Déchaîne tes mémoires, de Marie Sélène : explore ton passé pour réenchanter ton présent

Ce livre va t’accompagner à la découverte des mystères de la mémoire et t’amener à explorer de bien étranges sphères à l’intérieur de toi. Tu tiens entre tes mains un réel outil de développement personnel qui va te permettre de t’informer, mais également de transformer ton quotidien si tu le souhaites. Nous avons tous et toutes des mémoires d’un passé qui pèse un peu trop lourd, qui ternit notre présent et nous empêche d’en profiter pleinement. Ces mémoires variées trouvent leurs sources dans différents lieux de la psyché et je te propose de les intégrer plutôt que de les subir. Elles sont à la fois des souvenirs, des apprentissages, des émotions gravées, mais aussi des cicatrices, des blocages, des sentiments profonds et incompris.

J’aime beaucoup Marie Sélène. C’est avec elle que j’ai commencé à m’intéresser pleinement à l’astrologie, et son essai sur le sujet m’a beaucoup aidée dans mon apprentissage. Ce que j’apprécie chez elle, c’est sa poésie et sa douceur, sa manière de s’appuyer sur les mythes pour nous aider à nous comprendre, et quand j’ai vu le sujet de son nouvel ouvrage, j’ai tout de suite su qu’il était pour moi, étant moi-même actuellement en pleine guerre avec des mémoires entravantes.

C’est bien de cela dont il s’agit ici : les mémoires. Pas les jolis souvenirs que l’on chérit, mais ceux qui nous empêchent d’avancer librement. Il s’agit donc d’un outil pour transmuter les mémoires bloquantes : mémoires relationnelles, mémoires traumatiques, mémoires injonctives, mémoires transgénérationnelles, mémoires collectives, mémoires originelles…

Un outil, et non une baguette magique : il ne s’agit pas seulement de le lire. Mais, accompagné de Marie Sélène, et des exercices qu’elle propose, de plonger en soi pour comprendre ce qui s’y passe, et pouvoir se libérer de ses chaînes. De fait, cet essai a fait remonter beaucoup de choses, et permis quelques prises de conscience salutaires, ce qui est un premier pas. De fait, ce livre m’a beaucoup fait penser à Femmes qui courent avec les loups. Ici, avec beaucoup de poésie et de douceur, Marie Sélène revisite certains mythes pour nous montrer le chemin vers nous, et ça fait beaucoup de bien !

Déchaîne tes mémoires. Explore ton passé pour réenchanter ton présent !
Marie Sélène
marabout, 2022

La nostalgie

L’autre jour, je m’interrogeais sur ce qui me rendait nostalgique, et sur ce que c’était, finalement, que la nostalgie, ce parfum venu du passé. En occident, nous avons tendance à l’assimiler à la tristesse, celle des choses révolues, enfuies, que nous ne retrouveront plus. Au Japon, il s’agit au contraire d’un sentiment doux, et heureux : la joie d’avoir vécu ces moments, même s’ils ne sont plus.

Quand je dis « en Occident » et « au Japon », ce n’est pas tout à fait vrai : bien sûr, il y a des tendances dans la manière dont une culture voit le monde. Mais c’est aussi une question d’individu, et, je crois, de moment dans la vie : longtemps, je me suis attachée au passé, certaines odeurs (je suis très olfactive), certains plats. En travaillant sur mon voyage poétique consacré aux cinq sens, je me suis rendu compte d’ailleurs qu’il y était beaucoup de ça : les souvenirs qui surgissent à l’occasion d’un parfum, d’un goût ou d’une musique, heureux ou non, d’ailleurs, mais puisqu’on parle de nostalgie, on va rester sur les souvenirs heureux, ceux qu’on chérit.

Bien sûr, il y a parfois de la tristesse, lorsque les souvenirs sont liés aux gens qui ont disparu et aux amours mortes. Mais le plus souvent, aujourd’hui, ma nostalgie est plus joyeuse : longtemps je me suis attachée au passé parce qu’il était plus doux que le présent, et plus fiable que l’avenir en qui je n’avais pas trop confiance. Aujourd’hui, le présent est plus doux, la plupart du temps, et l’avenir me fait des signes gentils, je crois. Alors la nostalgie est plus heureuse.

