Inépuisables, de Vivian Gornick : notes de relectures

Pour moi, relire un livre que j’estimais important à une période de ma vie, c’est un peu comme s’allonger sur le divan du psychanalyste. Un récit que je connaissais par cœur des années durant est tout à coup remis en perspective avec angoisse ; je me rends compte que j’ai mal interprété tel personnage ou tel détail de l’intrigue. Ils se rencontrent à New-York alors que j’étais persuadée que c’était à Rome ; en 1870, alors que j’aurais parié sur 1900 ; qu’est-ce que la mère a fait au héros, déjà ? Le monde continue à disparaître dès que je me mets à lire, pourtant, je ne peux m’empêcher de me demander comment, ayant mal compris ceci, et cela, ce livre a tout de même réussi à me captiver ?

Je ne sais pas si vous faites partie des gens qui relisent. Moi peu, mais il se trouve que le hasard a fait que j’ai lu cet ouvrage, dans lequel Vivian Gornick se livre à une sorte d’autobiographie à travers les livres et la manière dont on perçoit différemment certaines œuvres en avançant dans la vie, juste après avoir relu La Princesse de Clèves, relecture qui m’en a pas mal appris sur moi.

Vivian Gornick nous reparle ainsi de ses relectures d’Amants et fils de DH Lawrence, de Colette, de L’Amant de Duras, d’Elizabeth Bowen, de quelques écrivains juifs américain, de Natalia Ginzburg, de romans sur la Première Guerre mondiale, de Les Chats en particulier de Doris Lessing et de Jude L’Obscur de Thomas Hardy.

Et c’est passionnant, aussi bien quand on a lu les œuvres en question que lorsqu’on les découvre dans le regard de l’auteure. Véritable déclaration d’amour à la littérature, ce texte difficilement classable d’un point de vue générique (ou alors peut-être en récit de voyage) a comme postulat que la littérature permet de se connaître soi et le monde, de l’interroger. Et c’est ce que fait Gornick, sur le féminisme, l’amour et la sexualité, le désir, l’écriture, ce que c’est que d’être juif… Chemin faisant, elle découvre parfois qu’elle a fait quelques erreurs d’interprétation, plus jeune ; d’autres fois je n’ai pas été pleinement d’accord avec ce qu’elle formulait (sur Colette essentiellement) ; j’ai été frappée par sa formulation sur Duras, « une vie au service du désir ». J’ai beaucoup ri, parce que c’est parfois très drôle, et attachant.

Une très intéressante et originale manière de porter son regard sur le monde, sur la vie, qui donne de nombreuses envies de (re)lecture ! A conseiller sans modération !

Inépuisables
Vivian GORNICK
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laetitia Devaux
Rivages, 2020

Un prénom d’héroïne et de héros, de Sarah Sauquet : dictionnaire des prénoms de la littérature

Or, quoi de mieux que de trouver un prénom en passant par la littérature, réservoir à la fois inépuisable et universel, suffisamment lisible pour être aisément justifié ? D’ailleurs, n’est-ce pas parce qu’elle porte « un nom de princesse d’Orient sans avoir l’air de se considérer dans l’obligation d’avoir du goût », celui de la Bérénice de Racine, que l’Aurélien d’Aragon tombe amoureux de Bérénice Morel ? Soucieuse d’accompagner et d’élever plutôt que d’accabler, il m’est donc apparu évident que mon enfant aurait un prénom littéraire, non pas tant dans l’espoir qu’il lise mais plutôt dans celui qu’il trouve son chemin, comme une héroïne m’avait appris à trouver le mien. 

Après nous avoir aidés à trouver l’amour grâce aux héros et héroïnes de la littérature, Sarah Sauquet se penche sur les prénoms, pas seulement pour aider les futurs parents à trouver un prénom pour leur enfant (même si on peut évidemment envisager cette utilisation), mais aussi pour que chacun puisse voir quels personnages de la littérature portent le même qu’eux. Je me suis d’ailleurs rendu compte, à cette occasion, que si j’aime mon prénom beaucoup beaucoup, je ne m’étais jamais intéressée aux héroïnes qui le portaient, à part la série des Caroline créée par Pierre Probst, dont j’étais fan, mais ce n’est pas le sujet.

