Spectaculaire Second Empire, au musée d’Orsay

spectaculaire-second-empire_carousel_hd_desktopLe Second Empire, dans l’imaginaire collectif français, est souvent perçu négativement, associé à une certaine forme de décadence : les fastes et le luxe de la « fête impériale », la défaite de 1870, les textes virulents de notre Totor national et son exil. Pourtant, le régime, qui dure près de 20 ans, a aussi permis de nombreux progrès et a posé les bases de certains aspects de la société actuelle. L’exposition que propose le musée d’Orsay pour ses 30 ans vise donc à renouveler l’approche de cette période et en donner une idée plus nuancée.

On circule alors, de salle en salle et de merveilles en merveilles : des portraits de Winterhalter, Ingres, Gérôme ou encore Carpeaux. Des photographies. Les bijoux de l’impératrice et le somptueux berceau du petit Prince… autant d’éléments qui participent d’un dispositif symbolique visant à affirmer la grandeur du régime. Avec l’Empire, Paris devient la capitale de la fête, du divertissement et du luxe. Les intérieurs sont fastueux (sont exposés de nombreux meubles et des trésors des arts décoratifs : porcelaine de Sèvres, cristal de Baccarat…), le goût pour le théâtre et le spectacle explose (l’opéra Garnier, le Bataclan, les pièces d’Offenbach, Dumas fils, Sardou ou encore Labiche), c’est aussi l’époque du Salon pour les peintres et de l’Exposition Universelle. Émerge également  la société du loisir : les jardins, ou les bains de mer à Biarritz ou Arcachon.

Comment la décadente que je suis aurait pu ne pas être séduite par ce luxe, ce faste, ce goût de l’ornement et de la beauté ? On se promène parmi les portraits les plus grandioses, les objets les plus riches, avec d’autant plus de plaisir que l’exposition, d’une grande richesse et d’une grande diversité, est claire et aérée. Seuls regrets ? Encore une fois qu’on ne puisse pas prendre de photos, et puis j’aurais aimé une salle spécifiquement consacrée aux transformations de Paris : si le Second Empire a marqué de son empreinte notre manière de vivre en faisant émerger la société de consommation et du spectacle (certes réservée à une élite), c’est en se promenant à Paris que les traces sont encore les plus évidentes.

Si vous avez envie de dépoussiérer un peu l’image que vous avez de cette période de notre histoire, pas si négative n’en déplaise à Totor, il vous reste encore quelques jours pour filer à Orsay !

Spectaculaire Second Empire (1852 – 1870)
Musée d’Orsay
Jusqu’au 16 janvier

Bloc Notes

Lecture, mon amour

© Francesca MANTOVANI / READING WILD
© Francesca MANTOVANI / READING WILD

J’imagine que vous connaissez Reading WildSinon, en quelques mots : il s’agit d’un site qui propose des rencontres, des interviews, des reading list, des chroniques, des lectures, et se démarque par la richesse et la variété de son contenu (texte, audio, photo, video…). C’est, aussi, un magnifique compte Instagram, qui propose notamment des photographies de personnalités en train de lire. De cela est né l’idée d’une exposition, « lecture mon amour » : les photos (sublimes) sont de Francesca Mantovani, et les modèles sont, entre autres, Anne Berest, Emma de Caunes, Bernard Lehut, Karine Tuil, Annie Ernaux, Nina Bouraoui ou encore Philippe Sollers… Le résultat, dont j’ai vu quelques exemples, est tout simplement magnifique, une ode à la lecture comme style de vie… C’est à voir à la Maison de la poésie, du 10 au 20 novembre !

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Les jeudis Arty

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Les JEUDIS ARTY reviennent pour une 8ème édition, le jeudi 3 novembre 2016 ! Associant un parcours nocturne dans une trentaine de galeries du Marais à une soirée de performances au Carreau du Temple, les Jeudis Arty proposent une immersion unique dans l’univers de l’art et de la création contemporaine. En fonction de ses envies, le public est amené à choisir sa formule de découverte (parcours libres, visites guidées thématiques, ambassadrices Jeudis Arty…). Artistes exposés, mais aussi galeristes, se prêtent au jeu des questions/réponses dans une ambiance conviviale. Cette nouvelle édition fera de nouveau la part belle à la création émergente ! L’occasion d’une jolie promenade, non ?
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La bibliothèque de Pierre Bergé

