Les vies non vécues

La semaine dernière, je suis tombée sur un article parlant du saut quantique, mais dans un sens différent de celui où j’utilise d’habitude cette expression : pour moi, le saut quantique, c’est lorsque des événements prévus arrivent plus vite qu’on ne le pensait. Ici, il s’agit de la possibilité, grâce à la méditation, de « sauter » dans d’autres dimensions, où notre vie serait autre. Et parfaite, idéale, selon ce que disent certains.

Alors bien sûr, le truc est perché, et repose sur la croyance que tout est possible et que nous pouvons devenir ce que nous désirons, il suffit d’ouvrir la bonne porte (on passera sur la possibilité pure et simple d’ouvrir ces portes, ce n’est pas le sujet). Je veux bien croire qu’il soit possible que l’humanité ait pris un tout autre chemin de développement et qu’il existe des réalités totalement différentes de celle que nous connaissons, par contre je vois mal comment il pourrait exister des réalités alternatives où on peut voler. Puisque les réalités alternatives naissent de nos choix. Et je crois aussi qu’ils sont dans la projection et construction d’une vie idéale, et non dans l’exploration de ce qui aurait pu être. Et ce n’est pas la même chose.

Il n’empêche que cet article m’a, une nouvelle fois, plongée dans des abîmes de perplexité métaphysique et existentielle sur ce sujet, qui est un de mes intérêts constants : quelles sont ces vies non vécues mais que j’aurais potentiellement pu vivre ? Qu’est-ce que j’y fais ? Comment je me sens ?

Mais surtout : est-ce que ça serait toujours moi ? Et là, la réponse est probablement non. Puisque si j’avais fait d’autres choix, il y a des expériences que je n’aurais pas vécues, d’autres que j’aurais vécues, et nos expériences façonnent la personne que nous sommes. Peut-être qu’à cet instant, dans ces autres vies, je m’interroge sur le même sujet, à partir d’autres données, parce qu’il y a, tout de même un noyau dur, qui reste. Et je ne crois pas qu’il existe un moi, quelque part, qui n’écrit pas.

Par curiosité, j’irais bien explorer tout ça, toutes ces vies non vécues mais qui auraient pu être. Et vous ?

Les embrouillaminis, de Pierre Raufast : les chemins qui bifurquent

Le concept de vies parallèles me désespère. Si je devais avoir deux vies, j’espère bien qu’elles ne seraient jamais parallèles ! Quel ennui ! Quel manque de fantaisie ! J’aimerais que mes multiples vies se croisent et s’entrecroisent, explorent des recoins différents, s’enchevêtrent et se terminent dans des univers opposés.

Nous nous sommes tous posé une fois la question : qu’est-ce qui se serait passé si j’avais fait tel choix plutôt que tel autre ? Comment serait ma vie ? Complètement différente, ou semblable ? Bien sûr cette question vertigineuse des choix, des chemins qui bifurquent et des réalités alternatives est un sujet de choix pour la littérature, je pense notamment au prodigieux 4, 3, 2, 1 de Paul Auster. Pierre Raufast s’en empare également avec une manière bien à lui dans son dernier roman, qui porte bien son titre.

Nous retrouvons avec plaisir (moi en tout cas tant elle est chère à mon cœur) la vallée de Chantebrie, où nous faisons la connaissance de Lorenzo, le narrateur. Ce qui va lui arriver maintenant ne dépend plus que de vous et de vos choix. A moins que tout ne soit déjà décidé.

Un livre dont on est le héros ? Un peu, mais je vous conseille de faire un plan si vous ne voulez pas être perdu, parce qu’effectivement, des embrouillaminis, il y en a, car ce roman à l’architecture quantique n’est ni plus ni moins qu’une réflexion sur la vie, les détours du destin et les choix. En sont-ils vraiment ? Parfois oui, le destin bifurque, mais pas toujours pour aller très loin. Parfois non, ça ne change rien. Il y a certaines rencontres qu’on doit faire, certaines expériences aussi, quel que soit le chemin pris. Par contre, contrairement à ce qui se passe dans la vie, on a parfois la possibilité de revenir au point de départ, faire d’autres choix, explorer d’autres chemins.

