Et rien d’autre, de James Salter

Et rien d'autreIl arrive un moment où vous savez que tout n’est qu’un rêve, que seules les choses qu’a su préserver l’écriture ont des chances d’être vraies.

Ce roman avait toutes les chances de m’attirer : New-York, le milieu de l’édition, c’est un peu mes marottes. Du coup, il a assez vite fait partie de ma short list de la rentrée de septembre. Mais. Comme vous le voyez, je ne fais pas toujours les choses aussi rapidement que je voudrais, et ce pauvre roman a donc dû patienter de longues semaines. Toutefois, tout vient à point à qui sait attendre, et mieux vaut tard que jamais.

Le personnage principal du roman, Philip Bowman, au sortir de la guerre et après des études à Harvard, rêve de devenir journaliste. Mais ne trouvant aucun emploi dans cette voie, il se fait embaucher comme lecteur dans une maison d’édition, et gravit peu à peu les échelons. Mais si sa vie professionnelle est un long fleuve tranquille, sa vie privée, elle, est beaucoup plus compliquée…

Si j’ai beaucoup aimé ce roman, au final, je dois admettre que j’ai eu un peu de mal à enter dedans : le premier chapitre (à la guerre) m’a assez ennuyée (c’est un fait : je n’aime pas les récits de guerre) et avec le recul, je ne le trouve pas vraiment indispensable ; en outre, j’ai été un peu déconcertée par la narration. L’auteur fait, au début du roman, un usage assez particulier de la chronologie (le récit devient ensuite plus linéaire), tout comme il a une manière bien particulière de passer d’un personnage à l’autre : il revient toujours à Philip, mais n’hésite pas, lorsqu’il introduit quelqu’un de nouveau, à nous raconter son histoire, voire à revenir sur lui plus tard, pour que l’on sache ce qu’il devient. Du coup, si Bowman est et reste le personnage principal, nous avons autour de lui toute une cohorte d’autres personnages qui sont plus que des silhouettes, ce qui contribue à donner le sentiment que ce n’est pas seulement la vie d’un être qui nous est racontée, mais tout un pan de l’Amérique. Le contexte historique, s’il reste toujours en arrière-plan, ne manque pas d’importance.

Une fois passé le moment de l’acclimatation à l’écriture de Salter, c’est un véritable plaisir de lecture. Non qu’il se passe grand chose, au fond, mais ce roman, un peu mélancolique et désenchanté, est une quête de l’amour, et c’est toujours bon à prendre !

Et rien d’autre
James SALTER
Traduction de Marc Amfreville
L’Olivier, 2014

challengerl201429/30
By Hérisson

Un monde flamboyant, de Siri Hustvedt

Un monde flamboyantDans sa lettre, Harriet Burden revendique la responsabilité de la création des œuvres qui ont été présentées lors de trois expositions personnelles à New-York : L’Histoire de l’art occidental d’Anton Tish, Les Chambres de suffocation de Phineas Q. Eldridge et, plus récemment, Au-dessous, de l’artiste connu sous le nom de Rune. Le motif qu’elle donne est très simple : « Je voulais voir dans quelle mesure mon art serait reçu différemment en fonction de la personnalité de chacun des masques. » Elle maintient expressément que lorsqu’elle a exposé ses œuvres dans le passé sous son propre nom, peu de gens s’y intéressèrent, mais que son art sous pseudonyme, présenté derrière « trois masques masculins vivants », a suscité l’intérêt tant des marchands d’art que du public, quoiqu’à des degrés différents. Burdent appelle cela « l’effet de majoration masculine » et précise aussitôt que les femmes en sont affectées tout autant que les hommes : […] Toutes les entreprises intellectuelles et artistiques, plaisanteries, ironies et parodies comprises, reçoivent un meilleur accueil dans l’esprit de la foule lorsque la foule sait qu’elle peut, derrière l’oeuvre ou le canular grandioses, distinguer quelque part une queue et une paire de couilles.

Cela fait quelque temps que j’ai terminé ce roman, mais j’ai été jusqu’à présent dans l’incapacité totale d’en parler, tant il a fait sur moi forte impression. Et dire cela, c’est encore un euphémisme.

