The Girlfriend Experience, de Amy Seimetz, Lodge Kerrigan, Steven Soderbergh

The_Girlfriend_ExperienceIt’s difficult for a woman to be seen as a sexual person.

C’est l’été, c’est rattrapage de série, et je poursuis mes investigations avec celle-ci, que j’ai découverte totalement par hasard : elle n’est pas totalement inédite en France, ceux qui ont OCS Max ont donc pu la voir en même temps que les Américain et les Canadiens. Je ne suis pas chez Orange, je n’ai donc pas cette chaîne, donc poursuivons.

La série est l’adaptation du film du même nom de Steven Soderbergh. Riley Keough (la fille de Lisa Marie Presley, pour la petite histoire) y incarne Christine Reade, une étudiante en droit qui vient d’intégrer en tant que stagiaire un grand cabinet d’avocat de Chicago spécialisé dans les brevets. Poussée par une amie, elle intègre également une agence d’escort…

Très déstabilisante, la série fait le choix d’une absence totale de subjectivité ; tout tourne autour de Christine, personnage énigmatique s’il en est : jamais on ne s’interroge sur les raisons de son choix, et on est donc réduit aux conjectures. Si les raisons financières sont les premières à venir à l’esprit, force est de constater que si Christine déménage dans un très bel appartement, elle ne fait pas non plus de folies avec les sommes considérables qu’elle gagne ; au contraire, elle semble prendre goût à ce qu’elle fait, un peu peut-être par perversité à l’instar d’une Belle de jour, beaucoup sans doute par goût du pouvoir : il est notable que, dans la grande majorité des scènes de sexe, avec ses clients ou avec les autres hommes, c’est elle qui est dessus, elle qui dispense le plaisir — et n’hésite pas à faire passer le sien avant. Du reste, les relations de Christine avec les hommes qui la paient (ou non : on a l’impression que cela ne change pas grand chose pour elle, au fond) sont assez troubles : très vite, elle se débarrasse de l’agence et exerce en freelance dans un univers luxueux et raffiné, pas du tout glauque, et ses clients sont de riches hommes d’affaire, dont la plupart sont plutôt pas mal de leur personne et recherchent, plus que seulement du sexe, l’illusion d’une intimité amoureuse.

L’ensemble est esthétisé à l’extrême, assez froid et peu sensuel malgré le nombre évidemment très élevé de scènes sexuelles. On ne sait donc trop quoi penser de l’enjeu : selon moi, il me semble qu’il ne s’agit pas d’une réflexion sur la prostitution, mais plutôt un questionnement sur le sexe, le pouvoir et la liberté. Christine s’affirme au fil des épisodes, l’intrigue « escort » se doublant d’une intrigue juridique (à laquelle je n’ai, pour être honnête, pas compris grand chose) et parvient, malgré le contexte, à prendre un certain pouvoir sur sa vie.

Je ne doute pas que cette série risque de ne pas plaire à tout le monde, mais je l’ai trouvée pour ma part extrêmement intéressante.

The Girlfriend experience
Amy SEIMETZ, Lodge KERRIGAN, Steven SODERBERGH
En cours de production

Splendeurs et misères, images de la prostitution (1850-1910) au musée d’Orsay

Splendeurs et misèresLa prostitution et le vol sont deux protestations vivantes, mâle et femelle, de l’état naturel contre l’état social. (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847).

Encore une fois, Orsay s’encanaille : après les hommes nus et Sade, le musée propose la première exposition jamais consacrée au thème de la prostitution. Et ça fonctionne, car il s’agit de l’une des expositions les plus courues du moment, aussi bien par les Parisiens que par les touristes, qui se disent qu’il n’y a bien que les Français pour faire ça (remarque entendue dans un cabinet noir). Vous vous doutez bien que décadente comme je suis, j’avais mis cette visite tout en haut de ma liste.

