Escapade

Cela fait deux ans que je ne suis pas partie en escapade. En fugue, comme dirait Alice. Pas simplement en vacances, ce n’est pas pareil. Non : un voyage que je prépare, consciencieusement et joyeusement, tout au long de l’année, qui me donne un but, que je chéris. En 2020, forcément, ce n’était pas possible ; en 2021, ça l’aurait été un peu, mais je n’en ressentais pas l’envie parce qu’il y avait trop de contraintes, et quelque chose me disait que ce n’était pas la meilleure des idées. J’avais raison, vu que le mois de juillet a été compliqué, et que je ne veux pas partir pour partir : je veux pouvoir en profiter pleinement.

Et là, l’envie revient. J’arrive à me projeter. Peut-être que ça ne se fera pas parce que mes projets professionnels et personnels auront la priorité. Il n’empêche : je prépare. Pas sur la destination prévue en 2020, Séville, où j’irai un jour c’est certain mais pour l’instant, ce n’est pas ce qui m’appelle. Non, j’ai un peu hésité entre le Portugal et l’Italie, mais on aura compris au vu de mes menus que l’Italie m’appelle. Peut-être aussi parce que c’était mon dernier voyage, Milan, que j’ai fabuleusement aimée. Revenir en Italie, comme fermer une parenthèse, terminer un cycle.

J’ai choisi une autre ville pas trop touristique : Turin. Rome, Florence, Venise attendront que je puisse les visiter dans des périodes plus calmes que l’été.

J’ai ressorti le vieux guide de voyage en Italie qui date de l’année de ma naissance (j’imagine que les monuments historiques sont toujours là). J’ai imprimé une jolie carte que j’ai accrochée dans mon bureau. Je note les adresses et les lieux que je veux voir au fur et à mesure sur Mapstr. Je commence à recenser les romans qui se déroulent à Turin mais je n’en trouve pas beaucoup. Et je rêve.

Et ça fait un bien fou, de préparer ce petit moment de découverte, d’exploration, de déterritorialisation !

Et vous, vous rêvez déjà de votre prochain voyage ?

L’appel de la fugue, d’Alice Cheron : escapades en solitaire

Penser à faire une fugue, c’est donc affronter directement ce rapport à la solitude, c’est vouloir construire une relation positive avec ce sentiment. Soyez persuadée qu’être seule s’apprend et permet de regagner en autonomie et en confiance en soi. Petit à petit, on retrouve une intimité avec soi-même, on vit des moments privilégiés, on se rend compte qu’on n’a pas besoin des autres pour exister et passer un bon moment. J’aime l’idée que la fugue, c’est finalement créer un cadre merveilleux pour choyer cette relation avec soi-même, un peu à la manière d’une belle table que l’on arrangerait pour accueillir ses amis à dîner, ou d’un cadeau que l’on ferait à un proche pour lui faire plaisir.

Dans mes dernières inspirations, je vous parlais d’Alice Cheron, que j’ai découverte récemment mais qui a pris une place de choix parmi mes modèles d’entrepreneuses, et plus encore après la lecture de cet ouvrage, où elle raconte, aussi, comment les choses se sont mises en place, même si ce n’est pas le sujet principal. Alice, donc, est la créatrice de la très jolie plateforme d' »Italian joie de vivre » Ali di firenze, sur laquelle on trouve un blog, une très jolie boutique que je me retiens d’acheter entièrement, des capsules de voyage… et les « fugues italiennes ».

Dans cet essai, Alice développe le concept de la fugue, qui est tout simple : partir quelques jours seule avec soi, dans un lieu nouveau ou connu, pour faire ce qui nous fait plaisir. En somme, ce que je fais tous les ans en juillet, en temps normal. Mais Alice en fait un vrai concept et développe les raisons de vouloir faire une fugue, comment s’y préparer et notamment apprivoiser ses peurs, comment la vivre pendant, et ce qui se passe après, les bénéfices qu’on en tire.

Ce livre m’a beaucoup apporté pour cerner un peu mieux pourquoi cette escapade annuelle est un vrai besoin pour moi (et je commence à piaffer pour la prochaine, parce que là, deux ans sans, je commence à être un ours en cage, donc j’ai mis une carte de Turin (la probable destination) dans mon bureau), alors même que je ne subis pas trop la « charge mentale » de la plupart des femmes de mon âge (je veux dire : au quotidien je fais déjà pas mal ce que je veux comme je veux). Et c’est vraiment très intéressant. Et pour celles qui n’ont pas encore osé ce livre est vraiment une mine de conseils et de réflexions pour aider à avancer. En complément Alice propose un Carnet de fugues que je m’offrirai peut-être le moment venu, pour le moment j’ai pris le Carnet de créativité qui est tout beau !

