Peines mineures, de Sonia Chiambretto : insoumises

Nous — filles bien nées filles bien nées filles mal nées filles de divorcées filles non désirées filles nées de la collaboration dans l’après-guerre filles intelligentes filles créatives filles précoces filles spirituelles filles débrouillardes filles curieuses  — nous ne sommes ni vulgaires ni versatiles ni vénéneuses ni vilaines ni violentes ni vengeuses ni véhémentes ni vicieuses ni mauvaises ni superficielles ni caractérielles ni asociales ni méchantes ni délurées ni des traînées ni des âmes perdues.

J’aime beaucoup cette collection « Des écrits pour la parole » des éditions de l’Arche, qui propose des textes forts et engagés, qui posent des questions essentielles pour la société.

Ici, le sujet, c’est la délinquance féminine : un récit choral, qui met en miroir des gamines d’aujourd’hui enfermées dans un centre éducatif fermé suite à des délits de trafic de drogue ou faits de violence, et des adolescentes enfermées à l’internat du Bon Pasteur à la fin des années 1950, coupables d’avoir tout simplement voulu exister.

Malgré les différences, la même accusation : celle d’être des insoumises, de dépasser des cadres qu’on leur a fixés.

Un texte coup de poing, plein de désespoir, de violence, et animé par une soif de liberté qui déborde de partout. Car c’est bien de cela dont il s’agit : elles veulent être libres, et si la manière dont les premières assouvissent ce besoin est discutable, la pulsion, elle, ne l’est pas. Elles refusent de se soumettre, crient leur rage et leur révolte d’une manière parfois poétique dans sa brutalité, restent des gamines qui ont soif d’amour, et l’ensemble donne un texte très troublant, qui mérite vraiment d’être découvert !

Peines mineures
Sonia CHIAMBRETTO
L’Arche, 2023

Les Clameurs de la Ronde, d’Arthur Yasmine

Les Clameurs de la RondeSe battre dans la ronde. Chercher à l’aimer pleinement. Nier tout dans le fracas des comètes. Dire oui par l’ouverture du ciel. Faire jaillir la parole comme un poignard. La faire briller comme un talisman. La mettre à l’épreuve de l’existence. Ecrire à nouveau. Vivre encore. — Être poète. — Pour tout ça.

Parce qu’il n’y a pas que le roman dans la vie, parlons un peu de poésie en ce jour d’hui.

La poésie est-elle morte ? Arthur Yasmine veut nous montrer que non, qu’elle est toujours parole essentielle et feu sacré, à travers ce recueil, véritable manifeste à la fois moderne et classique, magnifiant la forme séculaire du sonnet, proposant des fragments d’élégies, des poèmes en vers libres, en prose. Mais aussi une étrange correspondance amoureuse.

C’est beau. C’est fulgurant. Ce recueil porte en lui l’héritage de la poésie depuis Orphée, et s’installe dans une intertextualité intelligente où les textes du passé répondent au présent. Il y a du Baudelaire, du Rimbaud, du Nerval chez Arthur Yasmine, sans concession avec la poésie d’aujourd’hui, parfois même assez provocateur dans l’évocation de la condition d’être poète, mais habité par une urgence vitale. L’amour. La poésie. La Révolte.

Un recueil très court, très touchant, une plume à découvrir !

Les Clameurs de la Ronde
Arthur YASMINE
Carnet d’Art, 2015

Tout foutre en l’air, d’Antoine Dole

tout foutre en l'airIl me répète que tout ira bien, qu’on en a parlé, que cette fois, oui, cette fois, on va le faire et que tout le monde verra qu’on ne plaisantait pas, qu’on n’était pas comme eux. Mes pensées ne s’enclenchent plus que par sursauts, se percutent aussitôt, s’annulent. Il n’y a plus de place pour les rêves, les envies, les attentes et les espoirs. Je veux la vie maintenant, tout entière, l’avaler d’un seul coup même s’il n’en reste plus rien après.

