Rêves…

Imaginons qu’un jour j’écrive un best-seller. Imaginons qu’il soit adapté en film à Hollywood. Imaginons que ce film soit sélectionné pour le festival de Cannes et/ou les Oscars.

Ben oui, vous avez trouvé : il me faudrait une robe. L’une de celles-ci par exemples, choisies parmi les collections haute-couture (tant qu’à faire). Comme d’habitude, j’ai craqué sur Elie Saab…

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1, 4 et 5 : Elie Saab
2 : Valentino (pas extrêmement facile à porter…)
3 : Dior
6 : Vionnet

(oui, en ce moment je suis maniaque du rouge…)

Déité symbolique de l’indestructible luxure

Il y a quelques semaines, je faisais l’éloge de la luxure. Mais de fait, c’est un sujet sur lequel je n’ai pas tout dit, et surtout sur lequel je n’ai pas fini de réfléchir (en fait, j’ai un texte qui est en train de se former et qui donnera je l’espère une nouvelle… mais laissons lui le temps). Je ne sais pas si c’est le printemps, la renaissance de la vie, les oiseaux qui gazouillent, mais j’avais envie de partager avec vous une partie de cette réflexion, qui associe un travail déjà ancien sur les rites de la Grande Déesse mère, et donc une certaine dose de mysticisme, un peintre, et un texte.

Le peintre, c’est Gustave Moreau, qui parmi tous les peintres auxquels je voue un culte mon préféré. Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi, mais ses œuvres me fascinent, au point que lorsque je suis allée au musée qui lui est dédié, je n’ai pas failli me résoudre à en sortir, plongée dans des méditations métaphysiques devant certaines peintures. Et parmi son œuvre foisonnante, essentiellement dédiée à la mythologie, j’ai un faible pour ses nombreuses Salomé, mythe biblique dont se sont emparé symbolistes et décadents, qui résume à merveille l’objet de ma réflexion et dont Moreau a su tirer la substantifique moelle, le rendant à la fois effrayant, fascinant, et incommensurablement signifiant. L’érotisme à l’état brut. Et, parmi toutes ces toiles représentant la tentatrice danseuse, ma préférence va à celui-ci :

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Gustave Moreau – Salomé dansant devant Hérode (collection particulière)

Ce tableau, c’est aussi celui qui fascine Des Esseintes, le héros d’À Rebours de Huysmans. Je connaissais le tableau depuis longtemps lorsque je suis tombée sur la célèbre ekphrasis et sur cette expression extraordinaire : Salomé comme « déité symbolique de l’indestructible luxure ». Tout est dit, je n’ai (pour une fois) rien à ajouter, et je vous laisse méditer :

Mais ni saint Mathieu, ni saint Marc, ni saint Luc, ni les autres évangélistes ne s’étendaient sur les charmes délirants, sur les actives dépravations de la danseuse. Elle demeurait effacée, se perdait, mystérieuse et pâmée, dans le brouillard lointain des siècles, insaisissable pour les esprits précis et terre à terre, accessible seulement aux cervelles ébranlées, aiguisées, comme rendues visionnaires par la névrose ; rebelle aux peintres de la chair, à Rubens qui la déguisa en une bouchère des Flandres, incompréhensible pour tous les écrivains qui n’ont jamais pu rendre l’inquiétante exaltation de la danseuse, la grandeur raffinée de l’assassine.

Dans l’œuvre de Gustave Moreau, conçue en dehors de toutes les données du Testament, des Esseintes voyait enfin réalisée cette Salomé, surhumaine et étrange qu’il avait rêvée. Elle n’était plus seulement la baladine qui arrache à un vieillard, par une torsion corrompue de ses reins, un cri de désir et de rut ; qui rompt l’énergie, fond la volonté d’un roi, par des remous de seins, des secousses de ventre, des frissons de cuisse ; elle devenait, en quelque sorte, la déité symbolique de l’indestructible Luxure, la déesse de l’immortelle Hystérie, la Beauté maudite, élue entre toutes par la catalepsie qui lui raidit les chairs et lui durcit les muscles ; la Bête monstrueuse, indifférente, irresponsable, insensible, empoisonnant, de même que l’Hélène antique, tout ce qui l’approche, tout ce qui la voit, tout ce qu’elle touche.

