City Guide : Vérone

En plus du lac de Côme, je voulais faire une autre excursion en dehors de Milan, et j’ai quelque temps hésité entre Bergame (Et juste à côté de Milan / Dans une ville qu’on appelle Bergame / Je te ferai construire une villaaaaaa chante Diane Tell) et Vérone (Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beauuuuu). Enfin, j’ai hésité : à la réflexion je pense que c’était pour la forme, car Vérone m’appelait dès le départ : comme une sorte de pèlerinage. L’héroïne de mon premier roman s’appelle Juliette (elle s’appelait à l’origine Alice, mais j’ai dû changer à cause d’une bête coïncidence, et Juliette s’est imposé lors du changement, et je pense d’ailleurs que cela lui va mieux) et ce n’est évidemment pas un hasard, mais j’ai pu me rendre compte à l’occasion de cette escapade véronaise que, si je gardais une certaine tendresse pour les deux amoureux, ma vision des choses a changé, et que je n’éprouve plus cette fascination un peu malsaine pour le mythe des amants tragiques qui était auparavant l’un de mes filtres sur le monde.

Bref, Vérone. C’est une ville magnifique, qui mériterait qu’on y consacre un peu plus de temps que je ne l’ai fait, et qu’on ne se focalise pas uniquement sur Roméo et Juliette. De fait, j’ai adoré arpenter les ruelles en essayant de semer la foule des touristes, à la recherche de jolies maisons, de jolies cours, de places magnifiques comme la piazza delle Erbe au centre de laquelle trône la statue de Dante : c’est une ville idéale, en fait, pour se perdre.

Pour le déjeuner, j’étais au bord du désespoir : je ne trouvais que des terrasses noires de monde qui en outre ne m’inspiraient guère ; et puis, au détour d’une petite rue, je tombe sur un endroit à l’écart du flot touristique, assez aéré, et les plats semblaient engageants, et j’ai eu raison : Marinato Verona (11 Via San Rocchetto) est un petit restaurant spécialisé dans le poisson, mais où j’ai pris une pizza succulente aux bons produits locaux : tomates bio, Mozzarella di campana Buffala DOP et Nduja DOP.

Evidemment, il est difficile de passer à Vérone et de faire l’impasse sur la Casa di Giulietta. C’était un peu moins noir de monde que je ne le craignais (apparemment j’ai eu de la chance), j’ai pu facilement pénétrer dans la petite cour tout en continuant à respirer, prendre en photo la statue entre deux touristes qui posaient avec leur main sur son sein (drôle de coutume, mais il paraît que ça porte chance) et même le balcon (qui n’est absolument pas d’époque) sans personne dessus. Après je n’ai pas visité l’intérieur : il y avait trop de monde quand même, et je n’aurais pas pu en profiter (et puis, encore une fois : ce n’est que du folklore). En fait, ce qui m’intéressais, c’était les messages d’amour : sur les deux côtés de l’entrée se trouvent des panneaux où les gens déposent des déclarations et des vœux d’amour, et j’ai trouvé cela très émouvant (et plus authentique que le reste du romeoetjulietteland). J’en ai laissé un. A noter juste en face de la maison un joli magasin de souvenirs de qualité, Giulietta Verona. Ne pas hésiter non plus à aller jusqu’à la « maison de Roméo », qui n’est pas un parc d’attraction, mais c’est joli !

Les arènes sont très belles, mais le fait le plus notable est qu’y est organisé tous les étés un festival d’opéra qui a l’air absolument fabuleux.

Alors malheureusement je manquais un peu de temps (j’ai eu un souci de bus le matin en arrivant qui m’a fait perdre près d’une heure) et il faisait une chaleur écrasante donc je n’ai pas fait tout ce que je voulais, notamment le Castel San Pietro de l’autre côté du pont et d’où on a une magnifique vue de la ville : une prochaine fois ! Je n’ai néanmoins pas résisté à acheter une jolie édition bilingue anglais/italien de la pièce de Shakespeare ainsi qu’un livre d’Andrea Camilleri mort la veille !

(pardon)

Les Enfants de l’aube (Moia Bieda), de Patrick Poivre d’Arvor

Les enfants de l'aubeLe lendemain, nos visages étaient lumineux comme des lampes survoltées, éclairés de l’intérieur. Nous avons refait l’amour dans l’ancienne salle de gymnastique. J’essayais cette fois de compenser mon inexpérience par une grande attention à elle, ce qui n’était pas dans ma nature. Je n’éprouvais qu’un plaisir rapide à l’éjaculation, mais j’aimais la pénétration et les préludes amoureux. J’adorais surtout sentir vibrer Camille, la voir réagir à une pression sur les touches de son clavier. J’avais une folle envie de la contenter, de lui donner plus que je n’avais jamais donné.