Alors, fuguons, et mettons de l’aventure dans nos vies !

L’Appel de la fugue
Alice CHERON
Leduc.s, 2020

L’Art de la joie, de Goliarda Sapienza : l’effort solitaire d’être différent

Comment rendre cet après-midi d’été étendue sur le roc, effleurée par les dernières caresses du soleil qui tombe ? Comment redire la joie de cette découverte ? Comment la raconter aux autres ? Comment communiquer le bonheur de chaque acte simple, de chaque pas, de chaque rencontre nouvelle… de visages, de livres, de crépuscules et d’aubes et d’après-midi du dimanche sur les plages ensoleillées ? […] S’arrêter là, dans cette plénitude de joie des sens et de l’esprit, et retenir ainsi pour toujours en moi, en vous, les dix plus belles années de la vie.

Nous repartons en Sicile, avec ce roman dont le titre, si conforme à ma propre éthique de vie, m’attirait beaucoup. Mais bizarrement, cela faisait de longues semaines que je l’avais acheté, sans pour autant me jeter à l’eau, pas seulement à cause de son volume (c’est un cube, et honnêtement il n’est pas facile à manipuler pour cette raison) : quelque chose me retenait, et même pendant le confinement, que je faisais un peu les fonds de bibliothèque et que je ne manquais pas de temps, il ne me tentait pas. Et puis là, l’autre jour, j’ai eu l’impulsion. Enfin.

Née avec le siècle, le 1er janvier 1900, ce qui facilite le calcul de son âge, Modesta a un destin hors-normes : née dans une famille très pauvre et bien vite orpheline, elle est élevée dans un couvent où on prévoit qu’elle prendra le voile, mais elle devient princesse, intellectuelle et femme totalement libre.

Alors, pour tout dire j’ai eu beaucoup de mal avec ce roman, que j’ai trouvé interminable et cru ne jamais finir. Ce qui m’a posé problème, dans les faits, ce n’est pas la longueur en elle-même que les longueurs, et cette impression de lire un premier jet et non un roman abouti et terminé : il y a des pages absolument sublimes, belles à pleurer, sur la liberté, celle de Modesta, âme libre de poète dans un corps libre de femme sauvage qui recherche toujours la joie, le plaisir, les sensations, la dimension charnelle et sensuelle du monde, et ce dans une société patriarcale et misogyne, écrasée par la religion, et ce côté-là m’a émerveillée. Mais il y a aussi des passages plats, qui ressemblent à un brouillon au point que je ne comprenais strictement rien de ce qui se passait, des personnages qui débarquent sans crier gare et des incohérences : à plusieurs reprises, je suis sûre que des personnages réapparaissent alors qu’on nous avait annoncé leur mort. Sans compter que certaines façons d’agir de Modesta m’ont laissée un peu perplexe, et j’ai souvent eu du mal à la comprendre…

Me voilà donc bien ennuyée avec ce monument de la littérature italienne, qui m’a par certains côté rappelé Le Guépard de Lampedusa, dont le propos sur cette éthique de la joie, ce bonheur intérieur construit par soi-même, cette affirmation de la liberté intérieure qui s’affranchit des rigueurs sociales m’ont ravie, mais qui aurait mérité d’être un peu retravaillé.

L’Art de la joie
Goliarda SAPIENZA
Traduction de Nathalie Castagné
Le Tripode, 2016

La Sicile : Petite anthologie d’escapades littéraires

A deux points de vue, cependant, la Sicile devrait attirer les voyageurs, car ses beautés naturelles et ses beautés artistiques sont aussi particulières que remarquables. On sait combien est fertile et mouvementée cette terre, qui fut appelée le grenier de l’Italie, que tous les peuples envahirent et possédèrent l’un après l’autre, tant fut violente leur envie de la posséder, qui fit se battre et mourir tant d’hommes, comme une belle fille ardemment désirée. C’est, autant que l’Espagne, le pays des oranges, le sol fleuri dont l’air, au printemps, n’est qu’un parfum ; et elle allume, chaque soir, au-dessus des mers, le fanal monstrueux de l’Etna, le plus grand volcan d’Europe. Mais ce qui fait d’elle, avant tout, une terre indispensable à voir et unique au monde, c’est qu’elle est, d’un bout à l’autre, un étrange et divin musée d’architecture (Maupassant). 

Puisqu’on ne peut pas trop voyager en vrai, voyageons à travers la littérature. La Sicile est un des endroits que je voudrais voir (en mode itinérant), parce qu’elle a tout pour me plaire, de la sensualité de la nature à sa richesse artistique. Pour l’heure, je me suis contentée d’y faire une petite excursion littéraire, accompagnée de Maupassant, La Platière, Vivant-Denon, Alexandre Dumas et Renan.