Gustave Flaubert. La Tentation de Saint Antoine. Paris, 1874. © Stéphane Briolant
Gustave Flaubert. La Tentation de Saint Antoine. Paris, 1874. © Stéphane Briolant

La deuxième partie de la vente consacrée à la fabuleuse bibliothèque de Pierre Bergé aura lieu les 8 et 9 novembre à Drouot. Elle sera entièrement consacrée à la littérature du XIXe siècle, depuis les préromantiques jusqu’en 1900 – autrement dit : de “l’affaire Sade” à l’affaire Dreyfus. On notera, entre autres, un magnifique ensemble consacré à Flaubert, avec des éditions originales dédicacées (comme celle qu’il a envoyée au « maître des maîtres, c’est-à-dire Victor Hugo), des manuscrits autographes ou encore des livres ayant appartenu à Gustave lui-même. Très remarquable également, une édition originale des Fleurs du Mal. Si vous faites comme moi et que votre banquier n’est pas d’accord pour que vous enchérissiez sur ces merveilles, vous pouvez tout au moins aller les admirer avant la vente, du 4 au 7 novembre à Drouot. *soupir de frustration*

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Spectaculaire Second Empire
Second EmpireEn marge de l’exposition Spectaculaire Second Empire dont nous reparlerons probablement bientôt, le musée d’Orsay  propose une large programmation d’événements. On notera en particulier le festival de cinéma Le Second Empire à l’écran (jusqu’au 29 octobre) avec par exemple Nana de Jean Renoir ou L’Histoire d’Alèle H de Truffaut. Le débat Faut-il réhabiliter de Second Empire ? avec Jean-Noël Jeanneney et Jean Tulard le jeudi 3 novembre à 19h30 et Le colloque « Sans blague aucune, c’était splendide » Regards sur le Second Empire les jeudi 24 et vendredi 25 novembre ! De quoi se cultiver agréablement !
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Les abeilles de Guerlain
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Pour la troisième année la maison Guerlain et le Cherche-midi organisent un concours de nouvelles, « les Abeilles de Guerlain », ouvert à tous les auteurs n’ayant jamais été publiés, sur le thème, cette fois, du toucher. Pour participer, il vous suffit d’envoyer votre texte, qui comprendra 12000 signes maximum, à abeillesdeguerlain@cherche-midi.com avant le 15 décembre. Les nouvelles seront ensuite soumises à un jury présidé par Laurent Boillot, président-directeur général de la Maison Guerlain, et composé entre autres d’Elisabeth Barillé ou Claire Castillon. Les nouvelles retenues seront éditées au Cherche-Midi en 2017, et l’ensemble des droits d’auteurs reversés aux Restos du Coeur pour leur atelier de lutte contre l’illettrisme. A vos plumes !

Bloc Notes

<My name is Bond, James Bond>

James BondUne exposition-événement : à partir du 16 avril la Grande Halle de la Villette accueillera James Bond 007, l’exposition, 50 ans de style Bond, réunissant plus de 500 objets originaux pour une immersion dans l’univers esthétique de l’espion le plus célèbre du monde : Aston Martin, costumes, gadgets, croquis, photos de tournages, du smoking blanc de Roger Moore dans Octopussy à la combinaison spatiale de Moonraker, en passant par le pistolet d’or de Scaramanga dans L’homme au pistolet d’or, la mâchoire d’acier de Requin dans L’espion qui m’aimait, les gadgets de Q comme l’attaché-case de Bond dans Bons baisers de Russie, l’Aston Martin DB5 argent de 1964 dans GoldenEye et des pièces exclusives issues du tournage de Spectre. Une exposition qui s’annonce d’ores et déjà comme un des grands événements culturels du printemps. Oh, James…

<XXVIIIe Salon International du Livre Rare, de l’Autographe, de l’Estampe et du Dessin>

2016_SILABibliophiles, à vos agendas : le Salon International du Livre rare, de l’Autographe, de l’Estampe et du Dessin fête ses 10 années de présence au Grand Palais. Chaque année, plus de 200 libraires et galeristes viennent partager leur passion avec les visiteurs. Ils présenteront leurs plus belles œuvres manuscrites, imprimées ou graphiques, témoignant de la richesse du patrimoine culturel français et international. Le salon se tiendra du 22 au 24 avril !