Le fait est que la prostitution est omniprésente dans la société entre le Second Empire et la Belle Epoque, et fascine les artistes, écrivains, peintres, mais aussi photographes. Comment alors est représenté l’univers de l’amour tarifé ? C’est la problématique de cette exposition, qui nous invite à un parcours thématique dans cet univers bien particulier. L’exposition commence par l’ambiguïté, celle de la difficulté parfois à distinguer la prostituée de la « femme honnête », l’amour vénal envahissant l’espace public, sur le boulevard, dans les cafés, au théâtre ou à l’opéra : cette ambiguïté nourrit l’imagination des peintres, comme le montrent les danseuses de Degas. Mais bien sûr, qui dit prostitution dit maisons closes, et le visiteur pénètre alors dans un second espace, tendu de rouge, où se donnent à voir les corps nus, les scènes de vie quotidienne de la toilette à l’attente en passant par l’exhibition devant le client, voire des compositions d’amour lesbien — Toulouse-Lautrec, omniprésent, voisine avec Constantin Guys, Degas, ou encore Valotton ; dans un coin, un premier cabinet noir, pour visiteurs avertis, cache derrière un rideau de velours une première série d’images pornographiques, photographies en stéréoscopie ou films. La troisième section aborde l’ordre moral et social, les contrôles et l’encadrement, avant que nous soyons plongés dans l' »aristocratie du vice » avec les demi-mondaines, grandes horizontales et cocottes, Apollonie Sabatier, Valtesse de la Bigne, Cleo de Mérode, Blanche d’Antigny ou la Païva, dont certaines ont inspiré le personnage de Nana à Zola ; des femmes galantes, qui se font exécuter des cartes de visites avec photographies plus ou moins parlantes et se font peindre en majesté ; ces femmes, véritables artistes de la luxure, fascinent artistes comme visiteurs — on croise dans cette section Olympia de Manet, Rolla de Gerveix, une sublime statue de Cleo de Mérode par Falguière mais aussi des meubles, le lit de la Païva avec les draps en désordre ou une étonnante « chaise de volupté ». La section suivante montre comment la figure incontournable de la prostituée permet d’exprimer bien des fantasmes et notamment ceux de la décadence et de la peur de la femme : bouc-émissaire, elle porte toutes les vices de la société, Grande Prostituée de Babylone, Pornokratès de Rops ou Elle de Mossa. Enfin, la dernière partie étudie les liens entre prostitution et modernité — Picasso, Munch, Derain, Kupka, Van Dongen, et un nouveau cabinet noir qui montre comment la photographie et ses progrès permettent d’explorer la sexualité féminine et se démocratisant de devenir un plaisir d’amateur.

Une bien belle exposition, donc, bien menée et instructive, sulfureuse mais pas trop : beaucoup de choses à voir, de la peinture bien sûr mais pas seulement, et une scénographie très intéressante. Mais encore une fois je m’interroge sur la politique d’Orsay vis-à-vis des photos : elles sont enfin autorisées à nouveau dans le musée, mais toujours interdites dans les expositions, alors même que pour les vernissages tout le monde s’en donne à coeur joie. Et encore une fois, je trouve cela frustrant (je n’aime pas mes articles sur les expositions quand je n’ai pas d’illustrations) !

Splendeurs et misères, images de la prostitution (1850-1910)
Jusqu’au 17 janvier 2016
Musée d’Orsay

Secrets de maisons closes. La légende noire et rose des bordels, de Marc Lemonier

Secrets de maisons closesAssurément, la maison close n’est pas une invention récente.
Les bordels, les lupanars, ont évolué au fil des siècles, changé de nom ou de manière de fonctionner, mais la règle essentielle n’a pas changé, les femmes qui y « travaillaient » étaient le plus souvent enfermées dans un cadre contraignant, plus proche de la caserne ou du couvent que d’une maison de plaisir.

Laissons de côté un moment la rentrée littéraire, pour nous plonger dans le stupre et la luxure des maisons closes, avec cet essai paru il y a quelques mois.

Maison de tolérance, maison close, bordel, lupanar… les mots ne manquent pas pour désigner ces lieux réservés à la prostitution féminine, dont la création remonte à la plus haute antiquité et la disparition à 1946 — en France tout du moins, car on en trouve encore pas plus loin qu’en Belgique. Mais ne nous y trompons pas : les mots, fleuris, ne permettent pas d’appréhender les différences parfois abyssales d’une maison à l’autre, les particularités de certaines, et les évolutions historiques.