Le texte de Maupassant est celui que j’ai préféré, alors que ce n’est pas un auteur que j’affectionne plus que ça d’habitude ; là j’ai découvert un Maupassant lyrique, amoureux de la sensualité du monde, les lumières, les couleurs, les odeurs, le goût du citron, les bruits, les chants, les voix. Tout un monde de poésie (et d’ailleurs il utilise le mot presque à chaque page), très charnel, des descriptions sublimes, et des pages envoûtantes sur une statue de Vénus, un corps de femme qui exprime toute la poésie réelle de la caresse. Ce texte m’a beaucoup rappelé les Noces à Tippasa de Camus !

Le deuxième texte, extrait des Lettres d’Italie de Jean-Marie Roland de La Platière, quoiqu’intéressant, est beaucoup plus factuel et sociologique, et ne m’a guère touchée.

Je connaissais déjà le texte de Vivant-Denon, extrait du Voyage en Sicile que j’avais lu dans son intégralité à une époque ; l’extrait est concentré sur Palerme et s’intéresse surtout aux mondanités et à l’archéologie.

Le texte d’Alexandre Dumas, extrait du Speronare, est très court mais je l’ai beaucoup aimé car il est très original : l’auteur y escalade l’Etna pour assister, du sommet, à un levé de soleil évidemment fabuleux.

Enfin le texte de Renan, Vingt jours en Sicile, est admirable par sa richesse et sa précision : venu pour un congrès qui se transforme un peu en voyage d’étude itinérant, il nous parle d’histoire, de géographie, d’art et nous décrit bien sûr avec moult détails toutes les richesse archéologiques de la Sicile.

Un recueil que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire, même si je pense j’aurais préféré des extraits plus courts, mais d’auteurs plus variés.

La Sicile. Petite anthologie d’escapades littéraires.
Anthologie établie et présentée par Yves Hersant
Robert Laffont, Pavillons Poche, 2020

 

City Guide : Vérone

En plus du lac de Côme, je voulais faire une autre excursion en dehors de Milan, et j’ai quelque temps hésité entre Bergame (Et juste à côté de Milan / Dans une ville qu’on appelle Bergame / Je te ferai construire une villaaaaaa chante Diane Tell) et Vérone (Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beauuuuu). Enfin, j’ai hésité : à la réflexion je pense que c’était pour la forme, car Vérone m’appelait dès le départ : comme une sorte de pèlerinage. L’héroïne de mon premier roman s’appelle Juliette (elle s’appelait à l’origine Alice, mais j’ai dû changer à cause d’une bête coïncidence, et Juliette s’est imposé lors du changement, et je pense d’ailleurs que cela lui va mieux) et ce n’est évidemment pas un hasard, mais j’ai pu me rendre compte à l’occasion de cette escapade véronaise que, si je gardais une certaine tendresse pour les deux amoureux, ma vision des choses a changé, et que je n’éprouve plus cette fascination un peu malsaine pour le mythe des amants tragiques qui était auparavant l’un de mes filtres sur le monde.

Bref, Vérone. C’est une ville magnifique, qui mériterait qu’on y consacre un peu plus de temps que je ne l’ai fait, et qu’on ne se focalise pas uniquement sur Roméo et Juliette. De fait, j’ai adoré arpenter les ruelles en essayant de semer la foule des touristes, à la recherche de jolies maisons, de jolies cours, de places magnifiques comme la piazza delle Erbe au centre de laquelle trône la statue de Dante : c’est une ville idéale, en fait, pour se perdre.

Pour le déjeuner, j’étais au bord du désespoir : je ne trouvais que des terrasses noires de monde qui en outre ne m’inspiraient guère ; et puis, au détour d’une petite rue, je tombe sur un endroit à l’écart du flot touristique, assez aéré, et les plats semblaient engageants, et j’ai eu raison : Marinato Verona (11 Via San Rocchetto) est un petit restaurant spécialisé dans le poisson, mais où j’ai pris une pizza succulente aux bons produits locaux : tomates bio, Mozzarella di campana Buffala DOP et Nduja DOP.

