Quête spirituelle

André Malraux n’a pas dit le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. Et pourtant, il aurait eu raison de le dire, parce que, le fait est : on assiste ces derniers temps non seulement à un développement à grande vitesse de tout ce qu’on peut désigner comme « quête spirituelle », mais aussi à sa normalisation, au sens où ce qui demeurait jusqu’à il n’y a pas si longtemps caché, voire honteux (on va me prendre pour une zinzin) est parfaitement assumé. Il y a quelques années, si vous parliez de l’Univers autrement qu’au sens astronomique, ou que vous disiez que vous aviez fait faire votre thème astral, (et d’ailleurs, vous ne le disiez pas), on vous regardait bizarrement ; aujourd’hui, rien de plus banal.

Toutes les librairies ont un rayon spiritualité riche et varié. Toutes vendent des oracles et des tarots. Rien de plus simple que de trouver des cristaux, des bols tibétains, un pendule ou des bâtons de fumigation. Il y a quelques années, lorsque j’avais voulu une pierre de lune, j’avais dû aller dans une obscure boutique ésotérique dont on m’avait refilé le nom un peu sous le manteau. Aujourd’hui, on en trouve à Cultura (bon, je suis perplexe sur le fait d’acheter des pierres dans ce genre de magasins, mais c’est une autre histoire). Et je ne parle même pas du millier de sites internet proposant absolument tout ce qu’on veut et même ce qu’on ne veut pas.

Et je trouve cela très intéressant. Pendant très longtemps, il n’y a eu finalement que deux voies : la religion, et l’athéisme (éventuellement on pouvait être agnostique). Soit je crois qu’il y a quelque chose qui nous dépasse et dans ce cas-là j’obéis aux dogmes, soit rien. Je caricature un peu, mais pas tant que ça finalement. J’ai toujours détesté la religion, parce que je n’ai jamais supporté qu’on me dise ce que je devais faire. Moi je me suis toujours posé des questions, et les réponses toutes faites qu’on m’apportait ne me convenaient pas. Je voulais être libre (c’est vraiment ma valeur première, ça, la liberté). Je voulais réfléchir, remettre en cause, penser, et ça, les religions, elles ne veulent pas : il faut obéir aveuglément. Et dans l’histoire, ceux qui voulaient réfléchir au lieu d’accepter le prêt-à-penser ont très mal fini. Heureusement pour moi, dans cette vie-là, j’ai pu claquer la porte (dans d’autres vies je pense que j’ai mal fini…). Avant de la rouvrir, mais autrement. Ou plutôt, d’en ouvrir une autre.

Parce que là est le point : la spiritualité, c’est justement se poser des questions, et trouver son propre sens. Qui n’est pas le même pour chacun. La réponse n’est pas unique. Ma réponse, ma manière de voir les choses n’est pas la même que celle de mon voisin, et c’est très bien comme ça, parce que, justement, nous avons tous quelque chose à apporter. Martha Graham a dit : parce qu’il n’y a qu’un seul toi en tout temps, cette expression est unique. Si tu la bloques, elle n’existera plus jamais par aucun autre moyen et sera perdue. Le monde ne l’aura pas.

Nous avons tous notre chemin, et il se construit chaque jour. Pour certains, cela sera d’ailleurs de rester dans le giron d’une religion instituée, d’obéir à ses commandements, et pourquoi pas, tant qu’on n’essaie pas d’obliger les autres à faire pareil. Pour d’autres, ce sera un retour aux religions païennes ou à la sorcellerie pratiquée de manière ritualisée. Il y a ceux qui s’intéresseront aux pratiques chamaniques, au bouddhisme, au yoga et à la méditation. Ceux qui cherchent partout et passent de l’un à l’autre, s’adonnant à ce que certains taxent de « tourisme spirituel » alors que c’est juste de la recherche et que ça fait partie de l’évolution.