244 prénoms, 122 féminins et 122 masculins, sont donc présentés dans ce dictionnaire à double entrée (d’un côté les héroïnes, de l’autre les héros) : d’Adélaïde à Zahra en passant par Alice, Caroline (évidemment), Emma, Juliette, Roxane ou Sophie, d’Abel à Yann en passant par Augustin, Constantin, Félix, Jean-Baptiste, Maximilien ou Raphaël. Chaque prénom est présenté à travers ses caractéristiques, un à quatre personnages le portant, quelques autres personnages à découvrir, et un renvoi vers d’autres héros aux mêmes caractéristiques mais portant un prénom différent.

C’est un voyage très agréable que nous offre Sarah, qui nous permet aussi de nous interroger sur la manière dont un prénom peut constituer une première grille de lecture d’un personnage — ou d’une personne. D’ailleurs, ce dictionnaire m’a plongée dans des abîmes de perplexité concernant les prénoms de certains de mes personnages, il faudra que je creuse.

Alors évidemment Sarah a dû faire des choix cruels, et tous les prénoms ne sont pas représentés ; personnellement, je ne me suis trouvé strictement aucun point commun avec le personnage de Caroline Bingley qui représente mon prénom (plus du coup avec Caroline de Bièvre et Caroline Rockefeller). Mais j’ai passé un excellent moment avec cet ouvrage, j’ai découvert de très beaux prénoms et de très intéressants personnages.

A recommander si vous êtes en quête d’un prénom, ou tout simplement si vous êtes curieux !

Un Prénom d’héroïne ou de héros
Sarah SAUQUET
Le Robert, 2019

Le Carnet rouge/L’art de la faim, de Paul Auster

Le Carnet rouge/L'art de la faim, de Paul AusterIl y eut une période, en particulier vers le milieu des années soixante-dix, où j’ai éprouvé le vif désir de mettre à l’épreuve de la publication mes propres idées sur les écrivains. Lire et admirer l’oeuvre de quelqu’un est une chose, c’en est une autre que d’ordonner sous une forme cohérente ce qu’on pense de cet auteur. Les gens sur qui j’ai écrit — Laura Riding, Edmond Jabès, Louis Wolfson, Knut Hamsun et d’autres — étaient des auteurs qui m’inspiraient le besoin de réagir. Je ne me suis jamais considéré comme un critique, mais simplement comme un écrivain qui s’efforce de parler des autres. Je pense que l’obligation d’écrire en prose en vue d’une publication m’a discipliné et m’a convaincu qu’après tout j’étais capable de le faire. De sorte qu’en un sens, ces petits textes de journalisme littéraire ont constitué un terrain d’entraînement pour les romans. 

Oui, je sais, j’en suis à mon quatrième « Paul Auster de l’année », ce qui commence à faire beaucoup, d’autant que l’année n’en est même pas à sa moitié. Mais voilà, en pleine période de doutes sur plein de choses et notamment sur l’écriture, j’ai éprouvé le besoin de me ressourcer dans les textes de celui que, pour plein de raisons, je considère comme un de mes « maîtres », toutes proportions gardées bien sûr, et notamment dans ses textes critiques. J’ai donc choisi ce recueil, surtout à la base pour Le Carnet rouge, ayant déjà lu L’Art de la faim (le problème : je sais que je l’ai lu, mais je n’ai aucune trace de cette lecture, pas même dans ma bibliothèque, ce qui me laisse pour le moins perplexe, bref).

La première partie de ce recueil est donc Le Carnet rouge, c’est-à-dire « le livre des coïncidences » de Paul Auster, dans lequel il consigne les hasards, synchronicités, coïncidences amusantes ou troublantes dont il a été le témoin ou qu’on lui a racontées. On sait le rôle que ces coïncidences ont dans l’oeuvre austérienne, même si un roman se doit d’être vraisemblable, exigence dont la vie s’affranchit souvent : on en a la preuve dans ce recueil de faits bruts, qui ont parfois de quoi laisser perplexe.