<La franc-maçonnerie à la BNF>

affiche-bnf-2016-gdSi vous avez un peu peur d’aller visiter le (pourtant excellent) musée de la Franc-maçonnerie au siège du GOF rue Cadet, et que le sujet vous intéresse, c’est la franc-maçonnerie qui vient à vous (ou presque) : la Bibliothèque nationale de France consacre une exposition majeure à la franc-maçonnerie française, en partenariat justement avec le Musée de la franc-maçonnerie. Les origines de la franc-maçonnerie, l’histoire de son implantation en France, ses symboles et rituels, ses contributions dans de multiples domaines et  l’évocation des légendes qui lui sont attachées constituent le parcours de cette exposition dont l’ambition est de faire comprendre, dans un esprit didactique, ce qu’est la franc-maçonnerie. Et ça ne fait pas de mal !

<Le Centre National du Costume de scène fête ses dix ans>

unnamedLieu qui est dans ma liste de visites depuis longtemps (pour le jour où j’aurai l’occasion de passer par Moulins), le CNCS fête ses dix ans et à cette occasion, le 11 avril 2016, La Poste émet un timbre et un souvenir philatélique dessinés par Christian Lacroix, président d’honneur du Centre national du costume de scène, qui avait déjà signé  pour l’institution, le décor de son Café-Brasserie ainsi qu’une très belle exposition en 2012 (Christian Lacroix, La Source et le Ballet de l’Opéra de Paris). Je ne collectionne pas spécialement les timbres, mais celui-ci pourrait bien tout de même arriver chez moi. 

<Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?>


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Vaste question, à laquelle il n’est pas toujours facile de répondre, et c’est pour aider à le faire que Charline a créé son blog où elle partage ses astuces, des idées et suggestions afin qu’organiser ses repas devienne un plaisir pour tous.  En parallèle elle a aussi développé une application web entièrement gratuite qui permet à chaque utilisateur d’avoir son propre carnet de recette en ligne design et très simple d’utilisation. Pratique !

<Je pense donc je ris>

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Une bien belle brochette d’auteures de comédie romantique signent un manifeste pour défendre la comédie romantique à la française : Isabelle Alexis, Tonie Behar, Adèle Bréau, Sophie Henrionnet, Marianne Levy et Marie Vareille ! Je ne sais pas vous, mais moi j’adhère absolument !

<Ensemble contre la Gynophobie>

La gynophobie, c’est la peur des femmes, et c’est souvent elle qui se cache derrière ce qu’on appelle communément la misogynie. Présidée par Lisa Azuelos, l’association « Ensemble contre la gynophobie«  lutte contre toutes les violences faites aux femmes dans le monde entier, et a lancé le 8 mars un concours de court-métrages : les participants ont jusqu’au 30 avril pour proposer un film de moins de 5 minutes traitant de la gynophobie. Chaque contenu proposé doit aborder les violences faites aux femmes pour les dénoncer, les combattre ou tout simplement en parler. Les lauréats du concours seront conviés à Cannes pour une remise des prix pendant le festival en mai. La fondation Kering est partenaire de cette opération et de nombreuses autres enseignes soutiennent cette démarche. Dans le prolongement sortira en mai aux éditions STOCK un livre dont le but sera de définir la gynophobie et qui rassemblera des auteurs et des intellectuels autour des causes que nous défendons. (Jacques Attali, Amma, Delphine Horvilleur, Loubna Abidar, Maître Isabelle Steyer, etc…). Une initiative salutaire !

<La nuit du douanier>

CdGAt6HWEAAoIUJAprès Pionnières de l’image en novembre 2015, La Nuit du Douanier est la deuxième « curieuse nocturne » proposée par le musée d’OrsayLe jeudi 31 mars à partir de 18h30, un parcours surprenant rythmé de concerts et de poésie vous fera pénétrer dans les célèbres jungles du Douanier Rousseau, peintre mis à l’honneur jusqu’au 17 juillet au musée d’Orsay. Dequoi voir les musées autrement !

Splendeurs et misères, images de la prostitution (1850-1910) au musée d’Orsay

Splendeurs et misèresLa prostitution et le vol sont deux protestations vivantes, mâle et femelle, de l’état naturel contre l’état social. (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847).

