A la lumière de Renoir, de Michèle Dassas : peindre la vie

Jeanne est consciente des sacrifices que sous-entend la voie étroite qu’elle s’est choisie, et des déconvenues, d’inévitables échecs à venir. C’est le prix à payer quand on aspire à l’excellence, ce but inaccessible qu’elle vise comme un mirage dans le désert.

Je suis tombée sur ce roman l’autre jour lors de ma visite au salon du livre du jardin des plantes d’Orléans. Je n’avais jamais entendu parler de Jeanne Baudot, mais Michèle Dassas me l’a présentée avec beaucoup de passion et de conviction. Il faut dire que j’étais toute disposée à me laisser tenter : je suis toujours friande de destins de femmes exceptionnelles, surtout s’il s’agit d’artistes, et le contexte historique, celui essentiellement de la Belle époque, m’intéressait doublement, en soi (c’est une période qui me fascine) et pour le projet Adèle. A la Lumière de Renoir est donc le deuxième livre que j’ai adopté ce jour-là, le premier étant un recueil de Haïkus érotiques, rien à voir donc.

A la Lumière de Renoir est une biographie romancée de Jeanne Baudot, artiste peintre rattachée au mouvement impressionniste et malheureusement un peu tombée dans l’oubli, malgré le fait notable qu’elle ait été l’élève et une amie proche d’Auguste Renoir. Née dans un milieu favorisé (son père était médecin), elle affirme très tôt son indépendance : elle ne veut pas du destin ordinaire des femmes de son époque. Elle aime dessiner, peindre, elle a du talent, et décide d’y consacrer sa vie, quitte à faire des sacrifices.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman et à faire la connaissance de Jeanne Baudot, une femme inspirante et passionnante, dans une époque parfaitement restituée : une époque d’ébullition intellectuelle et artistique, une époque d’insouciance aussi, en tout cas pour une certaine catégorie de la population. On croise de grands noms de la scène artistique, Auguste Renoir bien sûr, mais aussi Caillebotte, Degas, Berthe Morisot, ou encore Mallarmé et Paul Valéry, qui épousa une proche amie de Jeanne, Jeannie Gobillard.

Le grand intérêt de ce roman, et qui est une des lignes directrice du travail de Michèle Dassas, est d’interroger la question de l’indépendance : l’indépendance en tant que femme, à une époque où le destin de ces dernières est souvent tout tracé et n’offre que peu de marges de manœuvre, et l’indépendance en tant qu’artiste : choisir sa voie et ses maîtres, alors que l’impressionnisme est encore décrié, et trouver son propre style.

Bref, une très belle découverte que je dois à la sérendipité, et qui a nourri mes réflexions !

A la lumière de Renoir
Michèle DASSAS
Ramsay, 2020

Une collection de trésors minuscules, de Caroline Vermalle

Caroline Vermalle Une collection de trésors minusculesIl détestait cet homme. Pour qui se prenait-il, ce marionnettiste qui jouait avec son imagination et en emmêlait les fils ? Ce Fabrice Nile, ce fantôme qui sentait les bancs nocturnes ? Qui lui jetait à la figure de l’imprévu, cette chose détestable ?

L’an dernier, on a beaucoup parlé sur les blogs de Caroline Vermalle pour son roman L’Île des beaux lendemains, que je n’ai malheureusement pas lu. Mais lorsque j’ai lu le résumé de ce texte, j’ai immédiatement été séduite…

Me Frédéric Solis a tout : il est jeune, il est riche, il est brillant, il habite un appartement de rêve, il a du goût et collectionne les tableaux impressionnistes, et pour couronner le tout, il est beau et a beaucoup de succès auprès des femmes. Cela ne fait-il pas beaucoup pour un seul homme ? Justement, si, et en grattant un peu il s’avère qu’il n’est pas si heureux que ça : sa passion pour les toiles de maîtres le ruine, et lorsqu’il reçoit la lettre d’un notaire lui annonçant un héritage, même si le nom du défunt ne lui dit rien, il espère toucher de quoi payer ses créanciers. Mais en place d’espèces sonnantes et trébuchantes, il reçoit une boîte, une carte au trésor et des tickets qui l’emmèneront sur la trace des impressionnistes qu’il aime tant, et d’un trésor plus précieux encore…

Ce petit roman est un véritable bijou d’optimisme et de poésie, une fable qui nous entraîne dans un voyage initiatique à la recherche de soi et du bonheur à l’aide d’une carte au trésor d’un genre particulier : une carte qui est faite d’une multitudes de petites choses qui, mises bout à bout, font le bonheur d’une vie, toutes ces petites choses que l’on veut vraiment vivre et qui se réalisent, à condition d’y croire. C’est presque, à ce stade là, un guide de développement personnel (car on ne peut s’empêcher de se demander à quoi ressemblerait sa carte au trésor). Mais c’est plus encore ; assez philosophique par moments, ce roman est aussi une belle histoire d’amour et d’amitié, d’entraide, de tolérance, dont les personnages sont immédiatement touchants : Frédéric, bien sûr, mais aussi Pétronille, son assistante, pétillante jeune femme qui passe son temps à faire des choux à la crème (et des gaffes). Sincèrement, même si c’est un roman, cela redonne foi en l’humanité de voir tous ces personnages qui s’unissent pour une bonne cause, qui s’incarnent en signes à suivre pour guider Frédéric sur le bon chemin. Celui qui permet de vivre les belles choses avant qu’elles ne disparaissent, et donne une deuxième chance lorsqu’on a laissé passer la première. La chance de se construire une vie pleine, riche, et heureuse…

Et puis, comment ne pas être séduit par ce voyage sur les traces des impressionnistes, de Giverny au musée d’Orsay ? Ici, l’art est au coeur même du bonheur. Cela ne pouvait, évidemment, que me toucher !