Suit L’Art de la faim, recueil d’essais critiques parus entre 1970 et 1993 (mais pour l’essentiel dans les années 70) dans plusieurs revues et notamment The New York Review of Books, ainsi que sa préface de son anthologie de la poésie française du XXe siècle. Ce n’est pas de la critique littéraire au sens habituel : Paul Auster ne donne pas de bons ni de mauvais points, il laisse voguer son âme sur l’oeuvre des autres, et surtout il pose sur l’oeuvre des autres un regard d’écrivain : il n’écrit que sur des auteurs qui l’intéressent (essentiellement des poètes), et parler de leur oeuvre est l’occasion pour lui de réfléchir à ses propres idées sur l’écriture et la littérature, tout en travaillant l’écriture en prose (il écrivait surtout de la poésie à l’époque). Pour Paul Auster, la chronique littéraire est une propédeutique à l’écriture.

L’ouvrage se clôt sur trois entretiens absolument passionnants : le premier sur la traduction, puisqu’Auster a d’abord été traducteur, et là encore ce travail fut pour lui un exercice d’écriture avant tout : se fondre dans les mots des autres pour trouver sa voix ; les deux autres sont plus axés sur les œuvres fictionnelles, leur genèse, et les thèmes austériens.

Bref : que du bon, du passionnant, du nourrissant, du vivifiant !

Le Carnet Rouge / L’Art de la faim
Paul AUSTER
Traduit de l’américain par Christine Le Boeuf
Actes Sud, 1992-1993 (Babel, 1995)

Quichotte, autoportrait chevaleresque d’Eric Pessan

Quichotte, autoportrait chevaleresque d'Eric PessanCe sont les aventures de l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, et à mon tour j’ai envie de m’y plonger parce que le monde ne me suffit pas. Où que je porte mon regard, le rêve fait défaut. J’entends partout répétés des mots d’ordre pragmatiques, réalistes, cyniques et blasés. Chaque jour, les actualités voûtent ma joie. J’ai envie de faire mon sac, de le sangler sur mes épaules et de partir à la suite de deux fous. Comme eux, le réel m’attriste et m’épuise, et comme eux, je crois au pouvoir de la littérature. C’est si simple, présenté ainsi. 

Quand rien ne va plus dans le réel, qu’il nous déçoit toujours quoi qu’on fasse, la seule consolation, la seule réponse, c’est la littérature. Et c’est justement le sujet de ce roman…

Pessan se met dans les pas de Cervantes et, comme Don Quichotte, puisque le réel est insatisfaisant, le déserte pour le monde de la fiction, se glisse entre les pages des livres, invite ses auteurs préférés à une fête, et fait sortir de leur livre Don Quichotte et Sancho pour les expédier dans notre monde moderne.

Déconcertant de prime abord, voilà un roman vivifiant et qui fait un bien fou. Fou, d’ailleurs, c’est le mot-clé : ce qu’il faut de folie et d’héroïsme dans le monde d’aujourd’hui pour l’accepter comme pour s’y opposer. La littérature, c’est voir le mur rose alors qu’il est gris, mais aussi montrer le rose sous le gris, en tout cas refuser le gris, et si cela est folie, tant pis : le réel est insatisfaisant, la folie est beaucoup plus distrayante : J’ai besoin que l’imaginaire mette la pâté au réel. Alors, Don Quichotte, le héros des causes perdues d’avance mais qui refuse de se résigner parce que chaque acte compte, et que s’il échoue, c’est toujours avec panache. Don Quichotte, redresseur de torts, propulsé dans notre monde moderne, qui s’attaque à ce qui n’y va pas avec sa naïveté attendrissante mais efficace, et dézingue les méchants. Don Quichotte, avatar de l’écrivain, puisque ce roman est aussi une réflexion sur l’écriture et le métier d’écrire. Et ses aventures, qui tiennent du conte philosophique à la Voltaire, sont résolument un régal.

Drôle, jubilatoire, utopique, complètement déjanté, ce roman hommage à la littérature est empreint de joie et de liberté, et nous fait réfléchir sur notre monde et comment le changer. C’est le livre dont j’avais besoin en ce moment !

