Il y a cette rubrique, dans le magazine Flow : « les livres de ma vie ». Les gens interrogés y listent les livres qui ont marqué leur vie. Et j’ai fini par me poser moi-même la question : quels sont les livres qui ont marqué ma vie ? Pas seulement celui qui l’a changée, comme François Busnel avait demandé aux Français il y a quelques années, mais plus généralement ceux qui m’ont construite, qui ont fait de moi la personne que je suis aujourd’hui ?
Il y a d’abord cet album d’Ernest et Célestine : Le Noël d’Ernest et Célestine. C’est un des rares albums de mon enfance que j’ai chez moi, parce qu’il a une grande valeur sentimentale, pas tant d’ailleurs pour l’album lui-même et l’histoire (enfin si : il transmet cette idée que ce qui est important dans la vie c’est d’être entouré de ceux qu’on aime, et aujourd’hui j’y vois aussi… un ours) que pour ce qu’il symbolise : c’est ma maîtresse de CP qui me l’avait offert, pour 20 images (10 bons points permettaient d’obtenir 1 images : je crois qu’aujourd’hui ça ne se fait plus, et c’est regrettable). J’étais la première de ma classe à obtenir mon livre.
Je dirais aussi Le journal champêtre d’Edith Holden : allez lire l’article, c’est croquignolet de voir le chemin que j’ai parcouru dans ma manière de voir les choses depuis, et justement : lorsqu’on me l’a offert, je l’avais beaucoup aimé et j’avais passé des heures à regarder les magnifiques aquarelles botaniques, à m’imprégner des poèmes, avant de passer complètement à autre chose, puis d’y revenir, récemment. Et avec le recul, je crois que cet album avait semé en moi des graines, qui ont mis une éternité à germer, mais qui ont fini par sortir de terre.
Bien sûr, Le Petit Prince d’Antoine de saint-Exupéry : si je ne devais en garder qu’un ce serait celui-là, c’est avec ce conte que j’ai compris ce que c’était que la littérature, et aussi ce que c’était que voir le monde avec un regard d’extra-terrestre, même si à l’époque je n’en avais pas pleinement conscience. Lui aussi a semé une graine : celle de raconter des histoires et aussi, avec le recul, celle de mon rêve récurrent de venir d’une autre planète. C’est pour cela que j’en collectionne les exemplaires.
Il y a aussi Belle du seigneur d’Albert Cohen, sur un malentendu : je n’y ai vu que l’aspect magnifié d’un amour qui se refuse à la bassesse du quotidien. Et j’ai trouvé ça beau. Cela a durablement construit ma vision un peu mystique de l’amour.
Comme je n’ai jamais dit qu’il fallait avoir aimé un livre pour qu’il nous marque et nous construise, je vais mettre dans cette liste La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette. Que j’ai cordialement détesté. Qui m’a mise, toutes les fois que je l’ai lu, dans une colère noire. Depuis je me suis (presque) réconciliée avec ce roman parce que j’ai compris d’où ça venait (je vous invite à aller lire l’article si vous ne l’aviez pas fait à l’époque), et justement : même si je ne l’aime pas, je sais que ce roman fait partie de mon histoire et de ma construction en tant que femme.
La suite demain (sinon ça va faire un article trop long), mais vous pouvez déjà commencer à me dire : et vous, quels sont les livres de votre vie ?