Encore une fois, Orsay s’encanaille : après les hommes nus et Sade, le musée propose la première exposition jamais consacrée au thème de la prostitution. Et ça fonctionne, car il s’agit de l’une des expositions les plus courues du moment, aussi bien par les Parisiens que par les touristes, qui se disent qu’il n’y a bien que les Français pour faire ça (remarque entendue dans un cabinet noir). Vous vous doutez bien que décadente comme je suis, j’avais mis cette visite tout en haut de ma liste.

Le fait est que la prostitution est omniprésente dans la société entre le Second Empire et la Belle Epoque, et fascine les artistes, écrivains, peintres, mais aussi photographes. Comment alors est représenté l’univers de l’amour tarifé ? C’est la problématique de cette exposition, qui nous invite à un parcours thématique dans cet univers bien particulier. L’exposition commence par l’ambiguïté, celle de la difficulté parfois à distinguer la prostituée de la « femme honnête », l’amour vénal envahissant l’espace public, sur le boulevard, dans les cafés, au théâtre ou à l’opéra : cette ambiguïté nourrit l’imagination des peintres, comme le montrent les danseuses de Degas. Mais bien sûr, qui dit prostitution dit maisons closes, et le visiteur pénètre alors dans un second espace, tendu de rouge, où se donnent à voir les corps nus, les scènes de vie quotidienne de la toilette à l’attente en passant par l’exhibition devant le client, voire des compositions d’amour lesbien — Toulouse-Lautrec, omniprésent, voisine avec Constantin Guys, Degas, ou encore Valotton ; dans un coin, un premier cabinet noir, pour visiteurs avertis, cache derrière un rideau de velours une première série d’images pornographiques, photographies en stéréoscopie ou films. La troisième section aborde l’ordre moral et social, les contrôles et l’encadrement, avant que nous soyons plongés dans l' »aristocratie du vice » avec les demi-mondaines, grandes horizontales et cocottes, Apollonie Sabatier, Valtesse de la Bigne, Cleo de Mérode, Blanche d’Antigny ou la Païva, dont certaines ont inspiré le personnage de Nana à Zola ; des femmes galantes, qui se font exécuter des cartes de visites avec photographies plus ou moins parlantes et se font peindre en majesté ; ces femmes, véritables artistes de la luxure, fascinent artistes comme visiteurs — on croise dans cette section Olympia de Manet, Rolla de Gerveix, une sublime statue de Cleo de Mérode par Falguière mais aussi des meubles, le lit de la Païva avec les draps en désordre ou une étonnante « chaise de volupté ». La section suivante montre comment la figure incontournable de la prostituée permet d’exprimer bien des fantasmes et notamment ceux de la décadence et de la peur de la femme : bouc-émissaire, elle porte toutes les vices de la société, Grande Prostituée de Babylone, Pornokratès de Rops ou Elle de Mossa. Enfin, la dernière partie étudie les liens entre prostitution et modernité — Picasso, Munch, Derain, Kupka, Van Dongen, et un nouveau cabinet noir qui montre comment la photographie et ses progrès permettent d’explorer la sexualité féminine et se démocratisant de devenir un plaisir d’amateur.

Une bien belle exposition, donc, bien menée et instructive, sulfureuse mais pas trop : beaucoup de choses à voir, de la peinture bien sûr mais pas seulement, et une scénographie très intéressante. Mais encore une fois je m’interroge sur la politique d’Orsay vis-à-vis des photos : elles sont enfin autorisées à nouveau dans le musée, mais toujours interdites dans les expositions, alors même que pour les vernissages tout le monde s’en donne à coeur joie. Et encore une fois, je trouve cela frustrant (je n’aime pas mes articles sur les expositions quand je n’ai pas d’illustrations) !

Splendeurs et misères, images de la prostitution (1850-1910)
Jusqu’au 17 janvier 2016
Musée d’Orsay

L’Atelier du peintre de Courbet, au musée d’Orsay

Atelier du peintreAcquis par l’Etat à l’aide d’une souscription publique en 1920, le tableau de Gustave Courbet L’Atelier du peintre (1854-1855) est un chef-d’oeuvre universel et monumental qui fait partie de notre patrimoine culturel, et que l’on ne saurait manquer lorsqu’on se rend au musée d’Orsay. Mais la toile avait grand besoin d’être restaurée, comme un grand nombre d’oeuvre chaque année.