En 35 petites histoires, dans une progression à la fois chronologique et thématique, Marc Lemonier va donc nous faire pénétrer derrière les volets fermés des maisons à gros numéros, et nous révéler les secrets de certains de ces lieux, quelques-uns presque mythiques. Passionnant, pittoresque, cet essai, où l’on croise de nombreux écrivains au passage (à croire qu’il était inconcevable pour un auteur de ne pas fréquenter les filles de joie), permet d’en apprendre beaucoup : les réglementations drastiques, l’emploi du temps des filles, l’importance des décors qui doivent éveiller le fantasme, les liens étroits avec la pornographie, mais aussi les grandes différences de standing entre les maisons qui, comme les hôtels, vont du palace au bouge. A travers toute l’évolution de l’histoire des maisons closes, on voit bien comment ce qui est en jeu, c’est l’accès à une sexualité non-réglementée, là où la société est étouffante : bordels pour ecclésiastiques ou pour homosexuels, mais aussi, tout simplement, pratiques sexuelles qui, si elles sont banales aujourd’hui, ont été pendant longtemps complètement taboues et pratiquées uniquement par les prostituées. Pour autant, l’auteur ne justifie rien, pas même la lutte contre la misère sexuelle : son propos est au contraire souvent critique et compassionnel envers les « filles », et clairement abolitionniste.

Un ouvrage passionnant, qui permet d’en apprendre plus sur ces lieux méconnus !

Secrets de maisons closes. La légende noire et rose des bordels
Marc LEMONIER
La Musardine, 2015

Mardi-c-est-permisBy Stephie

La fille surexposée, de Valentine Goby

13267344184_b3518dcf4c_oLa peau de la fille est saturée de lumière, elle la renvoie comme un métal. Ça, il ne l’a pas corrigé à l’écran, c’est une signature, une photo de début de siècle, la fille blessée par une ampoule trop vive, un flash trop proche dans un studio de l’Ancienne ou de la Nouvelle Médina de Casablanca. C’est une photo, dans un studio, d’une prostituée — khba — qui fait la Marocaine, quelque part près du quartier réservé du Bousbir.

J’avais envie de lire ce récit pour plusieurs raisons. D’abord, j’avais envie de découvrir Valentine Goby (mais Kinderzimmer traite d’un thème que j’évite plutôt à cause de mes tendances empathes, je mets des semaines à m’en remettre). Ensuite, j’avais envie de découvrir cette collection des éditions Alma, « Pabloïd », qui donne carte blanche à des écrivains pour composer un texte selon l’un des huit thèmes fondamentaux de l’art selon Pablo Picasso dans La tête d’Obsidienne d’André Malraux : la naissance, la grossesse, la souffrance, le meurtre, le couple, la mort, la révolte, et peut-être le baiser. Et celui-ci en particulier, car il se trouve qu’ayant fait ma thèse sur la représentation des femmes orientales dans l’imaginaire masculin européen, je me suis forcément intéressée à ces cartes postales colonialistes proposant un érotisme de pacotille. Trois raisons, cela faisait beaucoup, n’est-ce pas, donc comment résister…

La Fille surexposée, c’est l’histoire d’une carte postale. Elle est réalisée en 1924, dans un studio photo, et a pour modèle une prostituée déguisée avec les attributs que l’on imagine être ceux de la femme marocaine. Pour le nouvel an 1953, Maurice en achète un exemplaire et l’envoie à son ami Alexandre. En 2011, Isabelle, la petite fille de Maurice, trouve la carte dans les affaires que lui a laissées Alexandre, et dans le même temps Miloudi, un peintre, s’empare du cliché pour une de ses séries…