C’est aussi une réflexion sur l’écriture et les histoires, les choix que l’on ne fait pas pour son personnage : que deviennent alors toutes ces histoires ? Ici, l’écrivain né sous le signe de la Balance, et donc incapable de faire des choix, a voulu toutes les écrire…

Et au détour d’une page, quelques surprises… et pour moi, beaucoup de synchronicités dans ce roman !

Roman après roman (et d’ailleurs on note ici et là des clins d’œil aux précédents), Pierre Raufast construit une œuvre dans laquelle il interroge les structures narratives, qui chez lui ne sont jamais simples. Ce prodigieux et vertigineux roman apporte une pierre de plus à cet édifice, et je l’ai adoré !

Les embrouillaminis
Pierre RAUFAST
Aux forges de Vulcain, 2021

Se souvenir du futur, de Romuald Leterrier et Jocelin Morisson : guider son avenir par les synchronicités

Ce livre va parler de « synchronicités », de « rétrocausalité », d’ « archétypes », de « conscience », dans différents contextes — chamanique, psychologique, physique, spirituel — et explorer les voies conduisant à la maîtrise de son existence, dont le pouvoir transformateur est colossal, à la fois pour l’individu et pour la société dans laquelle il évolue. Ces notions peuvent sembler complexes, voire ésotériques pour certaines d’entre elles, aussi rien ne vaut l’illustration par l’exemple afin d’y plonger directement, en sachant que si l’eau peut paraître fraîche au début, il se révèle rapidement qu’en réalité « elle est bonne ». 

Avec un titre pareil, on pourrait croire que nous sommes ici chez Pierre Bayard ou chez Didier van Cauwelaert : ce n’est pas tout à fait le cas, même si l’on retrouve des choses communes. En réalité, nous avons là un ouvrage tout ce qu’il y a de plus scientifique même s’il s’aventure parfois du côté du chamanisme, et qui s’appuie sur la théorie des multivers quantiques (qui n’est pas exactement la même choses que les réalités alternatives, attention) pour parler des synchronicités (sujet dont vous savez combien elles me fascinent) et de la possibilité de s’en servir pour gouverner sa vie.

L’idée de départ est que le futur existe déjà, à l’état potentiel, et qu’il nous attend gentiment en nous envoyant des messages pour nous guider vers lui sans trop nous perdre : un peu comme quand on fait une randonnée, le chemin ne se crée pas au fur et à mesure où on avance, il est déjà là ; sauf qu’il existe plusieurs chemins, un qui est « balisé » est qui est le plus probablement celui que nous allons suivre, mais après tout nous pouvons aussi en suivre un autre (par inattention ou de manière délibérée) qui nous conduira au même endroit, ou ailleurs. Je simplifie un peu mais ça aide à comprendre. La théorie de certains physiciens est en effet que le temps n’est pas linéaire, que notre futur existe déjà et qu’il influence notre présent, mais qu’il n’est pas figé. C’est ce que les auteurs vont nous expliquer, en faisant un détour par le chamanisme, puis en expliquant la double causalité (dans un chapitre très théorique et technique) pour voir comment l’intention peut maîtriser le hasard, qu’est-ce que la conscience rétrocausale, comment naviguer dans l’espace-temps à l’aide de la conscience, comment créer volontairement des synchronicités et pourquoi le faire, quel est le sens de l’évolution des espèces, et quelle utilisation thérapeutique on peut faire de tout ça.

Inutile de vous dire que tout cela m’a totalement passionnée, même si l’ouvrage se révèle parfois assez ardu (pour le dire autrement : il y a certains passages qui m’ont laissée sur le bord du chemin, mais j’ai réussi à me retrouver). Cela oblige bien évidemment à un pas de côté et l’on retrouve beaucoup de « trucs » cauwelaertiens au passage : le chamanisme, la science des rêves, la physique quantique, les plantes, l’épigénétique, et tout ce qui tourne autour de Jung, les archétypes, l’Unus Mundus… et bien sûr, puisque c’est le sujet de l’ouvrage, les synchronicités, avec un très beau double exemple au début où les auteurs, en train de travailler sur le concept et notamment sur l’exemple-type, celui du scarabée, sont tous les deux, au même moment mais à des centaines de kilomètres de distance, visités par un scarabée doré. Ce qui est encore plus rigolo, c’est que moi-même, au moment où je lisais ce livre, alors que je n’en avais jamais vu, j’ai trouvé un scarabée sur mon balcon. Fascinant non ?

