Le chapeau de Mitterrand d’Antoine Laurain

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Le chapeau. Lui seul était responsable des derniers évènements qui bouleversaient son existence. Daniel en était persuadé. Depuis qu’il le portait, sa seule présence l’immunisait contre les tourments de la vie quotidienne. Mieux encore, il aiguisait son esprit et le poussait à prendre des décisions capitales. Sans lui, jamais il n’aurait osé parler à Maltard comme il l’avait fait à la réunion. Jamais il ne se serait retrouvé au dix-huitième étage à partager des œufs à la coque avec Desmoine. Il le sentait obscurément, quelque chose du Président était resté dans ce chapeau, sous une forme immatérielle, peut-être de l’ordre de la microparticule, mais cette chose portait en elle le souffle du destin.

C’est un roman que j’avais repéré à sa sortie l’année dernière mais que j’avais alors manqué. Je me suis rattrapée avec la version poche, et l’ai englouti dans le train la semaine dernière (ce qui tombe bien, puisqu’il a reçu le prix Relay des voyageurs 2012) (grâce à l’incompétence de la SNCF, j’ai eu tout le loisir de m’y consacrer).

Le personnage principal de ce roman est donc un chapeau. Mais pas n’importe quel chapeau : celui de Mitterrand. Oublié par son propriétaire, alors Président de la République, dans une brasserie, il est récupéré par Daniel Mercier, qui au lieu de le rendre, décide de le garder. Et, tel un bon génie ou un talisman, le chapeau va chambouler sa vie, dans le bon sens, en lui donnant le courage de s’affirmer face à son supérieur. Mais Daniel oublie à son tour le chapeau, dans un train, où Fanny Marquant le trouve, s’en empare… et c’est comme ça que le chapeau voyage de ville en ville et de tête en tête, poursuivant sa mission.

Quel plaisir que ce petit roman, dont la moindre des qualités n’est pas de fonctionner sur le lecteur comme une madeleine de Proust et ressusciter une époque, les années 80, toile de fond de l’histoire et de mon enfance : Mitterrand, la naissance de Canal + qui a révolutionné le PAF, les débuts de Mylène Farmer, les francs, le minitel, le JT d’Yves Mourousi et Marie-Laure Augry, Apostrophes… et c’est dans ce contexte que s’animent des personnages tous attachants, des tranches de vies, des vies révolutionnées dans le bon sens, qui font de ce roman une sorte de fable résolument optimiste, dont la morale serait qu’il suffit parfois de pas grand chose pour remettre le destin sur les bons rails. Plutôt intrigant, très drôle, ce roman jouit d’une construction narrative impeccable qui insuffle une belle bouffée d’oxygène, même dans un train du vendredi soir bondé et très en retard !

Il a également charmé Noukette, Stephie, Leiloona, Liliba, Géraldine, Véronique, Cécile, Daniel, Ys, Sophielit… que du beau monde !

Le Chapeau de Mitterrand
Antoine LAURAIN
Flammarion, 2012 (J’ai Lu, 2013)