Pour cela, Orsay a fait appel au public pour aider au financement de sa restauration et permettre au plus grand nombre de participer à ce projet, par le biais d’une campagne de mécénat sur Ulule qui a dépassé les espérances : le musée avait besoin de 30000€, il en a reçu plus de 155000 de 1335 personnes !

La restauration a donc commencé, et Orsay a eu la bonne idée qu’elle se fasse en public, afin d’une part de ne pas priver les visiteurs du tableau mais aussi parce que, finalement, le travail de restauration fait partie intégrante des activités d’un musée, et qu’il est évidemment intéressant de le montrer. Du coup, l’atelier de restauration a été installé à l’emplacement habituel du tableau, dans un grand bocal en verre où les spécialistes travaillent sous les yeux du public, qui a en outre accès a des tablettes (en théorie : en pratique je n’ai pas pu les approcher, elles étaient prises d’assaut par des ados) qui, grâce à la réalité augmentée, permettent de mieux comprendre les enjeux de cette peinture. Sont aussi expliquées les étapes et les techniques de la restauration.

Actuellement, la restauration est dans sa seconde phase, celle du revers de l’oeuvre, ce qui fait que le tableau est couché à plat sur des tréteaux à 75 cm du sol, et qu’on ne le voit donc plus. Mais tant pis, je trouve vraiment cette initiative intéressante, et j’espère qu’elle donnera des idées à d’autres !

Leiloona l’a vu aussi !

Sade. Attaquer le soleil, au musée d’Orsay

Sade attaquer le soleil
La férocité est toujours ou le complément ou le moyen de la luxure. (Sade, La Nouvelle Justine)

Le Divin Marquis, pour le bicentenaire de sa mort, est à l’honneur. Michel Onfray, le philosophe iconoclaste, lui consacre un ouvrage dont il a tellement parlé un peu partout que je n’ai même plus envie de le lire (trop de promo tue la promo). Et deux expositions lui sont consacrées : l’une à l’Institut des lettres et des manuscrits, dont nous parlerons la semaine prochaine, et l’autre au musée d’Orsay, dont nous allons parler maintenant.

Sade à Orsay, c’est un peu surprenant, de prime abord : le XVIIIème n’est en effet pas la période à laquelle s’intéresse le musée. Mais il y a, bien sûr, une explication : si l’oeuvre du Marquis a eu un impact retentissant sur la littérature, et notamment sur Baudelaire, Huysmans, Flaubert, Swinburne ou encore Apollinaire, elle a aussi influencé les arts plastiques, et c’est à cette « révolution sensible » au XIXème siècle que s’intéresse l’exposition.

Les oeuvres, mises en regard avec des extraits des textes de Sade et occasionnellement d’autres auteurs, font la part belle à la chair et à violence. Corps nus, martyrisés, sacrifiés, assassinés, dévorés, écorchés, dépecés, suppliciés, disséqués, violés, décapités s’offrent au regard du visiteur et mettent en évidence la violence des hommes, et l’origine sexuelle de cette violence. Des oeuvres de qualité : Delacroix, Goya, Rodin, Füssli, Degas, Beardsley, Cézanne, Man Ray, Redon. Le désir et la violence. Les désir et les excès. Eros et thanatos.

Comme cela semble être la mode, un « cabinet noir » pour visiteur averti propose une exploration des perversions sexuelles.

Bref, une exposition fascinante et d’une grande richesse, mais très complexe car elle veut embrasser tout l’héritage sadien, et l’on finit par se perdre un peu : à mon avis, l’ensemble pèche par excès d’ambition et manque d’un véritable principe organisateur : les sections ont tendance à se recouper et on ne sait pas toujours clairement pourquoi telle oeuvre est à tel endroit et pas à tel autre ; par exemple, j’étais fort surprise de ne pas trouver les Salomé de Gustave Moreau dans la section sur les martyrs et exécutions où l’on trouvait les Judith, et je ne l’ai trouvé que plus tard. De plus, j’ai tout de même eu l’impression que Sade était surtout un prétexte.