Une collection de trésors minuscules
Caroline VERMALLE
Belfond, 2014

Lu par Antigone, Sandrine, George, Keisha, Stephie, Lystig, Géraldine, Saxaoul

Les Impressionnistes et la mode

 

Vous vous doutiez bien que dès que mes escarpins me mèneraient dans la Capitale, je me précipiterais à Orsay pour visiter cette exposition qui était notée dans mon agenda culturel depuis qu’elle avait été annoncée. Bon, malheureusement (ou heureusement pour les organisateurs et la santé des organismes culturels français), je n’étais visiblement pas la seule à l’avoir notée dans mon agenda, et lorsque je suis arrivée devant le musée à 9h (suite à quelques démêlés avec le RER) (pour une ouverture à 9h30), il y avait déjà une file d’attente de longueur respectable. Mais bon, assez rapidement j’ai pu entrer (et j’aurais pu le faire plus rapidement si j’avais réfléchi au fait que le Pass Education me permettait non seulement de ne pas payer, mais aussi d’entrer en coupe-file, puisqu’Orsay ne fait pas de billets « gratuit », il suffit de montrer le sésame  pour passer). Bref. Orsay, je n’y étais pas allée depuis la remise du grand prix des lectrices de ELLE en 2000 (c’est là qu’avait lieu la réception), ce qui ne nous rajeunit pas. Et j’ai redécouvert l’endroit avec un vif plaisir, j’y reviendrai d’ailleurs musarder plus à loisir une autre fois.

Donc l’exposition, on en a beaucoup parlé, s’attache à montrer les liens entre le mouvement impressionniste et la mode, ce qui, du coup, permet à la fois de mieux connaître la mode et de mieux connaître les impressionnistes. Pour le premier point, vu que je suis un peu spécialiste quand même, et que j’ai écumé un nombre assez impressionnant d’expositions sur le sujet (sans compter les livres), j’ai peu appris, mais pris cependant un vif plaisir, évidemment, à m’émerveiller devant robes, accessoires et journaux de modes. Ceci dit, je me suis émerveillée rapidement dans la première salle, la plus strictement « mode », pour passer au reste de la visite, que j’ai pu du coup effectuer tranquillement, sans cohue. Et j’ai vraiment beaucoup aimé ce voyage dans le mouvement impressionniste, que je connais assez peu (j’ai travaillé sur la mode dans la peinture, mais chez Moreau, Klimt et Whistler : ce n’est pas le même style…).

Le parcours se propose de montrer comment les impressionnisme, par le souci de représenter les individus dans leur cadre quotidien, sont conduits à rendre compte des évolutions de la mode de leur temps, parfois avec ce que l’on pourrait appeler un réalisme saisissant. J’ai été particulièrement frappé par un des éléments de l’exposition : la mise en regard d’un tableau, celui d’Albert Bartholomé représentant sa femme dans une robe de jour, et de cette même robe, « réelle ». Selon le contexte du tableau, les femmes sont représentées dans leurs diverses tenues de jour (vous n’imaginez pas à quel point il était compliqué de s’habiller à l’époque : il fallait se changer à tout moment pour être en adéquation avec le moment de la journée et le lieu) ou du soir (on ne s’habille pas de la même manière pour aller à un dîner et pour aller à l’opéra), voire dans l’intimité, avec une attention évidente au corset. Mais les hommes ne sont pas oubliés, et même si leurs possibilités vestimentaires sont plus restreintes, ils n’en recherchent pas moins l’élégance et toute une section leur est consacrée. Enfin, la dernière salle (ma préférée) est consacrée au plaisir du plein air, et dans un cadre bucolique (sol imitant de la pelouse, bancs) sont présentées des oeuvres illustrant cette idée des plaisirs du pique-nique ou de la promenade, toujours dans la plus grande élégance.

J’ai bien sûr énormément aimé cette exposition, mais j’aurais deux remarques à faire concernant la scénographie : d’abord, je trouve la plupart du temps l’espace un peu étriqué, empêchant donc d’avoir un recul suffisant pour bien voir les tableaux, sachant que la plupart sont de grande taille. Je pense en particulier aux salles du milieu, installées comme pour un défilé : les tableaux sont face à un miroir (admettons) mais même en se collant au miroir, je trouve que l’on est un peu trop près pour une vision globale. Et encore, j’ai visité ces salles presque toute seule : je n’ose imaginer aux heures de pointe. Ensuite, je trouve que parfois la lumière laisse à désirer, et qu’il est difficile de trouver un point de vue sans une multitude de reflets qui gâchent l’effet. Mais bon, ça c’est parce que j’aime chipoter et pinailler…

Bonus : comme après chaque exposition, j’ai fait l’acquisition de quelques menues petites choses :

– Des cartes postales, marques-pages et un magnet (qui n’est pas sur la photo car il a immédiatement rejoint mon frigo

– Le Hors-Série de L’Objet d’art consacré à l’exposition (j’en ai feuilleté plusieurs, c’est celui qui m’a semblé le plus intéressant pour moi qui n’achète plus les catalogues)

– Bien sûr, A la mode impressionniste, sur lequel je lorgnais depuis que George en avait parlé. Je ne suis pas le coeur de cible et je n’ai pas de coeur de cible à ma disposition, mais je l’ai trouvé si joli et bien fait que je n’ai, évidemment, pas pu résister.

L’Impressionnisme et la mode

Musée d’Orsay

Jusqu’au 20 janvier 2013