Quel étonnant voyage que celui de cette carte postale représentant Khadidja la marocaine, en réalité une prostituée du Bousbir, le quartier réservé où les blancs pouvaient aller pour quelques sous réaliser leurs fantasmes d’exotisme. Mais, évidemment, ce texte est beaucoup plus complexe qu’une simple dénonciation des stéréotypes de l’orientalisme et de la marchandisation du corps féminin (même si les pages qui nous font pénétrer le Bousbir sont particulièrement éloquentes). C’est, avant tout, un récit d’une profondeur étonnante sur l’art et sur l’image : ce qu’elle dit, ce qu’elle ne dit pas, son mensonge parfois, mais aussi la frontière étroite entre le visible et l’invisible. Car, surexposée, la fille de la photo est auss, avant tout, totalement ignorée. C’est aussi une réflexion sur l’interprétation du geste artistique : pendant tout le récit, on interprète d’une certaine manière la façon dont Miloudi s’empare de ces images pour les transformer ; et, de fait, on a tort…

Un très beau texte donc, servi par une écriture parfaitement maîtrisée, à découvrir absolument !

La fille surexposée
Valentine GOBY
Alma, 2014

Lu par Jérôme, Leiloona, Noukette

92737225_oBy Val

(La photo a été prise avec Ces sublimes objets du désir de Régine Deforges, Stock, 1998)

Jeune et jolie, de François Ozon

jeune-et-jolie-afficheJeune et jolie, c’est un magazine que je lisais assidûment lorsque j’étais adolescente, et que les moins d’un certain âge ne peuvent pas connaître. Mais ce n’est pas la raison pour laquelle je voulais absolument voir ce film depuis sa sortie : en réalité, il se trouve encore une fois que la vie est faite de coïncidences troublantes, et qu’à l’époque de la pseudo-polémique autour de certaines déclarations maladroites de François Ozon, j’étais moi-même dans l’écriture d’un texte traitant d’un sujet similaire. Je ne suis donc pas allée le voir au cinéma pour ne pas être influencée dans mon propre traitement de ce thème, mais il était évident que je devais le voir à un moment ou un autre.

Jeune et jolie raconte quatre saison dans la vie d’Isabelle, une adolescente de 17 ans qui, après avoir fait l’amour pour la première fois au cours de l’été, fait le choix étrange à l’automne de se prostituer…

C’est un film qui, évidemment, pose beaucoup de question, auxquelles il ne répond pas : jamais le spectateur n’aura les clés de la conscience d’Isabelle, et jamais donc il ne saura « pourquoi ». Ce n’est pas par besoin d’argent, puisqu’elle ne dépense pas ce qu’elle gagne et que, issue d’un milieu aisé, elle n’a pas de problèmes de ce côté là ; ce n’est pas, non plus, par plaisir. Alors ? Révolte, goût du risque, simple curiosité, ou bien quelque chose de plus profond, ancré dans son inconscient ? Evidemment, ce film n’a pas été sans me rappeler Belle de Jourplus d’ailleurs le film de Bunuel que le roman de Kessel, attendu que justement le roman propose une analyse fine de la conscience de Séverine, alors que dans le film elle apparaît comme froide et détachée, comme Isabelle. Jusqu’au bout, l’adolescente reste donc une énigme totale, et je trouve que c’est une des grandes qualités du film finalement, ne pas apposer de grille de lecture toute faite sur ce qui, au final, relève de l’intime le plus complet. La jeune actrice, Marine Vacth, est absolument époustouflante : elle est à la fois d’une sensualité extraordinaire, et pourtant parvient à préserver une certaine candeur. Certaines scènes, évidemment, sont assez crues et violentes, et pourtant, paradoxalement, le film reste d’une grande pudeur et d’une grande délicatesse, on n’est pas dans le voyeurisme, et il pose un regard intéressant non seulement sur la prostitution, mais surtout sur l’adolescence : il y a, notamment, une magnifique scène où les élèves récitent et expliquent le magnifique poème de Rimbaud « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans », et qui constitue peut-être la clé de tout (et aurait pu servir de titre au film.

Bref, un très joli film sur un sujet difficile, qui mérite vraiment d’être vu.

