Arcane 17, d’André Breton : la femme est l’avenir de l’Homme

Cette crise est si aiguë que je n’y découvre pour ma part qu’une solution : le temps serait venu de faire valoir les idées de la femme aux dépens de celle de l’homme, dont la faillite se consomme assez tumultueusement aujourd’hui. C’est à l’artiste, en particulier, qu’il appartient, ne serait-ce qu’en protestation contre ce scandaleux état de choses, de faire prédominer au maximum tout ce qui ressortit au système féminin du monde par opposition au système masculin, de faire fonds exclusivement sur les facultés de la femme, d’exalter, mieux même, de s’approprier jusqu’à le faire jalousement sien tout ce qui la distingue de l’homme sous le rapport des modes d’appréciation et de volition. 

Je ne suis pas une grande adepte de Breton. Je n’aime pas l’homme, qui s’est conduit comme un tyran au sein du mouvement surréaliste, et je n’ai pas beaucoup aimé Nadja. Mais l’autre jour je suis tombée sur la citation qui est sur la photo, et elle a tellement résonné en moi que je me suis dit qu’il fallait absolument que je passe outre mes réticences envers l’auteur et que je découvre le texte dont elle était issue.

Arcane 17 est un texte étrange, à la fois essai et poésie, que Breton a écrit lors d’une phase sombre de sa vie : en exil aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, il vient de se séparer de sa femme et ne voit plus sa fille ; il rencontre Elisa Claro, dont la fille s’est noyée l’année précédente, et en tombe amoureux. De cet amour naît une longue méditation autour de la dix-septième arcane du tarot, dans laquelle voisinent des réflexions sur les mythes, le féminin, l’amour, l’art et l’histoire contemporaine.

Un texte étrange, hermétique et labyrinthique, onirique et mystique, dans lequel la poésie se fait langue sacrée des doctrines ésotériques et occultes. J’ai peiné à y entrer, le début m’a paru un peu plat, sensation que j’ai eue à nouveau par moments. Mais il y a surtout eu des moments d’illumination qui m’ont fait signe sur mes propres sujets de réflexion passés et présents : les flammes jumelles, la beauté, l’amour et la poésie comme plus hautes aspirations humaines aptes à régénérer le monde. Humaniste, le texte aspire en effet à une nouvelle voie pour l’humanité, celle du féminin sacré, d’Isis et de Mélusine, et rejoint en cela la doctrine saint-simonienne et Prosper Enfantin qui déjà au XIXe siècle voulait libérer la femme de son asservissement (c’est tout un chapitre de ma thèse).

Je passe donc sur les pages qui m’ont ennuyée, car il y en a beaucoup plus qui m’ont interpellée et fait réfléchir, et dans l’ensemble c’est un texte magnifique !

Arcane 17
André BRETON
Jean-Jacques Pauvert, 1971

L’Enigme Sacrée, de Michael Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln

12720023985_ebdc701d5c_oComment d’ailleurs admettre que Jésus ait tout connu de l’expérience humaine s’il a ignoré deux de ses aspects essentiels, l’amour physique et la paternité ?

J’avais acheté ce petit ouvrage après ma lecture du Da Vinci Code, dont il constitue une des sources. J’avais en effet été tellement fascinée par le roman de Dan Brown et ses implications que j’ai même eu envie, à un moment, de faire ma thèse non sur le roman lui-même, mais sur certaines de ses idées. Et puis bon, j’ai changé d’avis, le temps a passé, et je n’ai jamais lu L’Enigme Sacrée. Et puis là, cette volonté de creuser certains faits, littérairement parlant cette fois, m’a poussée à le dépoussiérer. Je pense d’ailleurs que les événements actuels et la montée inquiétante du catholicisme intégriste ne sont pas innocents dans la naissance de ce projet iconoclaste. Mais on verra, restons sur l’essai en question.

Il s’agit d’une enquête, extrêmement précise et sérieusement documentée, qui prend sa source dans le mystère de Rennes-le-Château et le trésor de l’abbé Saunière, et remonte le fil de l’histoire jusqu’à Jésus, en passant par les Cathares, les Templiers, les Rose-Croix, les Francs-Maçons, les chevaliers de la table ronde, les rois Mérovingiens et bien sûr le Prieuré de Sion.

Evidemment, tout cela est passionnant. Tout d’abord d’un point de vue historique, puisqu’on aborde des pans de l’histoire qu’on ne voit qu’à l’école primaire, et je ne sais pas vous mais moi, je ne me souviens plus guère de Dagobert II, si tant est qu’on m’en ait parlé un jour. Mais bon, vous me direz, il suffit d’acheter un livre d’histoire. Il y a aussi toute une dimension informative sur l’hermétisme, l’ésotérisme, l’occulte. Mais allons donc plus loin : comme je l’ai dit, l’enquête est extrêmement documentée (et l’avantage avec internet, c’est qu’on trouve facilement les sources en question pour vérifier sans avoir à plonger dans les Enfers de la BNF), et le moins que l’on puisse dire, c’est que certains faits mis au jour sont extrêmement troublants : de manière méthodique et transdisciplinaire (ils font beaucoup appel à la littérature), les auteurs parviennent à mettre le doigt sur les incohérences du catholicisme ; incohérences dont j’étais bien consciente, raison pour laquelle je n’ai jamais adhéré à cette religion : il n’y a pas besoin d’être un grand herméneute pour se rendre compte que les quatre Évangiles dits canoniques sont en contradiction totale sur certains faits, ce qui est pour le moins gênant. Mais ça va mieux en le disant et le montrant clairement, d’autant que ce n’est pas le seul fait qui pose problème, et tout au long de l’histoire le Vatican a eu une attitude souvent troublante.

Bref, l’hypothèse est la suivante : les Évangiles nous mentent, au moins par omission. Le Christ et Marie-Madeleine étaient probablement mariés, et ont eu des enfants, dont les Mérovingiens sont les descendants. (Je vous la fait courte).

Hypothèse qui, personnellement, m’a toujours semblé des plus plausibles, d’autant que j’ai toujours été fascinée par le personnage de Marie-Madeleine.

Mais attention, ce n’est pas un essai à charge contre le christianisme : convaincant sans être dogmatique, l’ouvrage se propose avant tout de mettre le doigts sur les problèmes, poser des questions et émettre des hypothèses, parfois en proposant un déplacement de perspective intéressant (sur le Protocole des sages de Sion par exemple). Après, évidemment, il est difficile de lutter contre l’écueil de la théorie complotiste, et certaines hypothèses ne manquent pas d’être un peu capillotractées. De même, je ne suis pas très convaincue par les perspectives finales : selon moi, quand bien même on arriverait à prouver que le Christ a bien eu des descendants, et à retrouver les dits descendants, cela ne mènerait pas forcément à l’avènement d’une monarchie pan-Européenne comme semblent le penser les auteurs. Disons que ce n’est pas ça qui me transformerait en monarchiste…

En tout cas, c’est un essai qui mérite d’être lu, au moins pour information…

L’Enigme Sacrée
Michael BAIGENT, Richard LEIGH et Henry LINCOLN
Pygmalion/Gérard Watelet, 1983 (J’ai Lu, Aventure secrète, 2005)