Il s’agit d’une mystification sur une mystificatrice : le roman prend ainsi l’allure d’une anthologie des carnets de Harriet Burden, rassemblés par l’historien de l’art I. V. Hess, qui y ajoute entretiens, témoignages et considérations personnelles dans les notes. Mais qui est Harriet Burden ? Artiste plasticienne, elle renonce tôt à sa carrière, considérant son travail comme mal compris, et épouse le richissime galeriste Félix Lord. Mais après la mort de son mari, elle décide de revenir sur la scène artistique, mais masquée : elle choisit trois artistes masculins qui vont lui prêter leur nom.

Le premier mot qui me vient à l’esprit pour qualifier ce roman est « magistral ». Le second est « bluffant ». Siri Hustvedt nous offre avec Un monde flamboyant une oeuvre absolument admirable, tant sur le plan de la forme que du fond. La narration est maîtrisée de bout en bout, utilisant toutes les virtualités du dialogisme : les points de vue se multiplient au gré des témoignages, mais tous ne concordent pas exactement, et chaque locuteur a un avis différent sur les choses, sur Harry, sur le monde de l’art. Cela pourrait partir dans tous les sens, mais cela tient parfaitement, et de manière tout à fait convaincante, car chaque locuteur a vraiment sa voix, son style, sa personnalité.

Quant au fond… j’ai rarement lu un roman aussi érudit et multipliant les références philosophiques, scientifiques, littéraires, et profond. Beaucoup de thèmes ici rendent la réflexion vertigineuse, mais tout finalement se rassemble dans une réflexion sur l’identité et les masques : Harriet multiplie les identités, les pseudonymes/hétéronymes, les avatars, qui font que sa vie elle-même finit presque par ressembler à une oeuvre ; mais si l’on y réfléchit bien, la vie elle-même n’est-elle pas un masque, à commencer par le genre ? Du coup, porter un masque par dessus le masque ne permet-il pas au contraire une plus grande authenticité ?

A chaque page, il y a un sujet sur lequel réfléchir, comme en témoigne mon exemplaire paré de multiples papillons colorés : l’art contemporain, la création, le jugement esthétique, le genre… Siri Hustvedt réussit ici, en outre, le prodige de produire un discours méta-artistique et critique sur des oeuvres qui n’existent pas mais pourraient exister, et à se citer elle-même dans le discours d’Harriet, poussant jusqu’aux limites le brouillage entre le réel et le fictionnel.C’est vraiment fascinant d’un point de vue créatif, et l’une des réflexions qui m’est le plus souvent venue à l’esprit en lisant, c’est qu’elle a sacrément dû s’éclater en l’écrivant.

Bref : Siri Hustvedt ne m’a pas convaincue avec ce roman, elle m’a littéralement cueillie. Ce n’est pas une lecture pour dilettante, mais c’est assurément, un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire, pour moi.

Un Monde Flamboyant
Siri HUSTVEDT
Traduit par Christine Le Boeuf
Actes Sud, 2014

Lu par Leiloona

challengerl201428/30
By Hérisson

Le roi disait que j’étais diable, de Clara Dupont-Monod

Le roi disait que j'étais diableLe roi est mon mari. Ce n’est pas un homme de colère mais de mots. Il s’entretient à voix basse avec son abbé. Il récite souvent des textes sacrés, tout seul, en marchant. Il ne décide rien sans l’avis de ses vassaux. Louis rêve d’une vie monacale, de paroles et de respect. Tout ce que je fuis depuis l’enfance. Tout ce que je hais. Si je pouvais, je vivrais dans un palais immense peuplé de soldats et de poètes. L’épée, le livre : voilà les objets sacrés, disait mon grand-père. La première défend la terre, le second chante l’amour. Chez moi, dans le Sud, ni le sang ni la chair n’ont jamais effrayé personne.

Je n’avais pas, de prime abord, prêté particulièrement attention à ce roman. Et puis, très rapidement, il a intégré ma short list parce que, j’avoue, j’étais curieuse de voir ce que l’on pouvait faire avec un personnage aussi fascinant qu’Aliénor d’Aquitaine, dont la légende perdure encore aujourd’hui.