Ainsi comprise, elle appartenait aux théogonies de l’extrême Orient ; elle ne relevait plus des traditions bibliques, ne pouvait même plus être assimilée à la vivante image de Babylone, à la royale Prostituée de l’Apocalypse, accoutrée, comme elle, de joyaux et de pourpre, fardée comme elle ; car celle-là n’était pas jetée par une puissance fatidique, par une force suprême, dans les attirantes abjections de la débauche.

Le peintre semblait d’ailleurs avoir voulu affirmer sa volonté de rester hors des siècles, de ne point préciser d’origine, de pays, d’époque, en mettant sa Salomé au milieu de cet extraordinaire palais, d’un style confus et grandiose, en la vêtant de somptueuses et chimériques.robes, en la mitrant d’un incertain diadème en forme de tour phénicienne tel qu’en porte la Salammbô, en lui plaçant enfin dans la main le sceptre d’Isis, la fleur sacrée de l’Égypte et de l’Inde, le grand lotus.

Des Esseintes cherchait le sens de cet emblème. Avait-il cette signification phallique que lui prêtent les cultes primordiaux de l’Inde ; annonçait-il au vieil Hérode, une oblation de virginité, un échange de sang, une plaie impure sollicitée, offerte sous la condition expresse d’un meurtre ; ou représentait-il l’allégorie de la fécondité, le mythe Hindou de la vie, une existence tenue entre des doigts de femme, arrachée, foulée par des mains palpitantes d’homme qu’une démence envahit, qu’une crise de la chair égare ?

Peut-être aussi qu’en armant son énigmatique déesse du lotus vénéré, le peintre avait songé à la danseuse, à la femme mortelle, au Vase souillé, cause de tous les péchés et de tous les crimes ; peut-être s’était-il souvenu des rites de la vieille Égypte, des cérémonies sépulcrales de l’embaumement, alors que les chimistes et les prêtres étendent le cadavre de la morte sur un banc de jaspe, lui tirent avec des aiguilles courbes la cervelle par les fosses du nez, les entrailles par l’incision pratiquée dans son flanc gauche, puis avant de lui dorer les ongles et les dents, avant de l’enduire de bitumes et d’essences, lui insèrent, dans les parties sexuelles, pour les purifier, les chastes pétales de la divine fleur.

Quoi qu’il en fût, une irrésistible fascination se dégageait de cette toile, mais l’aquarelle intitulée l’Apparition était peut-être plus inquiétante encore.

Gustave Moreau - L'Apparition (Louvre)
Gustave Moreau – L’Apparition (Louvre)

Là, le palais d’Hérode s’élançait, ainsi qu’un Alhambra, sur de légères colonnes irisées de carreaux moresques, scellés comme par un béton d’argent, comme par un ciment d’or ; des arabesques partaient de losanges en lazuli, filaient tout le long des coupoles où, sur des marqueteries de nacre, rampaient des lueurs d’arc-en-ciel, des feux de prisme.

Le meurtre était accompli ; maintenant le bourreau se tenait impassible, les mains sur le pommeau de sa longue épée, tachée de sang.

Le chef décapité du saint s’était élevé du plat posé sur les dalles et il regardait, livide, la bouche décolorée, ouverte, le cou cramoisi, dégouttant de larmes. Une mosaïque cernait la figure d’où s’échappait une auréole s’irradiant en traits de lumière sous les portiques, éclairant l’affreuse ascension de la tête, allumant le globe vitreux des prunelles, attachées, en quelque sorte crispées sur la danseuse.

D’un geste d’épouvante, Salomé repousse la terrifiante vision qui la cloue, immobile, sur les pointes ; ses yeux se dilatent, sa main étreint convulsivement sa gorge.

Elle est presque nue ; dans l’ardeur de la danse, les voiles se sont défaits, les brocarts ont croulé ; elle n’est plus vêtue que de matières orfèvreries et de minéraux lucides ; un gorgerin lui serre de même qu’un corselet la taille, et, ainsi qu’une agrafe superbe, un merveilleux joyau darde des éclairs dans la rainure de ses deux seins ; plus bas, aux hanches, une ceinture l’entoure, cache le haut de ses cuisses que bat une gigantesque pendeloque où coule une rivière d’escarboucles et d’émeraudes ; enfin, sur le corps resté nu, entre le gorgerin et la ceinture, le ventre bombe, creusé d’un nombril dont le trou semble un cachet gravé d’onyx, aux tons laiteux, aux teintes de rose d’ongle.