Quichotte, autoportrait chevaleresque
Eric PESSAN
Fayard, 2018

Le Nouveau Magazine Littéraire

Le Nouveau Magazine LittéraireTrouvons les mots, les idées, les images capables de changer le monde. Nous ne promettons pas de réussir, nous promettons d’essayer. Et nous vous demandons de le faire avec nous. Essayons. Essayons quelque chose de différent, de neuf. Pas seulement sur papier : sur le web, dans les facs, sur les places. Essayons partout, tout le temps. Essayons ensemble. Partons maintenant. 

Après un premier changement de formule en 2015, que j’avais trouvé plutôt réussi mais qui visiblement n’avait pas soulevé l’enthousiasme des lecteurs, le Magazine Littéraire repart de zéro, ou plutôt de un, et change même de nom pour devenir Le Nouveau Magazine Littéraire, sous la direction de Raphaël Glucksmann.

Dès le premier numéro, le magazine montre de grandes ambitions, celles d’un regard littéraire sur le monde, les idées, les idéologies, la société. Rien d’étonnant qu’il soit alors consacré aux nouvelles utopies, sous toutes leurs formes, et que même si on n’est pas forcément convaincu par toutes les propositions, cela fait naître la réflexion. Le magazine contient en outre des articles d’actualité, des réflexions sur les idéologies politiques (notamment un très intéressant article de Najat Vallaud-Belkacem, que pourtant je n’apprécie guère, sur la social-démocratie), un récit inédit (et poignant) de Leïla Slimani, un dossier sur Etienne de La Boétie, et bien sûr des critiques de livres.

Riche, passionnant, bien-pensé, Le Nouveau Magazine Littéraire est plus un magazine d’idées orienté philosophie qu’un véritable magazine littéraire (en cela, il est vraiment très différent de Lire), ce qui n’est aucunement un reproche d’ailleurs, car j’ai pris un vif plaisir à le découvrir, et je l’achèterai sans doute régulièrement, en fonction des thèmes abordés (et du temps dont je disposerai). En tout cas, c’est un magazine qui va faire du bien dans le paysage médiatique, car il pousse à la réflexion !

Le Nouveau Magazine Littéraire
Mensuel n°1, janvier 2018
Sophia publications
En kiosque

La littérature, pour quoi faire ? d’Antoine Compagnon

La littérature, pour quoi faire ? d'Antoine CompagnonPourquoi parler — parler encore — de la « littérature française moderne et contemporaine » en ce début de XXIe siècle ? Quelles valeurs la littérature peut-elle créer et transmettre dans le monde actuel ? Quelle place doit être la sienne dans l’espace public ? Est-elle profitable dans la vie ? Pourquoi défendre sa présence à l’école ? Une réflexion franche sur les usages et le pouvoir de la littérature me semble urgente à mener : « si j’ai confiance en l’avenir de la littérature, avançait Italo Calvino dans ses Leçons américaines. Six propositions pour le prochain millénaire, rédigées peu avant sa mort en 1985, c’est parce qu’il y a des choses, je le sais, que seules la littérature peut offrir par ses moyens propres. » Puis-je reprendre à mon compte ce credo en inaugurant mon cours ? Y a-t-il vraiment encore des choses que seules la littérature puisse nous procurer ? La littérature est-elle indispensable, ou bien est-elle remplaçable ? 

Antoine Compagnon a été, au cours de mes études, un de mes maîtres à penser, notamment avec son fameux Démon de la théorie, sans doute ce que j’ai lu de plus clair et de plus passionnant sur ce curieux objet qu’est la théorie littéraire. Mais, à tort sans doute, je ne lis plus guère d’ouvrages de ce genre, et celui dont je vous parle aujourd’hui est tout de même plus simple.

Il s’agit de la leçon inaugurale prononcée par Antoine Compagnon au Collège de France le 30 novembre 2006, pour prendre possession de la chaire « littérature française moderne et contemporaine : histoire, critique, théorie ».