Samedi, j’ai reçu le ruban que j’avais commandé pour la machine à écrire que j’ai récupérée cet été, et je me suis donc un peu amusée avec. Ce n’est pas la même que celle avec laquelle je m’amusais enfant (j’en ai d’abord eu une jouet, puis une vraie Olivetti qui pour l’instant demeure introuvable). Mais le bruit des touches me rappelle tout de même ces moments passés à écrire « comme un écrivain » et à me rêver telle. Il y a quelque temps, peut-être que j’aurais eu un pincement au cœur en pensant aux rêves évanouis. Aujourd’hui, le rêve est ressuscité et j’ai souri en pensant qu’heureusement pour les oreilles des voisins d’écrivains, on avait trouvé des outils plus silencieux…

Memories

La semaine dernière, j’étais à la campagne chez mes parents, qui depuis qu’ils sont à la retraite ont entrepris les grand travaux d’Hercule dans leur maison, et ont l’intention de refaire ma chambre. Dans laquelle, depuis que j’ai déménagé, j’ai toujours à peu près autant de trucs que lorsque j’y vivais : il était donc nécessaire que je range, trie et jette. L’angoisse. Il y avait, archivés, dans tous les recoins, au moins une tonne de vieux papiers dont je me suis séparée : tous mes cours de la maternelle à l’agrégation (que l’on a tendance à vouloir garder mais, honnêtement, à quelle occasion cela peut-il bien servir ?), des piles de magazines et notamment de Vogue français et étrangers (également Lire et le Magazine littéraire mais eux je les ai mis dans un carton). J’ai même retrouvé plein de documents pour d’éventuels projets de recherche (j’en ai conservé certains), et le sujet et mon brouillon de l’épreuve de philo du bac (gardé). J’ai dû également vider la bibliothèque, mais sans pincement au cœur parce qu’il est bien entendu que mes précieux retrouveront une place dans la nouvelle chambre (une pièce sans livre est une pièce sans âme, n’est-ce pas… ceci dit, comme mes parents possèdent aussi des tonnes de livres, ils entendaient bien coloniser mon espace, mais pas question !). Quant aux bibelots, je les ai soigneusement empaquetés dans un carton : il n’est pas sûr qu’ils retrouveront une place plus tard, mais évidemment, je ne veux pas m’en séparer.

Bref, ce fut l’occasion de replonger dans mes souvenirs, liés à tel ou tel objet. Amusant comme expérience, je suis pile dans les deux thèmes d’étude de BTS, « Objets cultes, culte des objets » et « Je me souviens… ». J’ai pris des photos, bien sûr, je ne peux pas m’en empêcher.

Presque la possibilité d’écrire une autobiographie des objets.

Mais j’ai aussi hâte du futur et de la nouvelle chambre, même si je n’y suis pas très souvent !

Notre vie antérieure, d’Anne-Sophie Brasme

notre vie antérieureQuand on me demande pourquoi j’écris — question entendue un millier de fois —, je réponds toujours la même chose : je n’ai pas le choix. Sans cela, je me serais fissurée au premier coup.

Laure est écrivain. Ses livres se vendent honorablement, lui permettant de vivre de sa plume, mais ne fait pas partie des grands écrivains dont la postérité retiendra le nom. Ce n’est pas bien grave : à soixante-cinq ans, elle se sent à bout de souffle, et se lance dans l’écriture de ce qu’elle sait être son dernier roman. Le plus important, celui qu’elle porte en elle depuis toujours. Un roman dans lequel elle va enfin raconter ce qui est sans doute à l’origine de tout, et qui la projette quarante-cinq ans en arrière, l’été où elle a connu Aurélien et Bertier…

Avec ce roman, je découvre la plume d’Anne-Sophie Brasme, et j’en suis ravie. Evidemment, me direz-vous, il est question dans ce roman d’écriture, de lecture, de littérature en somme, et c’est évidemment passionnant : le récit fait alterner le journal de Laure, qui est une sorte de carnet d’écrivain dans lequel elle note ses pensées intimes et la progression de son travail, et le récit lui-même, qui nous montre comment naît le besoin d’écrire. Il est aussi question de jeunesse, d’insouciance, de quête du bonheur à travers des moments pleins et riches où l’on est présent au monde et où c’est tout ce qui compte. Il est question d’amour aussi, bien sûr, avec ce qui aurait pu être un simple triangle amoureux mais se révèle beaucoup plus profond que cela. Par contre, il n’est pas question de réincarnation, contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre : c’est, simplement, la question lancinante de la mémoire et du retour du passé, qui semble hanter tellement d’écrivains.