Et puis, il y a cette video teaser de David Freymond et Florent Michel, qui a fait le buzz et offusqué les bien pensants (alors que, honnêtement, il n’y a pas de quoi fouetter un chat hein). Elle est interdite aux moins de 18 ans sur Youtube (mais rappelons que Youtube est américain et qu’en Amérique on se scandalise d’un bout de sein de Janet Jackson). En vrai, ce n’est pas du tout pornographique, c’est très suggestif et artistique, enfin c’est très beau. Néanmoins je mets l’avertissement : Avertissement : cette vidéo comporte des images qui peuvent heurter la sensibilité du public, notamment des plus jeunes. 

Sade. Attaquer le soleil.
Musée d’Orsay
Commissariat : Annie Le Brun et Laurence des Cars
Jusqu’au 25 janvier 2015

Van Gogh/Artaud, le suicidé de la société, au musée d’Orsay

entre-peinture-et-folie_1833803_528x397Et il avait raison Van Gogh, on peut vivre pour l’infini, ne se satisfaire que d’infini, il y a assez d’infini sur la terre et dans les sphères pour rassasier mille grands génies, et si Van Gogh n’a pas pu combler son désir d’en irradier sa vie entière, c’est que la société lui a interdit.

Pour être honnête, n’étant pas une inconditionnelle de Van Gogh, je n’avais pas noté cette exposition en rouge (« A voir absolument ») sur mon agenda, mais en rose (« A voir éventuellement ») (oui, je suis une fille organisée). Et ce d’autant plus que l’émission La Grande expo consacrée à l’événement m’avait induite en erreur, proposant une biographie de Van Gogh, et du coup je pensais qu’il s’agissait d’une basique rétrospective. Mais que nenni, et lorsque je m’en suis rendu compte, cette exposition a eu une promotion est est passée en rouge. Non d’ailleurs que je voue particulièrement un culte à Antonin Artaud, mais simplement je trouvais l’angle d’approche original : un artiste dans le regard d’un autre artiste.

Le point de départ et le fil rouge de l’exposition est l’ouvrage d’Artaud qui sert de titre à l’événement : Van Gogh, Le Suicidé de la société. Quelques jours avant l’ouverture de la rétrospective Vincent van Gogh organisée au musée de l’Orangerie à Paris, de janvier à mars 1947, le galeriste Pierre Loeb suggère à Artaud d’écrire un texte sur le peintre, pensant qu’un écrivain qui avait été interné pendant neuf ans dans un asile psychiatrique était le mieux placé pour comprendre l’œuvre d’un artiste considéré comme fou. Artaud n’est pas spécialement enthousiaste, mais la publication dans la presse d’extraits du livre du Dr Beer, Du Démon de Van Gogh, sert de détonateur : Artaud, outré par l’analyse du psychiatre, commence sa rédaction sous le coup de la colère à la fin du mois de janvier 1947, contestant la thèse soutenue par Beer : il s’insurge contre le jugement porté par la société moderne sur la santé mentale de Van Gogh. En voulant l’empêcher d’émettre « d’insupportables vérités », écrit-il, ceux que sa peinture dérangeait le poussèrent au suicide. Prenant le contre-pied de la thèse de l’aliénation, Artaud s’attache donc à démontrer comment la lucidité supérieure de Van Gogh gênait les consciences ordinaires, et il accuse alors la société, le frère du peintre et le docteur Gachet (chez qui Van Gogh a passé les derniers jours de son existence, à Auvers-sur-Oise, et le dernier à lui avoir parlé) d’être responsables de la mort prématurée de l’artiste.

Peut-être Artaud est-il un peu extrémiste dans ses positions, mais son regard sur l’oeuvre de Van Gogh n’en est pas moins inspirant et éclairant. Dans cette exposition, tout se fait écho : les textes d’Artaud, peints sur les murs, et ses dessins (beaucoup d’autoportraits) répondent aux tableaux de Van Gogh que l’écrivain cite dans son livre, ainsi que dessins et lettres du peintre.

Cela reste avant tout une exposition Van Gogh, mais une belle exposition, avec quelque chose de plus qu’une simple rétrospective.

Van Gogh/Artaud, le Suicidé de la société
Commissariat : Isabelle Cahn
Musée d’Orsay
Jusqu’au 6 juillet