Après avoir brièvement rappelé son parcours assez curieux, qui l’a mené des sciences aux lettres justement grâce aux leçons au Collège de France de gens comme Jakobson, Foucault, Barthes ou Kristeva, Antoine Compagnon pose la question qui va l’occuper durant sa propre leçon, exercice ô combien académique : pourquoi, et comment parler de la littérature française moderne et contemporaine à notre époque ? Comment, la réponse est assez rapide, et Compagnon montre comment tout au long de l’histoire la pratique des enseignants au Collège de France a oscillé entre philologie et poétique, les deux étant finalement complémentaire. Répondre à la question pourquoi est plus vertigineux. Si Proust affirmait que la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c’est la littérature, la pauvre est aujourd’hui concurrencée par l’audiovisuel et le numérique, et suscite chez certains une large indifférence quand ce n’est pas une véritable haine. Alors, pourquoi ? Et bien parce que la littérature nous en apprend plus sur le monde que tout le reste. Là encore, la réflexion sur les pouvoirs de la littérature est historique : elle plaît et instruit à la fois, elle guérit et libère, elle corrige les défauts du langage en exprimant ce que le langage commun ne peut pas dire car le poète et le romancier nous divulguent ce qui était en nous, mais que nous ignorions parce que les mots manquaient ; elle nous offre une expérience humaine inaccessible autrement.

Que dire de plus ? En quelques pages vivifiantes, Antoine Compagnon saisit ce qui fait que la littérature est indispensable à la vie, car elle la rend plus riche, et lui offre un magnifique hommage, à lire absolument !

La littérature, pour quoi faire ?
Antoine COMPAGNON
Fayard, Pluriel, 2018

Les rameaux noirs de Simon Liberati

Les rameaux noirs (Mnémosyne) de Simon LiberatiLe sentiment qui me vient lorsque je regarde mon enfance n’est pas du regret. Quelque chose de meilleur que du regret. Une perspective qui comprend à la fois le regret et l’objet du regret ; ce n’est pas un manque, une absence, mais un paysage qui s’est éloigné et que je vois toujours. Il est là, hors d’atteinte et présent dans les lointains. Je ne le possède pas, mais il fonde ma vie et donne à chaque autre paysage son relief. 

J’avais été très touchée par l’antépénultième roman de Simon Liberati, Eva.  Mais je n’avais pas voulu lire son avant-dernier, consacré à l’affaire Manson, sujet sur lequel, je l’avoue, je n’ai guère envie de lire quoi que ce soit. Cette année, il revient à une veine plus personnelle, et il était donc évident que ce texte ferait partie de mes premières lectures de rentrée littéraire : le personnage de Liberati, baptisé « le poète » dans Un Roman Français de Beigbeder, m’intrigue et me fascine de plus en plus, donc comment résister à un livre dans lequel il raconte son enfance et son lien à la littérature ?

Difficile de résumer ce texte, tout comme il est difficile de le classer. A la fois livre du père, André, poète surréaliste, réflexion sur la poésie, l’orphisme, l’inspiration, la folie, la mémoire, et autobiographie littéraire où plus que sa vie (même s’il parle d’Eva, nécessairement) Liberati nous raconte les lectures qui l’ont construit et sa naissance à l’écriture, c’est avant tout un sublime hommage à ce qui nous fonde tous : les mots, la littérature.

Une lecture nourrissante et revivifiante, qui comme un journal n’épouse guère d’ordre sinon celui du jaillissement de la mémoire, Mnémosyne. Très érudit et exigeant (voire un chouilla snob par moments), ce texte orphique m’a donné parfois, malgré les différences notables de point de vue, l’impression de lire une âme-soeur : la solitude essentielle, l’impression de ne voir la réalité qu’à travers la littérature, la manière dont des passages souterrains entre les oeuvres se creusent à travers une âme, l’inspiration, la lecture (Lire, c’est aussi se contempler. Quand je lis trop, Eva me reproche de me contempler dans un miroir), le surgissement de l’écriture qui nous traverse. De très belles pages sur l’enfance. En fait, de très belles pages tout court, émaillées de fulgurances sublimes qu’on ne peut que noter pour les retenir. Une oeuvre qui donne envie aussi de se plonger dans certains textes plutôt méconnus, l’auteur ayant somme toute des lectures assez originales.

Un très très beau livre, qui m’a énormément touchée : un coup de coeur, en somme !

Les Rameaux noirs (Mnémosyne)
Simon LIBERATI
Stock, 2017

1% Rentrée littéraire 2017 — 7/12
By Herisson