C’est donc un roman que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire, et que je recommande chaudement, même si j’ai deux bémols : d’abord, j’ai trouvé la « ficelle » beaucoup trop grosse, au point que j’avais deviné la clé dès le début, alors même qu’habituellement je me laisse très facilement mener par le bout du nez. Ensuite, je n’ai pas compris l’intérêt du choix chronologique, qui m’a fait croire à un moment qu’il y avait une incohérence (et vous savez combien les incohérences me font facilement tiquer) avant de comprendre que non, mais je m’interroge. Du coup, c’est plus une interrogation qu’un bémol… mais que cela ne vous arrête pas : c’est, malgré tout, un très bon roman !

Lu par Charlotte

Notre vie antérieure
Anne-Sophie BRASME
Fayard, 2014

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By Hérisson

Le théorème du téléphone portable

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C’est une nouvelle dans Combien de fois je t’aimeElle s’intitule « Toute une vie dans un portable ». C’est l’histoire d’un homme qui passe en revue le répertoire de son téléphone, et au final, cela donne un bon aperçu de sa vie et de ses relations.

Cette histoire m’a fait réfléchir. En fait, je crois qu’il y a deux sortes de gens. Ceux qui entrent les numéros dans leur répertoire, et ne les effacent jamais. Et puis, ceux qui de temps en temps font un tri drastique et éliminent les numéros qui ne servent plus. Parfois, simplement pour éviter justement de s’en servir. On connait tous les textos envoyés au coeur d’une nuit éméchée, et dont on a honte le lendemain matin. Effacer le numéro, c’est au moins être sûr qu’on ne s’en servira pas.

Du coup, mon répertoire ne contient pas beaucoup de noms. Quelques personnes seulement, avec qui je garde des liens, plus ou moins étroits, parfois très distendus, mais ça veut dire que la personne compte quand même pour moi. Peu de collègues, je ne sais pas pourquoi. Aucun ex. Certains diront d’ailleurs, les mauvaises langues, que si je gardais le numéro de tous mes ex, ça serait un coup à saturer la mémoire.

Et puis il y a ce numéro que j’ai renoncé à effacer car il revient toujours. Deux fois, par lassitude, par volonté de tourner une page, par assurance qu’il ne servirait plus jamais, j’ai pris tout mon courage pour appuyer sur « effacer ». Deux fois, il est revenu. Alors je ne l’efface plus, ce serait tenter le destin. J’ai appris à le garder là et à ne pas m’en servir malgré la tentation, parfois…

Et vous, vous gardez ou vous effacez ?

Ranger, trier, jeter

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Il s’est produit récemment un événement digne d’être relaté : j’ai été prise d’une soudaine frénésie de rangement et de tri. Je ne veux pas dire que jusqu’ici mon appartement ressemblait à l’antre d’un brocanteur : l’ensemble est plutôt en ordre, en général. Mais il est un lieu, que je pense les psychanalystes et les amateurs de feng shui diraient symboliser mon esprit, où les choses s’empilaient sans ordre ni raison depuis huit ans que je vis dans cet appartement : le placard de la chambre dévolu aux différentes archives papier. Je crois que depuis que je vis ici, je n’avais jamais dû jeter la moindre feuille.

Ma frénésie organisationnelle a d’abord concerné le bureau, l’autre nuit vers 23h, mais ce fut relativement vite fait. Et en regardant ce placard, je me suis dit qu’il était temps de lancer le treizième travail d’Hercule, travail de Sisyphe aussi tant j’ai l’impression que plus je trie et jette, plus il reste à trier et jeter. Les documents se sont sédimentés par couches chronologiques qu’un paléontologue lui-même aurait peine à rationaliser. Il y a là de quoi écrire l’histoire de ma vie durant ces huit dernières années.

Il y avait là environ vingt kilos de manuels et de livres pour le collège, qui sont déjà en partance pour une seconde vie meilleure en Afrique. Des cours aussi, alors que je n’ai pas la plus petite intention d’enseigner un jour à nouveau en collège. J’ai même retrouvé, honte à moi, quelques copies jamais réclamées par leur propriétaire.

Il y avait aussi toute une pile de différentes versions des chapitres de ma thèse. Des projets d’articles universitaires inaboutis. Des projets de recherche sur des sujets divers qui ne verront jamais le jour. Mais j’ai gardé quelques documents, matrices de peut-être des romans. Je me demande pourquoi j’avais gardé tout ça, alors que, pensais-je, j’avais fait le deuil de cette carrière universitaire qui m’a longtemps fait rêver. Mais l’avais-je vraiment fait, ce deuil ?