La première fois que j’ai lu ce roman, c’était le 19 février 1995. A l’époque, j’écrivais dans les livres la date à laquelle je les commençais. J’avais 17 ans, l’âge auquel l’auteur l’a écrit, un peu plus que les personnages. J’écris aussi sur la page de garde que je crois être amoureuse d’un certain Romain ; je devais me tromper sur mes sentiments : le diable si je sais aujourd’hui qui était ce Romain. Je l’ai ensuite relu il y a quelques années. Et puis, l’autre jour, par hasard (je crois…) je suis retombée dessus, et j’ai eu envie de m’y plonger à nouveau…

Alexis a 12 ans, et son père, avec qui il vivait seul, vient de se jeter dans la Seine, ne lui laissant qu’un carnet, dans lequel il lui raconte son histoire. Celle d’un amour fou entre deux adolescents atteints de leucémie dans un sanatorium, en Suisse.

Premier roman bouleversant, Les Enfants de l’aube est avant tout la quête initiatique et mystique de l’amour absolu et originel, celui qui fonde toute une existence. Ici il est, dès le départ, marqué du sceau de la mort, qui rôde : éros et thanatos, pulsion de vie et pulsion de mort s’affrontent dans une lutte acharnée. Éminemment charnel et sensuel — au point que le système énonciatif, celui d’un père écrivant à son fils de 12 ans, peut s’avérer plus que troublant — il est aussi tragique. Très romantique (version historique), on y sent à chaque page le vertige des influences littéraires (Thomas Mann, Benjamin Constant, Chateaubriand) et mythologiques (Tristan et Yseult, Romeo et Juliette), parfois explicites, parfois non. Et quelle écriture ! Si elle est parfois un peu chargée, elle est surtout poétique et lyrique !

Un magnifique premier roman sur le premier amour, à lire absolument si ce n’est déjà fait. Je ne sais pas pourquoi le destin me l’a remis entre les mains, il y a peut-être une raison, peut-être pas, mais j’y ai pris beaucoup de plaisir.

Les Enfants de l’aube (Moia Bieda)
Patrick POIVRE D’ARVOR
Lattès, 1982 (livre de poche)

Le Poison d’amour, d’Eric-Emmanuel Schmitt

le poison d'amourOn ne choisit pas en amour, on est choisi par l’amour. La passion fond sur Juliette et Roméo comme un virus contamine une population. Venue de l’extérieur, elle les infiltre, elle creuse son lit, prospère, se développe. Ils la subissent, cette passion, ils se tordent de fièvre, ils délirent, ils laissent toute la place à ce fléau, au point d’en mourir.
Roméo et Juliette, pièce romantique, constitue en vérité un rapport clinique, le procès-verbal d’une pathologie où j’incarne la patiente numéro 1.

Avec ce roman, qui clôt le diptyque sur la passion amoureuse ouvert avec L’Elixir d’amour, Eric-Emmanuel Schmitt poursuit son exploration du sentiment amoureux, un terrain sur lequel je le trouve particulièrement brillant, et s’intéresse à cette période trouble qu’est l’adolescence.

Julia. Anouchka. Colombe. Raphaëlle. Quatre adolescentes de 17 ans, les meilleures amies du monde. Elles viennent d’entrer en première, et c’est à travers leurs journaux intimes que nous allons suivre cette année où elles vont découvrir la passion amoureuse, pour le meilleur et pour le pire.

L’adolescence, quatre jeunes filles qui découvrent l’amour, le thème peut sembler éculé, il est vrai, mais le talent d’Eric-Emmanuel Schmitt est de parvenir à renouveler la réflexion à travers le fil rouge de Roméo et Juliette, à la fois réinterprété et réécrit. Ce qui est en jeu, c’est la folie de l’amour, dans un lycée qui ne s’appelle sans doute pas Marivaux pour rien, mais où les jeux finiront en tragédie. Comme chez Shakespeare, mais pour d’autres raisons. Il est question de perte de repères : le corps qui change et auquel on ne se fait pas, mais aussi cette question épineuse : comment croire à l’amour alors que tous les couples autour se délitent et se séparent ? Tous, sauf les grands-parents de Raphaëlle, petite lumière dans l’obscurité, mais lumière fragile et douloureuse. Alors, nos adolescentes apprennent : elles apprennent la séduction, le pouvoir qu’elles ont sur les garçons ; elles apprennent aussi la manipulation, la jalousie, la trahison. Dans le secret de leur journal, elles ne s’épargnent pas les unes les autres. Elles deviennent des femmes.

