Elle avait découvert ce dont elle n’avait jamais eu la moindre idée ni la moindre intuition. Ce qu’on pouvait faire avec un corps — avec deux corps. Les frottant l’un contre l’autre comme des silex, longtemps, patiemment, jusqu’à faire jaillir des étincelles, puis le feu, le feu ravageant tout. Elle n’avait jamais deviné, jamais soupçonné la transformation qui s’opérait lorsque deux corps se touchaient — comment les peaux cessaient d’être peaux, les muscles d’être muscles, comment tout cela semblait se redresser et se mettre à chanter. C’était l’odeur de la pluie sur la route, sur la terre, dans les herbes.
Fin de la pause estivale, et ouverture du bal de la rentrée littéraire, avec le nouveau roman d’une autrice que je suis depuis le début et que je prends toujours un grand plaisir à lire (et dont le premier roman, Buvard, avait été un véritable coup de coeur) : Julia Kerninon.
Elle nous raconte l’histoire de Liv Maria : née des amours étonnantes d’un marin suédois et d’une femme un peu sauvage, elle est élevée en liberté sur une petite île. Elle grandit, tombe amoureuse, voyage, s’exile, retombe amoureuse, revient, vit. Mais une coïncidence fâcheuse l’oblige à construire son existence sur un mensonge…
C’est encore une fois une très belle réussite que ce magnifique roman vibrant, lumineux et sauvage, à l’ambiance un peu étrange, et à l’héroïne absolument bouleversante : Liv Maria, femme sauvage éprise de liberté s’il en est, m’a beaucoup beaucoup touchée. Et comme dans tous les romans de Julia Kerninon, il est bien sûr question des livres, de la langue, de la matérialité des mots, et certains passages, comme celui que j’ai mis en exergue, sont d’une grande poésie.
Bref : un coup de cœur, sur lequel je ne m’étendrai pas trop parce qu’il est un peu difficile d’en parler sans trop en dire sur la fameuse coïncidence fatale. Mais faites-moi confiance : c’est un petit bijou de la rentrée !
Liv Maria
Julia KERNINON
L’Iconoclaste, 2020