Chez moi ça donne au final quelque chose d’indéfinissable et que je qualifierai de « poétique ». Comme toujours. D’ailleurs, je ne cherche pas à définir. Ce que je sais, c’est que j’ai essayé beaucoup de choses, au fil des années. Je sais aujourd’hui que le yoga, vraiment, ça ne le fait pas, la méditation (au sens strict) non plus. Ecrire, créer, oui. M’émerveiller de la beauté du monde, me sentir en union avec lui lorsque je regarde la mer assise sur la plage, oui. Aimer absolument, oui. M’intéresser à l’astrologie et au Tarot parce que ce sont des histoires, que cela donne du sens, oui. Ce qui viendra ensuite, je ne le sais pas encore, parce que ce qui est bien, c’est que nous sommes en constante évolution…

La spiritualité, c’est essayer de m’émerveiller chaque jour…

La Rencontre / L’Union – O’Manuscrit II et III de Lars Muhl : la puissance du féminin

Au cours du siècle qui est le nôtre, une force féminine nouvelle se manifeste, une force qui embrasse l’être humain totalement, dans son corps comme dans son esprit. C’est celle qu’incarne Marie-Madeleine et que nous avons vue, par exemple, s’affirmer avec le mouvement féministe du XXe siècle. 
Mariam Magdalene est la manifestation d’une forme d’énergie féminine nouvelle, qui nous vient d’en haut en tant que Rukha d’koodsha, laquelle ne se limite pas à la pure maternité, fût-elle neutre ou réceptive, qui a, jusqu’à aujourd’hui, marqué l’archétype féminin universel. 

Il s’est passé quelque chose de très bizarre avec ces deux romans. L’autre jour que je musardais dans une librairie je suis tombée sur le tome 3 dans un rayon où il n’avait pas trop sa place (enfin un peu puisqu’il était au rayon spiritualité, mais comme il s’agit d’un roman (nous y reviendrons) il aurait dû être en littérature générale) et comme le résumé me plaisait, je l’ai pris (sans faire trop attention du coup qu’il s’agissait d’un tome 3). Et puis, tout de même, ça me disait quelque chose, cette histoire et ce nom d’auteur, et en cherchant, bien sûr : j’avais lu le tome 1, Le Chercheuret pas n’importe quand puisque c’est le premier livre que j’avais lu dans mon nouvel appartement. Lorsqu’avec le recul je vois combien ce déménagement était l’amorce de nombreux autres bouleversements dont ce texte était un peu annonciateur, je me dis que le fait que le tome 3 vienne à moi comme ça en ce moment où j’ai tout de même une impression de clôture de cycle, ce n’est décidément pas un hasard. Et d’autres synchronicités se sont manifestées dans le texte lui-même. Bref, le temps que je récupère le tome 2 et me voilà lancée.

On va faire simple : le narrateur poursuit son voyage initiatique. Les deux tomes, en particulier, s’intéressent à la figure de Marie-Madeleine et au féminin sacré.

Je vais commencer par le négatif : ce que je reproche à Lars Muhl, c’est de faire passer pour un récit autobiographique ce qui est de toute évidence un roman ésotérique, puisqu’il en reprend les codes et notamment l’alternance entre les chapitres consacrés à lui et ceux consacrés à un manuscrit découvert : c’est exactement les mêmes procédés que chez les maîtres du genre, Dan Brown ou Steve Berry pour ne citer qu’eux. En outre, on se retrouve avec tout le fatras habituel : Les Cathares, les Templiers, Rennes-le-Château, Bugarach et j’en passe : il y a du gros tri à faire dans cet ésotérisme de pacotille dont je me suis demandé à plusieurs reprises s’il n’était pas là pour attirer l’attention du lecteur friand du genre et mieux faire passer la réelle réflexion spirituelle, parfois ardue.

Mais une fois le tri fait entre le folklore et la vérité, je dois avouer que j’ai dévoré ces deux tomes en un rien de temps parce qu’ils m’ont véritablement nourrie et m’ont permis de rassembler des réflexions éparpillées. Même si le christianisme est très présent il s’agit bien de spiritualité et donc d’un syncrétisme assez intéressant entre la gnose, le chamanisme, le tantrisme, les cultes de la grande déesse et leur évident lien avec la sexualité, qui est bien ici une voie d’initiation. J’ai particulièrement apprécié la réflexion sur les archétypes : Chaque être humain, dans l’incarnation qui est à ce moment-là la sienne, subit l’influence d’un ou de plusieurs archétypes. Lesquels fournissent la matrice des différentes qualités qui caractérisent l’homme. Nous devons, dans notre vie, nous laisser guider par ces archétypes, mais aussi ne pas oublier de construire à partir d’eux. Le fait est que l’archétype féminin exploré dans ce livre est Marie-Madeleine, qui pour ainsi dire me harcèle depuis pas mal de temps (et pas seulement parce que je pleure beaucoup) ; et dans le roman, elle est liée à Jeanne d’Arc, figure qui au contraire ne m’a jamais trop intéressée et qui s’est bizarrement mise à me faire des appels du pieds depuis (je ne ferai pas la liste de toutes les synchronicités, vous ne me croiriez pas) et j’ai l’impression qu’elle attendait sagement depuis plus de 15 ans que je vis à Orléans que je m’intéresse à son cas.