Le roi disait que j’étais diable, ce sont les jeunes années d’une reine, celles qu’Aliénor passe avec le roi de France. Lorsque commence le roman, elle est la puissante duchesse d’Aquitaine, promise à Louis VII qui vient la chercher pour la ramener à Paris, et qui tombe immédiatement sous son charme. Mais il est difficile de concevoir couple plus mal assorti : fière, orgueilleuse, cultivée et passionnée, Aliénor est une fille du Sud, sensuelle et vivante. Louis, lui, est faible et soumis à l’emprise mortifère de la religion catholique ; du reste, il n’aurait jamais dû régner, et se destinait à une vie monacale.

Dans le texte, les deux voix alternent : celle, puissante et vive d’Aliénor, celle, comme un murmure, de son roi de mari.

C’est, vraiment, un magnifique portrait de femme que nous propose ici Clara Dupont-Monod : une femme libre et indépendante, qui refuse la soumission, et partant, évidemment, diabolique et sorcière. Le sentiment qui l’anime, c’est le mépris pour le pantin qu’on lui a donné pour mari, qui apparaît à travers les pages comme un amoureux blessé, malheureux, presque émouvant. Et à travers l’opposition de ces deux êtres, c’est aussi l’opposition de deux mondes qui se donne à voir, à une époque où le royaume de France n’existait même pas : le Nord et le Sud, l’ordre et le désordre, l’apollinien et le dyonisiaque, le catholicisme le plus étouffant, haineux des arts et de l’amour, et quelque chose qui ressemble presque a un paganisme, heureux et vivant, rendu d’autant plus exaltant par l’écriture extrêmement sensuelle de l’auteur, qui fait la part belle aux odeurs, aux couleurs, aux sons. La mort, et la vie.

C’est aussi un pan de notre histoire qui s’anime sous nos yeux, une époque rendue vivante et que l’on connaît finalement peu. Sans doute Aliénor est-elle un peu ici montrée différente de ce qu’elle était en réalité, mais peu importe : j’ai aimé la rencontrer et la sentir vibrer !

Le roi disait que j’étais diable
Clara DUPONT-MONOD
Grasset, 2014

challengerl201426/30
By Hérisson

Oona et Salinger, de Frédéric Beigbeder

Oona et SalingerTout écrivain doit avoir un jour le coeur brisé, reprend Hemingway, et le plus tôt est le mieux, sinon c’est un charlatan. Il faut un amour originel complètement foireux pour servir de révélateur à l’écrivain.

Ce roman faisait partie de ma short list de rentrée littéraire*. Si je ne l’ai pas lu plus tôt, c’est la faute de Beigbeder : pour des raisons qui lui appartiennent et qui sont somme toute parfaitement compréhensibles, il a refusé que son oeuvre sorte en version numérique. Nous n’allons pas lancer le débat, mais enfin le résultat est là, il s’est fait griller la priorité par plein d’autres auteurs pour des raisons bêtement logistiques. Mais bon, mieux vaut tard que jamais, n’est-ce pas !

New-York, 1940. J. D. Salinger est un jeune auteur de 21 ans, et Oona O’Neill une socialite qui en a à peine 15. Ils se rencontrent dans la boîte à la mode du moment, le Stork Club. Il ne se passe rien entre eux, mais ils se revoient quelques mois après. Et si pendant toutes ces semaines Salinger a été hanté par Oona, la jeune fille fait quant à elle semblant d’avoir totalement oublié leur première soirée. Débute alors une amourette, qui restera platonique et prendra fin rapidement, lorsque Salinger partira libérer la France et que Oona s’installera à Hollywood, où elle rencontrera l’homme de sa vie, Charlie Chaplin.

L’hypothèse de Beigbeder dans ce roman, c’est la phrase que j’ai mise en exergue, et que l’auteur met dans la bouche d’Hemingway, qui avec Fitzgerald hante tout le roman : la déception amoureuse de Salinger comme expérience fondatrice et origine de son oeuvre. L’amour est ici voué à l’échec, et Beigbeder fait d’une petite amourette d’adolescents un véritable mythe, transformant Oona en figure de l’éternel féminin adorable et adoré. Il faut dire qu’elle est belle à damner un écrivain, et on sent bien l’auteur tomber un peu amoureux de son personnage à travers son écrivain préféré. C’est intelligent, voire brillant, et en même temps tout à fait dans le ton habituel de Beigbeder, désinvolte et primesautier, parfois cynique et un brin irrévérencieux. Tout tourne autour de l’amour (avec une réflexion assez pertinente sur la différence d’âge dans le couple) et l’écriture : le roman est émaillé de réflexions très intéressantes et à méditer sur la condition d’écrivain.

Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux ? Finalement, peu importe : Beigbeder fait de la faction, mélange de factuel et de fiction. Il se glisse dans les silences, les secrets, invente des scènes, imagine les lettres de Salinger à Oona envoyées du front (lettres qui existent mais que la famille Chaplin refuse de divulguer).

Ce roman m’a littéralement enchantée, même si je ne m’intéresse pas spécifiquement à Salinger. C’est une jolie histoire d’amour et d’écriture !

Oona et Salinger
Frédéric BEIGBEDER
Grasset, 2014

challengerl201424/24 – level complete
By Herisson

* A savoir la liste des romans que je veux impérativement lire. Après vient la long list où s’accumulent les différentes tentations éventuelles, pour lesquelles l’occasion fait souvent le larron.

Notre vie antérieure, d’Anne-Sophie Brasme

notre vie antérieureQuand on me demande pourquoi j’écris — question entendue un millier de fois —, je réponds toujours la même chose : je n’ai pas le choix. Sans cela, je me serais fissurée au premier coup.

Laure est écrivain. Ses livres se vendent honorablement, lui permettant de vivre de sa plume, mais ne fait pas partie des grands écrivains dont la postérité retiendra le nom. Ce n’est pas bien grave : à soixante-cinq ans, elle se sent à bout de souffle, et se lance dans l’écriture de ce qu’elle sait être son dernier roman. Le plus important, celui qu’elle porte en elle depuis toujours. Un roman dans lequel elle va enfin raconter ce qui est sans doute à l’origine de tout, et qui la projette quarante-cinq ans en arrière, l’été où elle a connu Aurélien et Bertier…

Avec ce roman, je découvre la plume d’Anne-Sophie Brasme, et j’en suis ravie. Evidemment, me direz-vous, il est question dans ce roman d’écriture, de lecture, de littérature en somme, et c’est évidemment passionnant : le récit fait alterner le journal de Laure, qui est une sorte de carnet d’écrivain dans lequel elle note ses pensées intimes et la progression de son travail, et le récit lui-même, qui nous montre comment naît le besoin d’écrire. Il est aussi question de jeunesse, d’insouciance, de quête du bonheur à travers des moments pleins et riches où l’on est présent au monde et où c’est tout ce qui compte. Il est question d’amour aussi, bien sûr, avec ce qui aurait pu être un simple triangle amoureux mais se révèle beaucoup plus profond que cela. Par contre, il n’est pas question de réincarnation, contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre : c’est, simplement, la question lancinante de la mémoire et du retour du passé, qui semble hanter tellement d’écrivains.

C’est donc un roman que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire, et que je recommande chaudement, même si j’ai deux bémols : d’abord, j’ai trouvé la « ficelle » beaucoup trop grosse, au point que j’avais deviné la clé dès le début, alors même qu’habituellement je me laisse très facilement mener par le bout du nez. Ensuite, je n’ai pas compris l’intérêt du choix chronologique, qui m’a fait croire à un moment qu’il y avait une incohérence (et vous savez combien les incohérences me font facilement tiquer) avant de comprendre que non, mais je m’interroge. Du coup, c’est plus une interrogation qu’un bémol… mais que cela ne vous arrête pas : c’est, malgré tout, un très bon roman !

Lu par Charlotte

Notre vie antérieure
Anne-Sophie BRASME
Fayard, 2014

challengerl201423/24
By Hérisson

Les soirées de Charles, d’Armand Aurèle

les soirées de CharlesJe n’avais pas eu à trop argumenter pour convaincre Bérénice d’honorer l’invitation à la soirée concocter par Charles. Nous le connaissions tous deux depuis plus de dix ans et avions pu apprécier à maintes reprises son savoir-faire en matière d’organisation, l’art qu’il maîtrisait à la perfection de distiller tout au long de rencontres inoubliables sa convivialité discrète et chaleureuse au service de situations toujours surprenantes et particulièrement excitantes.