Quoique je l’ai trouvé moins profond dans l’analyse que le précédent, j’ai été émue par bien des pensées sur cette découverte du sentiment amoureux. Néanmoins, j’ai un bémol : je ne sais pas quel est le degré de fréquentation des adolescents par Eric-Emmanuel Schmitt, mais pour les côtoyer au quotidien, j’ai eu un peu de mal à croire au ton et au style de ces journaux : trop bien écrits, trop littéraires, trop lyriques pour être totalement crédibles… mais du coup, c’est plus agréable à lire !

Le Poison d’amour
Eric-Emmanuel SCHMITT
Albin Michel, 2014

challengerl201416/18
By Hérisson

Roméo et Juliette, de Franco Zeffirelli

Romeo et JulietteThere was never such a woeful story than Juliet’s and her Romeo.

Cela faisait évidemment bien longtemps que j’avais envie de voir ce film, adaptation filmique de ma pièce préférée de Shakespeare.

A Vérone, Roméo et Juliette, blablabla, tout le monde connaît l’histoire.

J’ai eu un véritable coup de coeur pour ce film qui est une petite pépite : très fidèle dans l’ensemble à la pièce, le réalisateur a pris le parti de faire tourner des comédiens qui ont à peu près l’âge des personnages, ce qui donne une véritable fraîcheur au film. La jeune comédienne est sublime, lumineuse, et il y a une grande vivacité et gaieté dans la majeure partie de l’histoire, où on n’a pas le sentiment que le destin tragique pèse sur les personnages ; seul le spectateur, lui, voit la machine infernale de la fatalité se mettre en place, ce qui rend d’ailleurs le film d’autant plus tragique : cette innocence sacrifié, c’est terrible. En outre les costumes féminins sont fabuleux, de même que les décors. Ce film est donc un véritable régal pour l’oeil et pour… les émotions.

Après, j’ai tout de même trouvé la fin un peu grandiloquente,  mais dans l’esprit shakespearien.

Romeo and Juliet
Franco ZEFIRELLI
1968

 

 

Wild at Heart (Sailor et Lula), de David Lynch

sailoretlula-affiche

 

If you’re truly wild at heart, you’ll fight for your dream. Don’t turn away from love.

Dès sa sortie, ce film s’est imposé comme culte auprès de toute une génération. Un film que j’avais envie de revoir, plus de 15 ans après ma première rencontre avec lui…

Sailor est envoyé en prison pour avoir tué à mains nues un assassin envoyé par la mère de sa petite amie Lula. A sa sortie, Lula vient lui rendre sa veste en peau de serpent, et ils partent ensemble alors que la mère envoie des tueurs à leurs trousses…

Complètement déjanté, ce film est un road movie à la fois géographique et symbolique : géographique parce que les deux amoureux traversent effectivement le pays en souhaitant rejoindre l’Eldorado californien ; symbolique, parce que c’est avant tout un voyage au pays de la folie : tous les personnages de ce film, à commencer d’ailleurs par les deux protagonistes, sont complètement givrés, bien qu’à des degrés divers. Mais c’est avant tout une histoire d’amour absolu, passionnée et charnelle, revisitant de loin le mythe de Roméo et Juliette et dont la leçon serait qu’il faut toujours se battre pour son amour parce que parfois ça finit bien, tout en faisant de multiples références au Magicien d’Oz, la mère de Lula, dangereuse psychopathe, jouant le rôle de la méchante sorcière. Le tout est évidemment admirablement filmé, avec le fil rouge de la flamme qui inonde l’écran, et plus généralement chaque plan, chaque scène, chaque image atteint la perfection, que ce soit les scènes d’amour, absolument magnifiques, et ce d’autant plus que Nicolas Cage et Laura Dern s’harmonisent à merveille, ou les scènes de violence qui ressemblent parfois à un balet.

Un film déstabilisant, comme le sont du reste tous les films du réalisateur, mais à voir absolument !

Wild at Heart / Sailor et Lula
David LYNCH
Etats-Unis, 1990 — Palme d’or au festival de Cannes

Romeo et Juliette

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Car jamais aventure ne fut plus douloureuse que celle de Juliette et de son Roméo.