Bref, un essai qui m’a passionnée (même si, niveau application pratique, toutes mes tentatives ne sont guère concluantes) et m’a donné plein d’idées sur le plan littéraires. D’ailleurs, j’ai beaucoup pensé à Paul Auster, lui-même fasciné par les synchronicités et les chemins qui bifurquent

Se souvenir du futur
Romuald LETERRIER et Jocelin MORISSON
Guy Trénadiel, 2019

Les rêves dans la maison de la sorcière de Howard Phillips Lovecraft, Mathieu Sapin et Patrick Pion : nuits de cauchemars

Étaient-ce les rêves qui avaient engendré la fièvre ou bien la fièvre qui avait engendré les rêves, je l’ignorais… Je ressentais seulement, tapie dans l’ombre, l’horreur purulente et glacée de la vieille ville et de cette insalubre et maudite mansarde où j’écrivais et étudiais avec acharnement, aux prises avec les chiffres et les formules. J’avais développé une sensibilité auditive presque surnaturelle et le moindre bruit était devenu intolérable. Il m’avait même fallu arrêter la pendule bon marché posée sur la cheminée et son tic-tac infernal… La nuit, les vibrations lointaines de la ville obscurcie, les affreuses cavalcades des rats derrière les cloisons vermoulues et les craquements des invisibles poutres de cette maison séculaire suffisaient à déchaîner dans mes oreilles un tumulte strident.  

Comme je suis toujours un peu bloquée sur la fiction longue (mais je ne désespère pas, ça va bien finir par revenir) je me suis dit que j’allais tenter la bande dessinée, et j’ai jeté mon dévolu sur cet album, pour la simple et bonne raison qu’il parle de sorcière, et que c’est ma lubie actuelle. Même si dans le cas présent il s’agit de la sorcière telle qu’elle est souvent représentée dans l’imaginaire collectif : vieille, laide et dévouée au Mal à l’état pur.

L’histoire est adaptée d’une nouvelle de  Howard Phillips Lovecraft : un étudiant en mathématiques s’est installé dans la chambre de bonne d’une vieille maison peu accueillante, là même où vécut, deux siècles plus tôt la sorcière Keziah Mason, dont la mystérieuse disparition n’a jamais été élucidée. Quelques mois après son installation, il se met à faire d’étranges rêves…

A ne pas lire avant de dormir, sinon on risque de ne pas fermer l’œil de la nuit ou de faire des cauchemars mettant en scène la sorcière : très sombre, très angoissant, cet album, tant sur le plan de l’histoire que des dessins, fiche vraiment la trouille — tout en nous plongeant dans des abîmes de réflexion, où se mélangent mathématiques, physique quantique (j’avoue : je n’ai pas tout compris) et sorcellerie : bien qu’elle soit, comme c’est la tradition, associée au Mal (ce qui m’a un peu agacée, je dois dire), la sorcière est surtout, ici, celle qui dispose d’un savoir dépassant de très loin celui des plus grands scientifiques et qui, grâce à certaines figures géométriques, parvient à voyager entre les mondes, et notamment la fameuse quatrième dimension !

Un très bel album donc sur un thème assez éculé, et qui parvient à mêler sciences et sorcellerie — tout en faisant peur !

Les rêves dans la maison de la sorcière
Mathieu SAPIN (adaptation) et Patrick PION (dessin)
d’après une nouvelle de Howard Phillips LOVECRAFT
Rue de Sèvres, 2016

Synchronicity, de Jacob Gentry

synchronicityEinstein lui-même disait que [les coïncidences] c’est Dieu qui se promène incognito.

Depuis que je me suis abonnée à Netflix, je découvre plein de choses à côté desquelles je serais passée, faute d’en avoir entendu parler. C’est le cas par exemple de ce film, qui correspond pourtant à une de mes obsessions : les voyages dans le temps.

Jim Beale est physicien, et il vient de réussir une expérience au cours de laquelle il a fabriqué un trou de ver, à travers lequel est apparu un dahlia très rare. Dahlia qu’il retrouve peu après dans l’appartement d’une jeune femme elle aussi apparue étrangement après l’expérience, et dont il va bientôt se rendre compte qu’elle lui ment. En outre, depuis l’expérience, Jim souffre de très violents maux de tête.