Sous les traits ardents échappés de la tête du Précurseur, toutes les facettes des joailleries s’embrasent ; les pierres s’animent, dessinent le corps de la femme en traits incandescents ; la piquent au cou, aux jambes, aux bras, de points de feu, vermeils comme des charbons, violets comme des jets de gaz, bleus comme des flammes d’alcool, blancs comme des rayons d’astre.

L’horrible tête flamboie, saignant toujours, mettant des caillots de pourpre sombre, aux pointes de la barbe et des cheveux. Visible pour la Salomé seule, elle n’étreint pas de son morne regard, l’Hérodias qui rêve à ses haines enfin abouties, le Tétrarque, qui, penché un peu en avant, les mains sur les genoux, halète encore, affolé par cette nudité de femme imprégnée de senteurs fauves, roulée dans les baumes, fumée dans les encens et dans les myrrhes.

Éloge de l’avarice (ou pas)

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L’avarice est un état d’esprit qui consiste à ne pas vouloir se séparer de ses biens et richesses. L’avarice est l’un des sept péchés capitaux définis par le catholicisme à partir des interprétations d’écrits du Père de l’Église (saint Augustin) sur la généalogie du péché. Elle peut se traduire par une thésaurisation complète d’argent, sans aucune volonté de le dépenser un jour. À l’extrême limite, l’avare se prive de tout pour ne manquer de rien.

Avare. Radin. Pingre. Harpagon. Picsou.

Bon et bien non, je ne ferai pas l’éloge de l’avarice, car c’est le seul des sept péchés capitaux que je ne pratique pas, bien au contraire. Moi, je suis une consommatrice (pas toujours avisée) et une dépensière, c’est écrit sur ma bannière. Si j’apprécie l’argent, c’est comme moyen, pas comme fin. Peu m’importe d’avoir un compte en banque bien rempli : je ne sais pas de quoi demain sera fait (si ça se trouve d’ailleurs c’est bientôt la fin du monde), alors à quoi bon se priver au cas où. Au cas où quoi d’ailleurs ?

C’est peut-être une vision à court terme. Je le revendique. J’essaie de vivre dans le présent et d’en profiter au maximum. Je ne fais plus de projets, je ne prévois pas. Je vis au jour le jour, et je ne résiste pas à la tentation.

La seule valeur de l’argent, ce n’est pas ce qu’il est mais ce qu’il permet et promet. Ce en quoi il se transforme, presque par magie. Un bon repas de mets savoureux et recherchés. Un beau voyage dans un lieu paradisiaque. Une nouvelle robe qui nous fait nous sentir belle. Un livre pour s’évader. Un cadre de vie agréable. Un cadeau pour ceux qui nous sont chers.

Non, je ne suis certainement pas avare. Je n’accumule pas les heures supplémentaires pour grossir le chiffre qui apparaît sur mon bulletin de salaire, car pour moi le temps est plus précieux, le temps de rêver et de faire ce que j’aime, le temps d’avoir du temps pour moi. Je peux me le permettre : je n’ai pas de famille à nourrir. Je ne compte pas mes sous.

Éloge de l’envie

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En religion l’envie est un désir qui échappe à la raison. Par opposition, le désir raisonné se nomme la volonté. L’envie est désignée comme vice par la tradition chrétienne et fait partie des Sept péchés capitaux définis par Thomas d’Aquin. Dans ce cadre, elle désigne plus particulièrement la convoitise ou émotion éprouvée par celui qui désire intensément posséder le bien d’autrui.

Je n’ai jamais compris pourquoi l’envie était un péché. Remarquez que je ne comprends pas la notion même de péché. Mais bref. Je crois bien que mes cours de catéchisme ont été une vaste perte de temps. Tout ce que je vois dans la condamnation de ce qu’on appelle les péchés capitaux, c’est la tentative d’empêcher l’homme de s’élever, la tentative de le soumettre et de l’humilier, la tentative de lui faire accepter son sort sans se révolter. Or je suis une rebelle, un cas désespéré pour la soumission.

L’envie, c’est un moteur. Parce qu’on a envie de telle ou telle chose, on va tâcher de faire tout pour la posséder. C’est l’envie qui nous fait progresser, qui nous fait nous élever. L’envie, c’est vouloir mieux et plus que ce qu’on a déjà.

L’envie, c’est une révolte. C’est ne pas accepter qu’il nous manque quelque chose d’essentiel que d’autres ont. L’envie, c’est le refus de l’injustice faite aux hommes de ne pas être égaux.