Je vous disais l’autre jour que si la lecture de  Juliette d’Anne Fortier avait eu un mérite, c’était celle de me donner envie de relire la magnifique pièce de Shakespeare. L’histoire de Roméo et Juliette, c’est l’histoire d’amour tragique par excellence, et elle m’arrache à chaque fois des larmes (devant l’injustice du destin) et des soupirs d’extase (devant la force inouïe de cet amour).

L’histoire, tout le monde la connaît : Roméo est malheureux (ou plutôt croit l’être), il aime Rosaline (ou croit l’aimer) qui se refuse à lui. Mais au bal, son regard rencontre celui de Juliette, et il comprend alors ce que c’est que le véritable amour. Malheureusement, les deux adolescents n’ont pas le droit de s’aimer : leurs familles sont ennemies, et Juliette est promise à un autre. La mort seule peut sceller leur union.

Cette pièce est un enchantement renouvelé. Chaque fois que je la lis, j’ai l’impression de la découvrir pour la première fois. J’adorerais l’étudier avec les élèves, et surtout, j’adorerais la voir sur scène, mais malheureusement elle est assez peu souvent montée, ce que je trouve bien dommage !

(désolée d’être aussi brève, mais certaines histoires, par leur caractère grandiose, ont la faculté de me laisser presque muette d’admiration, et j’avoue qu’il n’y a en fait pas grand chose à dire sur cette pièce, à part qu’il faut la lire !)

Edit : alors que je venais de publier ce billet, je me suis rendue compte que Claudia Lucia organisait un défi Shakespeare. Comme vous savez que je ne crois pas au hasard, me voilà inscrite ! Vous n’avez pas fini d’entendre parler de lui !

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Juliette

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Quoi qu’il arrive, nous serons ensemble. Mari et femme. Je te le jure. Dans ce monde… ou dans l’autre.

J’ai déjà parlé du culte que je voue à Roméo et Juliette de Shakespeare (que du coup je suis en train de relire) et plus généralement au mythe des amants tragiques dont l’amour ne peut se réaliser que dans la mort. Aussi, lorsque ce roman est paru, je n’ai eu de cesse de l’avoir lu. Ce que j’ai fait en très peu de temps, à l’occasion des vacances.

Julie Jacobs, une jeune femme somme toute assez commune et qui est passionnée depuis toujours par la pièce de Shakespeare, qu’elle connaît par coeur depuis toujours sans bien savoir pourquoi, a été élevée, avec sa soeur jumelle, par sa tante Rose, qui a toujours empêchées les deux filles de se rendre en Italie, où elles sont nées. Lorsque cette tante meurt, c’est un gouffre qui s’ouvre sous les pieds de Julie : elle apprend qu’elle s’appelle en réalité Giulietta Tolomei, et que ce nom est celui de la vraie Juliette, dont l’histoire, qui prend place à Sienne et non à Vérone, a inspiré la tragédie du dramaturge anglais. Julie part alors à la recherche du secret que lui aurait laissé sa mère avant de mourir, le secret de la véritable histoire de Roméo et Juliette. L’histoire d’une haine profonde et séculaire entre deux familles. L’histoire d’une malédiction qu’il va falloir briser…

Alors, je ne vais pas dire que j’ai adoré, mon avis est plus nuancé, dans la mesure où à la lecture les deux aspects de ma personnalité se disputaient un peu. Le côté fifille-girly-midinette a beaucoup aimé cette histoire d’amour qui transcende tout. Le côté plus intello a quant à lui aimé les nombreuses citations de la pièce, l’alternance des chapitres entre le présent et le passé où se met en place l’une des plus belles histoires d’amour de tous les temps à partir de quelques invariants. Par contre, j’ai trouvé par moments les ficelles un peu grosses et le sentimentalisme et le romantisme dégoulinant parfois à la limite de l’arlequinade, et, pire, par endroits l’histoire est teintée d’un esprit puritain qui m’a gênée. Enfin, j’avoue que je reste sur une interrogation : est-ce que le Roméo et la Juliette du livre sont simplement les descendants ou les réincarnations de ceux de la véritable histoire ? Je n’ai pas eu la réponse.

Bon, malgré ces nuances, j’ai passé un bon moment de détente avec ce roman, et je vous le conseille tout de même, à condition de suspendre votre esprit critique. Enfin, je le conseille aux filles, car c’est typiquement le genre de lectures qui n’agréent pas aux mâles virils… (mais je ne sais pas si des mâles virils, il y en a qui passent par là !).

Vous pouvez aller lire les avis beaucoup plus enthousiastes de Pimprenelle et de lasardine (entre autres !)