Evidemment, il est difficile de passer à Vérone et de faire l’impasse sur la Casa di Giulietta. C’était un peu moins noir de monde que je ne le craignais (apparemment j’ai eu de la chance), j’ai pu facilement pénétrer dans la petite cour tout en continuant à respirer, prendre en photo la statue entre deux touristes qui posaient avec leur main sur son sein (drôle de coutume, mais il paraît que ça porte chance) et même le balcon (qui n’est absolument pas d’époque) sans personne dessus. Après je n’ai pas visité l’intérieur : il y avait trop de monde quand même, et je n’aurais pas pu en profiter (et puis, encore une fois : ce n’est que du folklore). En fait, ce qui m’intéressais, c’était les messages d’amour : sur les deux côtés de l’entrée se trouvent des panneaux où les gens déposent des déclarations et des vœux d’amour, et j’ai trouvé cela très émouvant (et plus authentique que le reste du romeoetjulietteland). J’en ai laissé un. A noter juste en face de la maison un joli magasin de souvenirs de qualité, Giulietta Verona. Ne pas hésiter non plus à aller jusqu’à la « maison de Roméo », qui n’est pas un parc d’attraction, mais c’est joli !

Les arènes sont très belles, mais le fait le plus notable est qu’y est organisé tous les étés un festival d’opéra qui a l’air absolument fabuleux.

Alors malheureusement je manquais un peu de temps (j’ai eu un souci de bus le matin en arrivant qui m’a fait perdre près d’une heure) et il faisait une chaleur écrasante donc je n’ai pas fait tout ce que je voulais, notamment le Castel San Pietro de l’autre côté du pont et d’où on a une magnifique vue de la ville : une prochaine fois ! Je n’ai néanmoins pas résisté à acheter une jolie édition bilingue anglais/italien de la pièce de Shakespeare ainsi qu’un livre d’Andrea Camilleri mort la veille !

(pardon)

En mots et en images : juillet 2019

Les mots…

Arpenter la vieille ville. Faire la touriste dans cette ville qui n’a jamais été la mienne et que je sens s’éloigner encore // Essayer de retrouver la joie et la légèreté malgré l’Univers qui semble vouloir me pousser à bout // Peindre puisque je n’arrive pas à écrire // Jupe qui tourne et petits hauts en soie // Madame tu es belle avec ta robe blanche // La langueur // Tristesse // Les épreuves de la vie. Mais la vie quand même… // Besoin d’évasion et de calme // Départ pour Milan // La dolce vita. Profiter // Des tomates à profusion. Rester gustativement en Italie // Chercher ma place, parce qu’il est certain qu’elle n’est pas là // Abîmes de perplexité existentielle // Fuir, là-bas fuir // Là, (où) tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté // Mon Cap-Ferret…

Les images…

City guide : lac de Côme

Il est très dommage d’aller à Milan et de de pas en profiter pour faire une petite excursion au lac de Côme : situé à 45km de la ville, on le rejoint très facilement en train. C’était une journée que je voulais contemplative et reposante, donc j’ai choisi de me poser à Côme même et de ne pas crapahuter partout, mais les possibilités sont multiples.

Le truc le plus important à faire, évidemment, est de se promener sur le bord du lac, voire de s’asseoir un moment (pour écrire) : toutes ces nuances de vert et de bleu, le paysage contrasté entre eau et montagnes, c’est follement apaisant.

Pour le déjeuner, je n’ai pas résisté à l’appel des terrasses au bord du lac. Il y en a plein, a priori plutôt convenables dans l’ensemble : je me méfie toujours un peu des restaurants « à vue » car parfois ils n’ont que ça, mais ça ne semble pas le cas ici (et puis après tout, tant pis : la vue est trop belle) ; pour ma part j’ai choisi l’Antica riva où j’ai pris des linguine au homard (c’était en plein homardgate). C’était très bon, mais il m’est arrivé une aventure un peu fâcheuse : j’étais en train de manger quand un mini-cuicui (mais vraiment, il était tout petit) s’est perché sur ma table, m’a fait du charme en s’approchant niviniconnujetembrouille, et a un moment il a plongé dans mon assiette pour me piquer un linguini. Alors le voir s’envoler en transportant tant bien que mal le machin qui pendait était assez rigolo, mais dans l’histoire il a fait voler de la sauce tomate partout, et a fait une tâche sur un petit haut blanc en soie Sézane que j’étrennais ce jour là (pas de panique : j’ai réussi à le détacher).

Prendre le funiculaire jusqu’à Brunate : il y en a un tous les 1/4 d’heures, c’est blindé de monde, mais ça vaut le coup de souffrir : la vue est absolument fabuleuse de là haut. Même s’il y a du monde, on arrive à s’isoler et on se sent comme un voyageur contemplant une mer de nuages. On peut aussi y manger ou y boire un verre.

Et puis, tout de même, faire un petit tour dans la ville (je suis restée côté lac mais on peut descendre plus loin, il y a notamment une très jolie cathédrale).

Une bien jolie petite escapade !