Envie de fraises…

Envie d’une nouvelle paire de chaussures…

Envie de soleil…

Envie de chocolat…

Envie de partir…

Éloge de la colère

 

(la photo n’a strictement rien à voir avec le sujet, mais alors rien de rien…)

En psychologie, la colère est considérée comme une émotion secondaire à une blessure, un manque, une frustration. Elle est affirmation de sa personne et sert au maintien de son intégrité physique et psychique ou alors elle est l’affirmation d’une volonté personnelle plus ou moins altruiste. Une colère saine est sans jugement sur autrui. Parce qu’elle peut faire souffrir celui qui l’exprime, elle peut être considérée comme une passion. Dans la tradition catholique, la colère fait partie des sept péchés capitaux. Chez les bouddhistes, la colère fait partie des trois poisons de l’esprit, avec l’avidité, ou Trishna, et l’ignorance, ou Avidyā. «  Seul Dieu a le droit d’être en colère ». 

Cela tombe bien que ce soit aujourd’hui le tour de la colère d’être réhabilitée, car il se trouve que c’est le sentiment qui m’habite depuis vendredi et qui, à mon avis, n’est pas à la veille de s’éteindre. Il se trouve que vendredi, j’ai appris que je n’étais même pas auditionnée pour le poste que je convoitais, et qui m’aurait permis à la fois d’avoir un travail plus conforme à mes aspirations et à mes compétences, et de quitter Orléans que je ne peux plus supporter. Je suis en colère, furieuse, hors de moi, car tout ce qui était indiqué sur le profil du poste, je le fais déjà, et ne même pas m’auditionner, c’est me refuser ma chance de montrer mes capacités. Et cette chance, je la méritais, et me la refuser est tout simplement une injustice.

Je suis en colère contre cette société immobile et rigide, où on ne donne pas la possibilité de faire leurs preuves aux gens que l’on ne connaît pas. J’avais vraiment envie de découvrir cette ville, j’étais enthousiaste et motivée. Mais la France, malade du népotisme et du piston, n’a que faire de l’enthousiasme. Elle est frileuse, renfermée, sclérosée. Une fois qu’on est quelque part, impossible de bouger. L’université ne veut pas de ceux qu’elle ne connaît pas. Le privé est tellement gangrené de préjugés sur les profs et sur les littéraires que cumuler ces deux tares est une condamnation à vie dans un emploi qui n’a rien d’exaltant, sans possibilité de remises de peine même pour les plus motivés.

Ce poste, quand je l’ai vu, j’ai vraiment pensé qu’il était pour moi tant il correspondait à ce que j’avais envie de faire, vraiment. J’ai presque cru au destin. Presque. Et je suis en colère, parce que c’est toujours la même chose, dès que j’essaie de faire quelque chose pour sortir du cercle infernal, je me prends un mur. Dès que j’essaie de rebondir, je me loupe. Je pense que mon roman, je vais le garder pour moi, parce que là tout de suite, il m’apparaît comme évident que je perdrais du temps et de l’argent à le soumettre à des éditeurs. Autant m’acheter des chaussures, au moins, c’est utile. Et ce n’est même pas que je doute de mon talent, en plus. Par contre, je suis intimement convaincue de l’injustice de la vie. Heureusement que je ne crois pas en Dieu, sinon c’est contre lui que je serais en colère, parce que manifestement, s’il existe, il se fout de moi. People will let you down. And God will too.

En l’occurrence, la colère et l’orgueil sont salvateurs : sans ce sentiment de ce que je vaux vraiment, même si cette valeur est niée, je ne sais pas où je serais. Parce que, lorsqu’on est en colère contre l’injustice, ça veut dire que quelque part, même loin, on croit encore à la justice.

Etre en colère, c’est se révolter. Et il n’y a pas d’artiste qui ne soit révolté.

(merci de m’avoir lue, ça va un peu mieux d’avoir exprimé cette colère. ça m’évitera, en plus, d’avoir un ulcère…)

Intégrisme, laïcité, féminisme et péché d’orgueil (avec un peu de colère)