Les soirées de Charles, comme celles de l’ambassadeur, sont toujours un succès. Mais pas à cause des chocolats et du champagne : ses réceptions, qui prennent l’apparence de soirées échangistes, sont en réalité de véritables thérapies de groupe, où chacun va en apprendre beaucoup sur lui-même. C’est à une de ces soirées que nous invite ce roman…

C’est tout à fait brillant, et relativement déconcertant. Evidemment, on s’attend à un récit érotico-pornographique, enchaînant les situations diverses et variées, mais si on a bien tout ça, on a aussi plus. Car ce roman est presque un traité d’anthropologie sexuelle, où la jouissance est thérapeutique. Charles est le maître de cérémonie et invite dans son univers raffiné et décadent des personnes d’horizons divers, qu’il a sélectionnées grâce à un questionnaire et surtout à une connaissance profonde de l’âme humaine (c’est un ancien chercheur en sciences du comportement) : chacun a un problème à régler, une prise de conscience à avoir, un fantasme à cesser de refouler et la soirée est minutieusement organisée de manière à ce que chacun ait « son » moment de révélation ; mais, en participant aux moments des autres (ou simplement en restant spectateur), on apprend aussi. Cela n’a pas été sans me rappeler les « constellations symboliques », la dimension sexuelle en plus. Chaque personnage prend la parole à tour de rôle, ce qui permet d’avoir un point de vue assez complet sur les différents tableaux. C’est excellemment écrit, finement analysé, certaines scènes sont assez troublantes, bref, c’est une vraie réussite !

Armand Aurèle est le pseudonyme d’un auteur publiant d’habitude en littérature générale, et je suis assez curieuse de savoir qui : s’il passe par ici, qu’il se dénonce par mail (je garderai le secret, promis).

Lu par Noukette (moins enthousiaste que moi)

Les soirées de Charles
Armand AURÈLE
La Musardine, 2014

challengerl201422/24
By Hérisson

Zou ! de Anne-Véronique Herter

Zou !Qui suis-je maintenant ? Comment dire d’où je viens et où j’aime aller si je n’ai plus la base de mon histoire pour m’y appuyer ? Quel sera mon objectif de l’été ? Ma plénitude quand je fermerai les yeux ?
J’avais une place, un rôle dans cette famille, dans cette maison, un pan d’histoire à écrire, tout simplement. Et maintenant ? La page est vide. Atrocement vide…

« Allez ! Zou ! » est une expression que j’utilise beaucoup, mais je ne m’étais jamais arrêtée sur sa signification avant de me plonger dans ce roman. Si ça se trouve, contrairement à ce que je crois souvent, j’aime aller de l’avant !

A la suite de la mort du père, la famille de Chance doit se séparer de la maison en Bretagne, trop grande, trop chère. Pour Chance, c’est un déchirement, mais peut-être aussi l’occasion de se reconstruire et devenir elle-même, par l’écriture.

Comme beaucoup de premiers romans, Zou ! prend la forme d’une confession, qui m’a énormément touchée, voire bouleversée. La question, ici, est de savoir comment parvenir à laisser partir le passé, et c’est évidemment un thème qui me parle, surtout lorsque, comme ici, la reconstruction passe par l’écriture. Avec beaucoup de talent, Anne-Véronique Herter mêle les registres, passe de la fantaisie souvent drôle à la mélancolie la plus profonde. Les voix se succèdent, celle de Frédéric, celle de la page blanche, de la maison ou du muret, pour offrir un point de vue original sur l’histoire ; mais évidemment, celle qui domine est celle de Chance, et c’est peu de dire que cette héroïne m’a beaucoup émue, avec sa drôle de famille où se côtoient peintres, inventeurs, médiums et écrivains, une lignée hors du commun qui cohabite sans plus de façons avec les fantômes. Ses peurs, ses angoisses, ses hésitations, et son attachement viscéral à la maison de son enfance. Racines, famille, histoire, mémoire, lieux, création : tels sont les thèmes de ce premier roman sincèrement très réussi, et que je vous encourage à découvrir !

Lu par Leiloona, Stephie, Sophie, Noukette

Zou !
Anne-Véronique HERTER
Michalon, 2014

challengerl201419/24
By Hérisson