Vivre vite, de Philippe Besson

vivre viteJ’ai souvent repensé à ces jours et je me suis longtemps demandé si ceux qui vont mourir ont la prémonition que leur existence sera brève. Et si, du coup, cela conduit à la vivre plus intensément. Je n’ai pas trouvé la réponse.

Dans La Peau de Chagrin, Balzac oppose deux manières de vivre sa vie : celle qui consiste à « économiser » son énergie vitale afin de vivre plus longtemps, et puis celle qui consiste à la dépenser, la gaspiller parfois. Vivre intensément, quitte à ce que l’existence soit brève. James Dean avait choisi : l’excès, la vitesse, la violence. Il est mort jeune, entrant ainsi dans la légende et devenant un mythe.

De ce mythe, Philippe Besson fait un roman étrange et envoûtant, dont l’intérêt est plus dans la narration que dans l’histoire elle-même, dont l’issue tragique est connue de tous.

Un roman choral. Tour à tour, les morts et les vivants prennent la parole pour raconter leur James Dean. Sa mère, son père, sa tante, ses professeurs, ses petites amies, ses amants, Elizabeth Taylor et Nathalie Wood, l’homme qui a percuté la Porsche Spyder… pour un chapitre ou plusieurs, chacun, de sa voix propre, narre les événements tels qu’il les connaît. Parfois, c’est la voix de James Dean lui-même qui s’élève.

C’est un peu étrange de faire, comme cela, parler les morts. Je suis morte le 14 juillet 1940. Ce sont les premiers mots du roman. Ce sont ceux de Mildred Dean, la mère aimante de James. Cela donne tout de suite le ton du roman et du destin tragique de Jimmy. La mort rôde, et encadre le texte.

Le roman, déconcertant de prime abord, est surtout extrêmement émouvant et juste. C’est comme un tableau fait de petits détails, de petits faits, un tableau qui se peint petit à petit, touche par touche, chacun apportant son coup de pinceau aboutissant au final au portrait d’un homme fascinant et complexe, touchant avant tout. Aimable au sens étymologique : tout le monde semble l’aimer et succomber à son charme. Il a la beauté, l’insolence, la désinvolture, mais aussi la terrible fragilité née de drames inguérissables. Il a aussi ce charisme, cette énergie sexuelle qui irradie tout, et cette ambiguïté sur laquelle on a beaucoup glosé. Ce désir qui se portait autant sur les hommes que sur les femmes. Ce mélange de virilité et de féminité du personnage.

Eros. Thanatos. Et la boucle et bouclée.

Ce roman, c’est un bout de légende, un morceau de mythe, à lire absolument !

Vivre Vite
Philippe BESSON
Julliard, 2015