Je parle assez rarement de l’actualité, mais j’avoue que sur ce coup-là, je ne peux pas m’en empêcher. On le sait, je suis plus que méfiante envers les mouvements féministes, surtout les plus médiatiques, et je trouve personnellement les Femen un peu trop agitées pour être honnêtes. Et ce même si je trouve leur mode d’action plutôt rigolo au fond. Mais la question n’est pas là, aujourd’hui, car quoi qu’il arrive, je soutiendrai envers et contre tout (et tous) quiconque s’opposera aux intégristes religieux de tout poil, qu’ils soient catholiques, musulmans, juifs ou bouddhistes (ceci étant, je ne crois pas que l’intégrisme bouddhiste existe). N’appartenant à aucune religion (j’ai été baptisée mais je ne me sens nullement engagée par un évènement qui s’est produit  lorsque j’avais trois mois), je les mets en gros dans le même panier : des gens qui, en raison de leur croyance en un Dieu qui, que je sache, n’a jamais montré son existence, voudraient imposer à tout le monde leur manière de voir les choses : pas de contraception, pas d’avortement, pas de mariage pour tous et pas le droit de mourir dignement (oui, je suis à peu près certaine, et je l’espère, qu’on reviendra d’ici pas trop longtemps sur le sujet de l’euthanasie et qu’ils nous feront à nouveau un foin des cent diables, donc j’anticipe). Et j’ai envie de répondre : mais bon sang de bon soir, est-ce que je peux faire ce que je veux de MA vie sans que vous y fourriez votre nez, oui ? (si on était dans la vraie vie, le « oui » serait remplacé par un juron peu poli que je vous laisse imaginer. Mais je ne voudrais pas casser mon image de classe et d’élégance auprès de mes lecteurs)

(je précise que je parle ici des intégristes, pas des croyants pacifiques qui ont leur opinion mais fichent la paix aux autres qui ne le sont pas).

Donc, revenons à nos moutons, enfin à nos Femen (et à notre journaliste : je rappelle que Caroline Fourest a elle aussi été violemment frappée par une bande de dégénérés, et ce même si les journalistes en ont très peu parlé, ce que je trouve inadmissible : on pense ce qu’on veut de Caroline Fourest et je l’apprécie moi-même plus que modérément, mais tout de même). Qu’ont-elles fait ? Un peu de provocation. Des slogans « blasphématoires » paraît-il peints sur leurs seins nus. Bref, rien que Voltaire n’aurait pas trouvé rudement bien trouvé (quand je dis un truc comme ça, mes élèves me demandent comment je le sais, et je réponds que j’ai dîné avec lui la veille. Bref). Qu’ont fait les intégristes ? Ils se sont rués sur elles, la bave au lèvres, écumant de rage, non pour les violer, mais pour les frapper. Une femme, cinq hommes qui la tabassent. Au nom d’une religion supposée prôner l’amour du prochain (le Christ a dit de tendre l’autre joue, pas de mettre une droite aux femmes). Bravo, belle démonstration !

Alors déjà, je rappelle que le blasphème n’existe pas dans la législation française (le dernier député à avoir émis l’idée de le rétablir doit encore se cacher en Patagonie pour échapper aux quolibets tellement on s’est moqué de lui), qu’il n’existe pas dans les faits et qu’il n’existera pas tant qu’on n’aura pas prouvé que Dieu existe. Donc pas avant à peu près très longtemps a priori, sauf si la fin du monde est effectivement dans un mois mais c’est peu probable. De manière très logique, on ne peut pas insulter ce qui n’existe pas. Et, d’autre part, si ces gens-là ont le droit de manifester dans la rue leur « amour de Dieu » (le pauvre !), pourquoi n’aurait-on pas le droit également de manifester son athéisme, voire, soyons fous, sa détestation de Dieu (parce que pour plein de raisons on peut ne pas être satisfait de ses services. J’ai personnellement rêvé une nuit qu’il me recevait dans son bureau et que je lui faisais mes récriminations) ? Pourquoi l’un serait considéré comme acceptable et l’autre comme une provocation méritant un passage à tabac en règles ?

Nonobstant, j’ai envie de renvoyer ces gens-là à la lecture des Pères de l’Eglise, et en particulier à ce qui concerne les péchés capitaux, car ici j’en vois deux se manifester de manière ostentatoire : la colère, d’abord, évidemment. Et puis, l’orgueil : mais pour qui se prennent-ils donc pour penser qu’ils ont raison, et surtout qu’ils sont dignes de défendre l’honneur de Dieu ? Si j’étais lui et que donc j’existais, j’en serais fort fâchée, et je leur enverrais un texto (soyons moderne, la foudre c’est surfait !) pour leur signifier que c’est bon, je ne suis pas leur petite soeur et que si je voulais le défendre, mon honneur, je serais bien capable de le faire moi-même.