Très pointu d’un point de vue scientifique (pour autant que je puisse en juger) voire militant car toute sa philosophie repose sur l’opposition entre Tesla, le pur génie désintéressé à qui on a volé toutes ses inventions, et Thomas Edison qui ne voyait dans la science qu’un moyen de gagner de l’argent, ce film repose sur l’une des théories les plus avancées concernant les voyages dans le temps : les trous de ver, sortes de raccourcis à travers l’espace-temps qui permettraient donc, hypothétiquement bien sûr, de circuler. Et j’ai bien écrit espace-temps, car ici le voyage dans le temps s’associe à la question des univers parallèles, je ne vous dis pas comment, mais c’est vertigineux. Et ce qui est surtout appréciable ici, c’est que la question des paradoxes temporels n’est pas jetée par-dessus les moulins mais au contraire intégrée à la narration, avec l’idée que rien ne peut se produire qui ne s’est déjà produit, mais que parfois faute d’une vision d’ensemble on se fait une idée fausse des événement. Un peu comme dans Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, la magie en moins et la physique (quantique) en plus.

Cela donne un film franchement passionnant, bien fait, auquel je ne suis pas certaine d’avoir tout compris (j’ai fait des études de lettres, pas de physique quantique) mais cela n’enlève finalement pas grand chose au plaisir que procure ce thriller !

Synchronicity
Jacob GENTRY
2015

Au-delà de l’impossible, de Didier van Cauwelaert

Au-delà de l'impossiblePerdre nos repères habituels n’est pas forcément un préjudice ; cela peut signifier que notre horizon s’élargit. Mais l’esprit critique doit alors s’adapter aux nouvelles règles du jeu. C’est pourquoi, lorsqu’on me demande si je crois au paranormal, je réponds non. Je constate, j’examine, je réfléchis et je partage ; c’est tout. Face à un phénomène inexpliqué, je pense que la conviction systématique est aussi pernicieuse que le rejet a priori. Mais ce type d’incidents, en soi, ne me dérange pas. C’est peut-être pour cela qu’il m’en arrive.

J’espère que vous ne pensiez pas y échapper : lorsque Didier van Cauwelaert publie un livre, que ce soit un essai ou un roman, je lis, c’est un fait établi, même lorsqu’a priori ce n’est pas trop dans mon champ d’investigation, comme ici, où il est question de physique, domaine qui m’échappe assez complètement depuis à peu près toujours. Mais enfin, armée de ma confiance totale en l’auteur, je m’y suis attelée.

Si la vie après la mort existe, peut-on communiquer avec les disparus ? Et, si oui, que pourraient-ils avoir à nous dire ? Tel est le point de départ de cet essai, dans lequel Cauwelaert nous explique comment, par le biais de deux medium (essentiellement Geneviève Delpech, mais aussi Marie-France Cazeaux), il a été mis en communication avec les esprits de deux des plus grands génies scientifiques du XXe siècle : Albert Einstein et Nikola Tesla. Et ce qu’ils ont à dire, pour peu qu’on les écoute, pourrait bien changer notre perception du monde.

J’ai écrit « pour peu qu’on les écoute » parce que, bien sûr, lire un tel essai demande au départ une certaine ouverture d’esprit, qui n’est pas de la crédulité mais bien l’acceptation que nous ne savons pas encore tout sur le monde et que certaines choses nous dépassent : une croyance critique, si l’on veut, la même que celle dont l’auteur fait preuve face à des événements qui auraient de quoi en bouleverser beaucoup et face auxquels il reste à la fois ouvert et sceptique, mais curieusement assez peu étonné. Partant de là, l’ensemble est évidemment déstabilisant, le canal de transmission des informations étant assez peu commun, mais ce n’est, au final, pas ce qui importe : l’essentiel, c’est bien le voyage à travers l’univers que nous propose l’auteur, au jour le jour et au fil des transmissions des deux savants, très différents et pourtant assez proches ; cela va de la physique quantique aux trous noirs en passant par les ondes gravitationnelles, les univers parallèles et la possibilité d’une énergie libre et gratuite qui pourrait changer la face du monde. A partir des travaux d’Einstein et de Tesla, dont certains sont plus ou moins secret défense, Cauwelaert interroge les avancées de la science, l’ensemble étant étayé par des chercheurs on ne peut plus sérieux — et des coïncidences qui n’en sont bien sûr pas : ainsi, pendant l’écriture de l’essai, des chercheurs ont prouvé l’existence des fameuses ondes gravitationnelles qui jusqu’alors étaient considérées comme une idée farfelue. A quand leur application pratique, à savoir l’énergie libre, gratuite propre et inépuisable, quitte à faire grincer les dents de certains lobbies ?