La conclusion de tout cela ? Le Graal, c’est l’amour (tout comme la Pierre Philosophale, ceux qui me suivent sur Instagram ou Facebook comprendront).

Bon, du coup ces deux romans valent surtout pour les réflexions et prises de conscience existentielles qu’ils peuvent susciter, mais après tout, c’est déjà important !

La Rencontre / L’Union – O’Manuscrit II et III
Lars MUHL
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alice Boucher
Flammarion, 2018 (J’ai Lu, 2019) et 2019

Ce soir, la lune était ronde d’Arnaud Riou : voyage vers soi

Ce que tu ressens, Thomas, ça a un nom. Beaucoup de ceux qui se sont engagés avec honnêteté sur un chemin spirituel connaissent cette sensation de venir d’ailleurs, d’être sur cette terre dans un corps trop étroit, frustrés de sentir sa puissance sans trouver les moyens de l’exprimer. Le souvenir de la source originelle… Le sentiment d’en être séparé… La nostalgie du divin, Thomas… Est-ce que ça résonne en toi ? Cette sensation diffuse qui nous donne l’impression de venir d’ailleurs, de n’être ici que de passage. La nostalgie du divin qui laisse le goût de l’amour et de la plénitude dans notre âme et que nous recherchons dans la banalité de nos gestes quotidiens sans jamais pouvoir les incarner avec autant d’absolu que nous le souhaiterions.

La Pleine Lune n’est que demain, mais tant pis. Vous vous souvenez, l’autre jour, je vous parlais de ma sensation constante d’être en décalage, pas seulement d’ailleurs avec le monde, mais aussi en ce moment avec ma propre vie. Et boum, le jour-même où est paru cet article, qui vu le nombre de messages (surtout privés) que j’ai reçus vous a beaucoup parlé, je reçois ce roman, qui aborde exactement ce sujet. Si ce n’est pas une belle synchronicité, je ne m’y connais plus.

Il s’agit donc d’un roman initiatique. Thomas, le narrateur, est un comédien que son métier ne fait plus vibrer, qui ne sait pas faire les bons choix dans sa vie, qui ne sait d’ailleurs pas faire de choix tout court, et qui se retrouve dans sa vie personnelle englué dans une situation qui ne lui convient pas, sans savoir comment s’en sortir. Carmen, une ancienne comédienne ayant découvert le chemin de la spiritualité, et qu’il recroise à une première (celle du Songe d’une nuit d’été) voit en lui le potentiel qu’il ne voit pas, et l’invite à une espèce de retraite…

Ce ne sont pas les qualités littéraires de ce roman qui sont essentielles, mais bien la manière dont il nous oblige à nous poser des questions sur nous et sur le monde (vous allez me dire : c’est déjà ce que tu passes ton temps à faire : je sais). Thomas, je l’ai vu un peu comme un double (pas seulement de moi, mais c’est un autre problème) : éteint, ne sachant pas où il va, il vit sa vie comme un rôle dans lequel il ne mettrait aucune émotion, et au fil du roman il est ranimé par la pulsion de vie. Il suffisait finalement de peu. Il est bien sûr question ici de ce qu’on trouve habituellement dans ce genre d’ouvrages : les synchronicités (et j’avoue que le fait qu’un personnage explique à Thomas qu’elle a l’impression de venir d’une autre planète m’a fait un drôle d’effet), suivre son chemin, se reconnecter à soi et à ses émotions, se libérer des entraves du passé. Mais c’est plutôt bien fait, et pas « lourd » comme j’ai souvent pu le voir dans ce type d’ouvrages.

Un roman donc qui fait du bien, qui ouvre des pistes d’exploration et de questionnements.

Ce soir, la Lune était ronde
Arnaud RIOU
Solar, 2018