Alors, que l’on soit bien clair (non parce qu’il paraît que parfois, je ne le suis pas, mais c’est mes élèves qui le disent donc je ne sais pas ce que ça vaut) : que les gens aient une religion, je m’en moque un peu, si ça leur fait plaisir, s’ils y trouvent du réconfort, s’ils en sont fiers, tant mieux pour eux. Par contre, j’estime que la religion des uns ne doit pas empiéter sur la liberté des autres, liberté d’avorter, de se marier ou non (personnellement pour moi, c’est « ou non » mais je conçois qu’on y accorde de l’importance), de mourir dans la dignité (oui, j’y tiens à ce débat). En gros, chacun s’occupe de ses affaires, et les vaches (les brebis ?) seront bien gardées. Ou encore : messieurs (et mesdames, ne soyons pas sexistes, nous), je ne serais pas contrainte à faire de la provocation à 2€ (parce qu’au final, ma vraie position est que dans la mesure où ça ne change rien à ma vie présente, peu me chaut que Dieu existe ou non) si vous n’essayiez pas par tous les moyens d’imposer à tout le monde ce qui n’est que votre religion, à vous.

Alors, vous me direz (et on me l’a dit souvent) qu’attaquer l’intégrisme, et en l’occurrence, le catholicisme intégriste, c’est un peu tirer sur l’ambulance. Malheureusement, les évènements de dimanche ont montré que l’ambulance était loin de la panne sèche…

Edit : vous allez vous marrer, mais voici mon horoscope du jour : « Il y aurait beaucoup à dire sur un sujet qui vous préoccupe. Regardez-y à deux fois avant de prendre position. Vous avez raison de vouloir en parler publiquement mais vous savez aussi que toute vérité n’est pas toujours bonne à dire surtout en de telles circonstances. ». Et là, je me dis que Dieu est un petit coquin qui essaie de me faire comprendre que mon article d’aujourd’hui ne lui plaît pas trop…

Éloge de l’orgueil

L’orgueil, selon le philosophe Théophraste est le mépris de tout, sauf de soi-même. L’orgueil Superbia en latin, est une opinion très avantageuse, le plus souvent exagérée, qu’on a de sa valeur personnelle aux dépens de la considération due à autrui, à la différence de la fierté qui n’a nul besoin de se mesurer à l’autre ni de le rabaisser. Manque ou absence d’humilité. Dans la religion catholique, il désigne un péché capital, celui qui donne le sentiment d’être plus important et plus méritant que les autres, de ne rien devoir à personne, ce qui se traduit par un mépris pour les autres et le reste de la création et un rejet de la révélation et de la miséricorde divines. 

A défaut d’être mon préféré (c’est la luxure), l’orgueil est des sept péchés capitaux celui que je pratique le plus souvent. Quotidiennement et à longueur de journée. Non dans son sens de mépris des autres (enfin, pas toujours), mais au sens où, oui, j’estime toujours mériter mieux. Quant à la question de la « miséricorde divine », qu’elle commence par se manifester, et j’aviserai.

Etre orgueilleux n’est pas être vaniteux. L’orgueilleux est conscient de ses qualités et de ses dons, le vaniteux se glorifie et se pare d’avantages qu’il n’a pas.

Etre orgueilleux, c’est refuser la médiocrité.

Etre orgueilleux, c’est refuser d’être humilié, rabaissé, considéré comme peu de chose. C’est refuser de se contenter de peu.

Etre orgueilleux, c’est vouloir le mieux. C’est tendre à l’idéal. C’est refuser la situation telle qu’elle est pour progresser. Parce qu’on estime qu’on mérite mieux que ce qu’on a, surtout quand on n’a pas grand chose. C’est refuser le défaitisme et le fatalisme. C’est refuser d’accepter que les choses sont comme ça et qu’on n’y peut rien. L’humilité m’a toujours semblé une forme de lâcheté, surtout lorsqu’elle s’accompagne d’une référence à la Providence : « c’est Dieu qui le veut ».

Etre orgueilleux, c’est refuser de se soumettre. Parce que la soumission, c’est pire que la mort.

Etre orgueilleux, c’est oser. C’est oser tenter les choses parce qu’on pense qu’on peut réussir. Et il y a plus de chances de réussir quand on y croit. Etre orgueilleux, c’est déjà, un peu, avoir réussi.

Etre orgueilleux, c’est se révolter. Et la révolte est une vertu.

Il n’y a pas d’artiste qui ne soit orgueilleux…