Bien sûr, malgré le talent de notre auteur pour la vulgarisation scientifique, faite avec humour et légèreté, j’ai parfois été perdue. N’empêche que l’ensemble ouvre de nouvelles perspectives et élargit le champ de notre réflexion (en tout cas la mienne, puisqu’une nouvelle idée de développement pour un de mes projets a « poppé » durant cette lecture). Passionnant donc, même si je regrette de ne pas avoir vu certaines photos, disponibles seulement dans la version numérique !

Au-delà de l’impossible
Didier van CAUWELAERT
Plon, 2016

Quoi qu’il arrive, de Laura Barnett

Quoiqu'il arrivePuis elles se taisent. Devant elles, le triptyque. Des couches de peinture à l’huile sur une toile. Trois couples. Trois vies. Trois versions possibles.

Selon la physique quantique, chaque choix que nous effectuons donne naissance à des réalités alternatives dans lesquelles nous avons agi différemment. Vertigineuse, cette idée est au fondement du genre de l’uchronie, comme par exemple avec Le Maître du haut château de Philip K. Dick. Pour autant, les auteurs ne s’intéressent souvent qu’à une version alternative possible. Laura Barnett, dans son premier roman qui fait partie de la sélection finale du Prix Relay des voyageurs 2016 et s’intitule plus judicieusement en version originale The versions of us, en examine trois.

Eva et Jim ont 19 ans et sont étudiants à Cambridge, elle en littérature et lui en droit, bien que sa véritable vocation soit la peinture. Eva est en couple avec David Katz, promis à un grand avenir comme acteur. Un jour de 1958, alors qu’elle se rend à vélo à un rendez-vous avec un professeur, Eva fait une embardée pour éviter un chien, sous le regard de Jim qui passe par-là. Ce qui se passe ensuite détermine toute leur existence, et cet infime moment donne naissance à trois versions possibles de leur histoire, jusqu’à nos jours, et qui nous sont racontées en parallèle.

Parmi les multiples chemins possibles qui s’offrent à nous, nous ne pouvons en emprunter qu’un, et il est vertigineux de songer à combien chaque événement en apparence totalement anodin peut avoir des conséquences énormes : c’est ce que fait Laura Barnett dans ce roman magistralement construit, qui interroge le hasard et la nécessité. Les trois versions sont suffisamment différentes pour que le lecteur ne se perde pas (ce qui était bel et bien un risque), et en même temps, elles se font écho les unes aux autres, car certains événements nécessaires qui jalonnent la vie de Jim et de Sarah, qu’ils soient ensemble ou non, se produisent quoi qu’il arrive — et c’est en ce sens que la traduction du titre est intéressante, même si elle laisse à penser, ainsi que la quatrième de couverture, que deux personnes destinées l’une à l’autre finissent par se trouver quels que soient les aléas de l’existence. Lara Barnett a l’intelligence de nous offrir quelque chose de plus complexe, et partant plus intéressant, qui lui permet de montrer la vie dans ce qu’elle a de plus riche, et en particulier la vie de couple, qui n’est pas un long fleuve tranquille. L’amour, les déceptions, les trahisons, les deuils émaillent les vies de Jim et Sarah, personnages à l’épaisseur réelle, qui ont ceci en commun qu’ils sont aussi des artistes (elle est écrivain et lui peintre), ce qui ne va pas sans mal et là encore pose le problème de la nécessité. Et puis, ça et là, des réflexions sur les femmes et leur place dans la société qui ne sont pas sans rappeler Virginia Woolf.

Bref : un premier roman d’une très grande qualité, qui nous fait réfléchir à nos choix et à leurs conséquences, parfaitement maîtrisé malgré un choix narratif assez risqué ! A lire absolument !

(Sylire, en revanche, n’a pas été convaincue)

Quoiqu’il arrive
Laura BARNETT
Traduit de l’anglais par Stéphane Rocques
Les Escales, 2016

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