Je ne lis pas beaucoup de littérature jeunesse, ce n’est pas vraiment mon créneau, mais j’avais très envie de découvrir le travail d’Antoine Dole, donc j’ai fait une exception…

Il s’agit d’un court récit à la première personne, impossible à résumer. La narratrice est une jeune fille amoureuse d’un garçon qui s’appelle Olivier, et malgré les mises en garde de ses proches, ce soir-là, elle a décidé de le faire, avec lui.

Tout le texte, extrêmement habilement, repose sur une ambiguïté, et c’est là qu’est toute sa force. C’est ce qui le rend aussi incisif. Le faire. Que recouvre ce le ? Quelque chose de normal. Ou non. C’est difficile, et l’auteur parvient parfaitement à dire cette soif d’absolu et de révolte des adolescents, par le biais d’une jeune fille qui n’a pas été sans me rappeler l’Antigone d’Anouilh.

C’est un texte fort, difficile, sur un sujet difficile, un texte déchirant, mais indispensable.

Tout foutre en l’air
Antoine DOLE
Actes Sud Junior, 2015

C’est une lecture commune filée avec Jérôme, Noukette, Leiloona, Stephie, Sophie…

Spartacus, de Stanley Kubrick

42751I’m Spartacus

Souvenez-vous : après mes énièmes visionnages du Gladiator de Ridley Scott et du Cléopâtre de Mankiewicz, je m’étais posé cette question hautement métaphysique : qui, de Russel Crowe, Richard Burton ou Kirk Douglas porte le mieux la jupette ? Pour y répondre, il fallait évidemment que je revoie ce film de légende qu’est Spartacus.

En 73 av. J.-C., Spartacus, un esclave thrace que l’on fait travailler dans les mines de Libye, se fait remarquer en mordant violemment un des gardes, raison pour laquelle il est condamné à mort ; mais il est finalement acheté par Lentulus Batiatus, propriétaire d’une école de gladiateurs à Capoue. Il fait connaissance des autres esclaves, notamment Draba et Crixus,  ainsi que de Varinia, une des esclaves que Marcellus donne parfois en récompense pour une nuit aux gladiateurs qui l’ont mérité. Crassus arrive bientôt à l’école de gladiateurs avec deux femmes et un homme et demande à Batiatus de faire combattre deux paires de gladiateurs jusqu’à la mort. Spartacus est sélectionné pour se battre contre Draba dans l’arène. Il est vaincu, mais Draba refuse de le tuer et lance son trident vers la loge des spectateurs où il s’élance. Crassus le tue d’un coup de dague. C’est le point de départ de la révolte des gladiateurs…

Evidemment, s’il s’agit d’un film de légende, c’est que tout y est grandiose : les décors, les costumes, les scènes de foule absolument stupéfiantes, les scènes de bataille dignes de L’Iliade… C’est un film dit « viril », à la fois de par la domination des personnages masculins, mais aussi par sa violence, même si certaines scènes très drôles à certains moments viennent alléger un peu le tragique écrasant : c’est le film de la liberté contre l’oppression, d’un point de vue historique bien sûr puisque cette révolte des esclaves romains a bel et bien existé, mais Kubrick en profite pour faire un film à double niveau qui se lit aussi comme une critique de la chasse aux sorcières qui sévissait à l’époque (le scénariste était d’ailleurs blacklisté et son nom ne devait au départ pas apparaître) (Spartacus est une figure mythique pour le mouvement communiste). Néanmoins, j’ai trouvé que c’était tout de même franchement trop long (de manière générale, au-delà de 2h, je trouve que c’est trop long mais ceci n’engage que moi).

Et Kirk Douglas, me direz-vous ? Et bien, le muscle saillant, le regard fier malgré les humiliations, la fossette au menton, ilporte admirablement la jupette ! A noter aussi la présence d’un Tony Curtis tout jeune (mais un peu gringalet pour la jupette).

Spartacus
Stanley KUBRICK
Etats-Unis, 1960