’univers qui lui est propre, et c’est tout l’intérêt de ce type de recueils : retrouver des plumes et des univers qu’on apprécie, en découvrir de nouveaux parce qu’on ne peut pas avoir lu tout le monde malheureusement (cela dit, il y en a peu que j’ai découverts dans ce recueil, seulement deux, Lola Lafon et Kaouther Adimi). Bien sûr j’ai mes nouvelles préférées : celle de Claudel, parce qu’elle tourne autour de quelque chose qui réellement me fait très très peur dans l’évolution de la société, celle de Jaenada qui m’a beaucoup fait rire par son autodérision et parce qu’on le retrouve totalement, et celle de Carole Martinez, qui est d’une grande délicatesse (et comme Carole Martinez publie peu, c’est un délice de la retrouver). Mais encore une fois, toutes m’ont plu, touchée, fait réfléchir, et ça c’est essentiel ! Et en prime, elles sont très joliment illustrées !

A découvrir absolument, sur la plage ou ailleurs !

Onze histoires de séduction
Le 1, 2018

Bel Ami, de Declan Donnellan et Nick Ormerod

Bel AmiLes personnes les plus importantes à Paris ne sont pas les hommes. Les personnes les plus importantes à Paris sont leurs femmes.

Figurez-vous qu’alors que je voue un culte au roman de Maupassant, qui est dans le Top 5 de mes romans préférés du XIXe siècle (ça tient sans doute à mon amour des bad boys), je n’avais encore pas vu ce film. Pour une raison toute simple : Robert Pattinson me fait autant d’effet qu’une biscotte sans sel et sans beurre. Vous me direz que de toute façon il est un peu jeune pour moi. C’est vrai. Mais tout de même. Bref là, l’autre soir, il faisait chaud, j’étais désoeuvrée, le film est apparu dans mes conseils personnalisés, j’ai craqué.

Georges Duroy, de retour de l’armée, est très frustré : il est pauvre alors qu’il rêve de luxe et de succès. Mais Georges Duroy a de la chance : un soir, il croise un ancien camarade, Forestier, qui lui met le pied à l’étrier dans le monde du journalisme. Et puis, il exerce une telle fascination sur les femmes que grâce à elles, il va rapidement monter au plus haut.

Le film est honnête, et tout à fait regardable : très esthétique (peut-être même un peu trop), léché, il est dans l’ensemble fidèle aux thématiques du roman que sont l’argent, le sexe, les femmes, le pouvoir : on voit bien comment, finalement, ce sont elles qui ont le vrai pouvoir, ce qui devient critique lorsqu’elles tombent entre les griffes d’un être cynique comme Bel Ami. Reste que le film a bien les défauts que je craignais : d’abord (mais comment faire autrement) de larges coupes sombres ont été faites dans la narration, la quasi-totalité de la réflexion sur le journalisme a été occultée si bien qu’à mon sens on ne comprend pas toujours tout si on n’a pas lu le roman ; et puis, surtout, on comprend bien à quel public est destiné le film, les adolescent(e)s. D’où le choix de Pattinson, qui n’a franchement rien à faire là : dans certaines scènes, il nous joue un Georges Duroy qui aurait été mordu par Edward Cullen et on s’attend presque à voir pousser ses crocs. En coqueluche de femmes du monde plutôt intelligentes, il n’est pas d’une immense crédibilité.

Bref, ça se laisse regarder, mais sans plus…

Bel Ami
Declan DONNELLAN et Nick ORMEROD
2012

 

Les Indociles, de Murielle Magellan

Les IndocilesElle est une chasseuse. Elle aime conquérir, faire l’amour, aux hommes et aux femmes, ne pas s’attacher, ou plutôt s’attacher le temps que ça dure. Et elle est d’une lucidité intransigeante avec la lassitude en amour, c’est pourquoi elle peut quitter aussi vite qu’elle a conquis. Un homme très épris, intellectuel émérite, lui a dit un jour qu’elle était une Don Juane et il avait même ajouté qu’il fallait qu’elle se méfie de la statue du Commandeur. Elle ne sait pas. Mais si c’est le vocable le plus près de ce qu’elle est, soit.

Le précédent roman de Murielle Magellan, N’oublie pas les oiseauxm’avait totalement conquise et bouleversée, et j’étais donc particulièrement enthousiaste à l’idée de me plonger dans ce nouveau roman, enthousiasme décuplé par le résumé, qui m’a fait dire que ce roman avait été écrit pour moi.

