Le désir triomphal

Cela fait longtemps que je n’avais pas fait d’Instant Poétique, mais depuis le 13 et jusqu’au 29 mars a lieu le Printemps des poètes, dont le thème est cette année le désir, un thème qui m’enchante évidemment. L’occasion de partager avec vous ce très beau poème d’Anna de Noailles…

Le désir triomphal, en son commencement,
Exige toutes les aisances ;
Il ignore le temps, le sort, l’atermoiement ;
Il exulte, il chante, il s’avance !

On serait stupéfait et transi de savoir,
Aux instants où l’amour débute,
Combien seront soudain précaires l’abreuvoir,
Le dur pain et la pauvre hutte !

Le cœur éclaterait comme d’un son du cor
S’il entrevoyait dans l’espace
Tant de honte acceptée humblement, pour qu’un corps
Ne nous prive pas de sa grâce…

Anna de Noailles, Poèmes de l’amour

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille

Il n’y a pas si longtemps (enfin, quand la vie était normale), je suivais dans la rue un adorable couple de personnes âgées. Ils devaient avoir 80 ans, et se tenaient la main, et c’est toujours quelque chose que je trouve adorablement émouvant. Ils sont entrés chez le chocolatier, où je suis entrée aussi, ils ont acheté quelques gourmandise et quand ils ont donné leur nom, j’ai failli tomber à la renverse : ils s’appelaient monsieur et madame Lamoureux. Alors déjà c’est un nom fabuleux, mais il leur allait à merveille. Je ne sais pas pourquoi j’y repense, là, sans doute l’effet saint-Valentin, et évidemment j’ai pensé à ce si beau poème de Rosemonde Gérard, qui est la plus belle déclaration d’amour du monde.

L’Eternelle chanson

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer,
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant toujours par un baiser.
Combien de fois jadis j’ai pu dire  » Je t’aime  » ?
Alors avec grand soin nous le recompterons.
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d’une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.

Et comme chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,
Qu’importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave – et serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s’entassent,
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d’autres liens.
C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
Car vois-tu chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,
Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur,
Retenir s’il se peut l’impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J’enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors d’une richesse rare
J’aurai gardé tout l’or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s’achève,
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J’aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore aux jours heureux d’antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête
Et tu me parleras d’amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Rosemonde Gérard

Instantané #93 (juste quelque chose de joli)

Alors de joli ou, en tout cas, de poétique : vous avez peut-être vu passer sur les réseaux sociaux ce petit jeu qui consiste à écrire un poème avec des titres de livres qu’on empile. Cela donne des haïkus souvent très beau, émouvants et bien sûr j’ai eu envie de participer aussi. Et bien sûr j’ai fini par aboutir à un poème sur l’amour, puisque définitivement c’est mon sujet.
L’amour c’est…
Comme une respiration…
Créer

Au jour le jour
La meilleure des vies
Ecouter, contempler, s’émerveiller

Et vous, qu’avez vous vu de joli cette semaine ?