Il y avait également de quoi ouvrir un centre de documentation sur l’histoire de la mode. Et des piles de magazines.

Certains papiers font resurgir un fantôme. Une signature. Un mot. Une écriture. Un prénom. Des souvenirs. Ils ont été conservés précieusement comme une relique, un talisman. Ils font à nouveau saigner une blessure que je croyais guérie, mais qui ne l’était pas, visiblement, qui ne le sera jamais tout à fait. Là encore, le deuil n’était pas fait. Mais je le savais. Les jeter malgré tout. Même si je sais qu’il reste d’autres traces ailleurs, traces fossilisées d’un amour qui ne veut pas mourir encore…

Et puis, un texte, au milieu de mille autres choses. Un texte dont je ne me souviens pas du tout quand je l’ai écrit, à mon avis il y a au moins quinze ans sinon plus. Un texte qui avait disparu, je ne savais plus où il était. Et bien il était là, perdu au milieu de papiers sans importance. Un texte qui n’est pas franchement bon, que j’ai déjà remanié un peu, mais qui peut devenir quelque chose.

Je me demande ce que je vais trouver encore sur ces étagères.

Mais je suis fière de moi, d’arriver à me séparer, d’arriver à jeter, à faire place nette. Sans nul doute est-ce symbolique : me débarrasser de toutes ces traces écrites du passé, n’est-ce pas le signe que je suis prête à aller de l’avant et me tourner vers le futur ?

Le Palais de mémoire, d’Elise Fontenaille

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Tu n’es plus là, et moi j’erre dans mon palais de mémoire ; autrefois il était somptueux, je ne me lassais pas de l’arpenter? Depuis que tu es parti, toutes les pièces sont dévastées, il sent la mort et la fumée ; mon beau palais a brûlé, je n’y retrouve rien de ce que j’y avais laissé. Parfois, tu le traverses en silence, l’ombre de ton faucon sur l’épaule ; je voudrais te parler, je tends les bras vers toi? mais tu t’en vas sans me voir.

Moi qui ai toujours les yeux jetés sur mes pensées et en particulier le passé, je ne pouvais qu’être attirée par un tel titre, qui nous entraîne dans cet art ancien qu’est l’ars memoriae, et nous explique, à travers une fiction qu’il ne serait pas exagéré d’appeler conte philosophique, comment construire son propre palais de mémoire.

Dans une fumerie d’opium où il est passé de l’autre côté du monde réel, Artus de Leys, un jésuite exilé en Chine au XVIIIème siècle et qui a depuis perdu la foi, s’est définitivement exilé dans ce qui reste de son palais de mémoire, seul lieu où il peut vivre et revivre pleinement son histoire d’amour avec le prince Jade. Que s’est-il passé pour qu’il en arrive là ? C’est ce qu’il va nous raconter, en nous faisant visiter ce palais?

J’ai vraiment été séduite par ce court roman, et j’espère sincèrement qu’il trouvera de nombreux lecteurs, car il le mérite. L’histoire, une histoire d’amour qui finit mal, est empreinte d’une grande tristesse et d’une grande poésie à la fois, et c’est là que l’auteur a particulièrement su me toucher : il s’agit d’un amour pur bien qu’interdit, d’un amour passionné qui exige un don total de soi et qui, prenant un cours tragique, ne peut se vivre que dans les souvenirs. Du coup, le lecteur, peu à peu, apprend lui-même à construire son palais de mémoire, où il pourra placer à sa guise tout ce dont il veut se souvenir. A vrai dire, ce n’est pas si simple que cela à mettre en pratique, mais j’ai trouvé l’idée particulièrement séduisante, d’autant qu’elle est soutenue par une écriture ciselée et maîtrisée, et une très grande culture qui est présente sans se montrer pesante, notamment du point de vue historique : non seulement on découvre l’art de la mémoire, mais aussi la Chine ancienne, ses us et coutumes, les problèmes religieux. Bref, une belle réussite, un roman riche et dense malgré son petit nombre de pages, et une très belle découverte pour moi !

Le Palais de Mémoire

Élise FONTENAILLE

Calmann-lévy, 2011

Ce roman a été lu dans le cadre des Chroniques de la rentrée littéraire. Merci à Abeline et aux éditions Calmann-Lévy.

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Challenge 1% rentrée littéraire 2011 2/7

By Herisson