Olympe, à 37 ans, est une des galeristes les plus en vue de Paris. C’est aussi un Don Juan en jupon, chasseuse, collectionneuse et croqueuse d’hommes aussi bien que de femmes, une séductrice à laquelle nul ne peut résister. Mais un vieux peintre dont la peinture l’émeut et un client dont elle n’a pas envie de faire une proie peuvent-ils la dérouter d’elle-même ?

Immédiatement charnel et d’une sensualité bouleversante, ce roman est une magnifique exploration de la séduction au féminin et de la pulsion de vie, qu’elle soit celle du désir et de l’éros ou celle de la création artistique. Les deux se mêlent étrangement sous la plume de Murielle Magellan qui encore une fois montre qu’elle sait dire de manière sublime les émotions qui traversent les êtres, et nous dresse un fascinant portrait de femme, une femme libre, sans entraves — une indocile qui ne se plie pas à l’impératif amoureux. Il y a en Olympe (rien que ce prénom est tout un programme, révolutionnaire et divin) quelque chose de Madame de Merteuil, le cynisme et la cruauté en moins et l’innocence en plus. Olympe ne manipule pas : elle est toujours sincère, et si elle fait du mal, c’est à son corps défendant. On ne trouve pas non plus, chez elle, trace d’idéologie : si elle vit sa vie comme elle le fait, c’est que c’est sa manière d’être.

Bouleversant par moments, cruel aussi, mais surtout lumineux, ce roman est une vraie réussite !

Les Indociles
Muriel MAGELLAN
Julliard, 2016

Moodboard #13 (l’effleure du mâle)

Veuillez accepter toutes mes excuses pour cet article totalement ridicule j’en conviens, à commencer d’ailleurs par son titre au jeu de mot douteux construit sur un néologisme, comme s’il n’y avait pas assez de mots dans notre belle langue française. Mais j’ai des circonstances atténuantes : c’est mon anniversaire, je fais ce que je veux.

Donc, après m’être interrogée sur le glamour féminin, je me suis penchée sur la virilité. Et en observant mon tableau pinterest consacré au sujet, je me suis rendu compte que les photographies d’hommes que je jugeais séduisants étaient très largement dominées par les hommes, sinon en costume trois pièces (de plus en plus rares, malheureusement), du moins en costume, de préférence avec cravate (j’adore dénouer les cravates. J’ai beaucoup plus de mal à les nouer, par contre). Ou chemise négligemment déboutonnée, qui connote une désinvolture chic.

De fait, j’ai toujours eu une affection très grande pour les dandys un peu snobs, ces êtres qui recherchent toujours le raffinement le plus extrême et la distinction en ce qui concerne non seulement le vêtement, mais plus généralement tout ce qui relève du paraître (manière de parler, de se tenir, goûts esthétiques…). D’où mon goût certain pour les romans balzaciens, peuplés de tels êtres. J’ai même, à une époque, consacré un article à la question*. D’où, aussi, ma fascination pour James Bond, Jonathan Hart et Brett Sinclair… et pour Mister Big qui est tout de même l’homme idéal.

Enfin bref, quelques photos qui, pour ma part, me plaisent beaucoup…

Men

Sources : Pinterest

* « Comment l’élégance vient aux provinciaux : l’apprentissage des codes du paraître dans Illusions perdues de Balzac ». Isabelle Paresys (dir.), Paraître et apparences en Europe occidentale. Du Moyen Age à nos jours, PU du Septentrion, coll. « histoire et civilisations », 2008

 

Moodboard #11 (Glamourama)

Glamourama

Le glamour, comme l’élégance, a quelque chose d’indéfinissable. Si l’on essaie tout de même, on pourrait dire que c’est une beauté un peu mystérieuse, sensuelle et sexy. Mais il y a aussi, dans le glamour, quelque chose d’un peu distant, sophistiqué. C’est un mélange d’attitude et de savoir faire vestimentaire.

A l’origine, il vient du mot écossais désignant un sortilège de changement d’apparence opéré par les fées ou les sorciers malfaisants. Il est du côté du magique, de l’envoûtement, de la séduction.

Une jolie légende étymologique : ce glamour serait une altération de l’anglais grammar, du français « grammaire » qui aurait aussi donné grimoire (livre de magie). Cette légende vient de Mallarmé qui avait établit le lien étymologique entre le terme de grimoire et de grammaire; le premier, pensait-il, étant une variante du second. Idée fausse, mais que je trouve jolie : le glamour, c’est la grammaire de la sorcellerie…

Souce des photos : Pinterest