L’avis de Géraldine

Jeune et Jolie
François OZON
France, 2013

Belle de jour, Joseph Kessel/Luis Bunuel

belle-de-jour

Elle n’en avait pas de remords ni même de regrets. Elle avait trop senti à chacun de ses pas chancelants une main inhumaine et dans sa chair plongée la traîner d’ornières en ornières chaque fois plus profondes. Cette route brûlante et boueuse elle en eût refait toutes les étapes, si le sort avait permis à sa vie de recommencer un de ses lambeaux.

 

Belle de jour de Joseph Kessel est l’un de mes romans préférés. Pour tout dire, il me fascine littéralement. Il s’ouvre sur une scène traumatique dont on ne comprend la portée que plus tard, et qui nous montre Séverine enfant. On la retrouve quelques années plus tard, jeune épouse de Pierre, un médecin. Elle mène alors une vie oisive et aisée et passe ses journées dans les boutiques en compagnie de son amie Renée. Elle est en apparence heureuse, mais quelque chose vient tout bouleverser et remettre en question : l’annonce qu’une de ses amies se rend dans une « maison de rendez-vous » pour gagner un peu d’argent. Ce qui se passe alors en Séverine est de l’ordre du choc, « l’ennemi encore inconnu qui s’était tapi au plus secret d’elle-même » se réveille, et, afin d’exorciser « l’agitation satanique » dont elle est la proie, elle devient elle-même fille de joie chez Madame Anaïs, sous le joli pseudonyme de « Belle de jour », car elle ne peut travailler que l’après-midi. Bien sûr elle ne fait pas ça pour l’argent, mais par pure perversion : ce que cherche Séverine dans l’acte de se prostituer, c’est à être humiliée, salie, soumise. Et bien évidemment, tout cela va très mal se terminer…

Le talent de Joseph Kessel dans ce roman et d’avoir su plonger au coeur de l’âme torturée de Séverine, et d’avoir su analyser sa conscience avec brio. Il n’y a jamais de jugement. Tout se passe entre l’héroïne et elle-même, et c’est déjà beaucoup. Séverine est très touchante, harcelée par la culpabilité mais en même temps incapable de renoncer à ce qui finalement est la seule chose qui lui apporte une réelle satisfaction dans l’existence.

Quant au film de Luis Bunuel, je l’apprécie énormément. Mais lorsque je l’ai revu mardi soir, c’était la première fois que je le visionnais avec si peu de distance par rapport au roman, et c’est du coup ce qui m’a gênée. Bunuel (enfin, Jean-Claude Carrière, qui a signé le scénario) a pris de nombreuses libertés avec le roman, ce qui est normal, mais j’avoue que je n’arrive pas à toutes les comprendre. Déjà je trouve Séverine très froide dans le film, très distante par rapport à ce qu’elle vit et ce qu’elle fait : on ne sent pas les déchirements de son esprit, on ne ressent pas sa peur d’être découverte et la culpabilité qui la ronge malgré tout. De plus, la scène traumatique, pourtant fondamentale, est un peu expédiée, et je trouve cela dommage car du coup je ne suis pas sûre que sans avoir lu le livre on puisse bien saisir l’enjeu, d’autant que de nombreuses scènes ont été supprimée (et d’autres ajoutées, notamment toutes les scènes de fantasme où Séverine est attachée et malmenée), et Bunuel a beaucoup changé la fin, du coup je trouve que cela infléchit un peu trop le sens à mon goût. Ceci étant, cela reste un film magnifique, à l’esthétique soignée. Et comment passer sous silence les costumes de Séverine, dessinés par Yves Saint-Laurent : le film date de 1967, et je pourrais tout porter : l’imperméable en vinyl, le tailleur rouge. Quant  aux chaussures « Belle de jour » de Roger Vivier, elles sont un de mes fantasmes stylistiques depuis plusieurs années. Les costumes sont un élément essentiel du film car ils établissent une continuité entre les deux Séverine : elle ne se déguise pas pour aller « travailler », elle reste la bourgeoise tirée à quatre épingle qu’elle est fondamentalement et qui veut être humiliée. Et c’est bien ce chic absolu associé à la déchéance qui rend fous les hommes.