De l’Impertinence aujourd’hui, de Michel Serres et Michel Polacco

De l'impertinence aujourd'huiTel a du goût pour la critique acide ou le scandale vénéneux ; alors insolente, son impertinence peut crier la haine. En cherchant ici un point de vue oblique sur la question proposée, pour l’éclairer autrement et la peindre à neuf, une autre impertinence désire, au contraire, ne jamais quitter la bienveillance. Du coup, et sans jeu de mots, elle tente de rester pertinente pour ne pas gambader loin du sujet, mais le traiter avec justesse et justice.

Après le bonheur, Michel Serres et Michel Polacco nous invitent à réfléchir sur l’impertinence.

Sur, ou plutôt avec impertinence : au fil de ses chroniques sur des sujets divers et variés, Michel Serres nous propose un pas de côté pour regarder les choses autrement. La bêtise, la caricature, le chef, la curiosité, la faiblesse, les impôts, mai 68, les genres, la Marseillaise, le peuple, les poissons d’avril, les retraités, la Révolution, le savoir, le scandale, Tarzan et la télévision, sous cette lorgnette, prennent un nouveau sens.

Très simple et accessible, ce petit livre est éminemment vivifiant dans l’ensemble, car il propose de réfléchir autrement et de regarder les choses avec une certaine ouverture d’esprit. C’est pédagogique, c’est clair, c’est instructif : la philosophie en s’amusant. Néanmoins, et c’est la première fois que ça m’arrive parce que je l’aime plutôt bien, Michel Serres m’a, parfois, agacée : d’abord par sa manière d’ignorer superbement les interventions de Michel Polacco ; ensuite parce qu’il se révèle parfois un peu rabat-joie. Et puis, le chapitre sur la Marseillaise… admettons l’ensemble, la chronique date de 2005 et le contexte était totalement différent de celui d’aujourd’hui, où les paroles font à nouveau sens malheureusement, et pas seulement sur les stades de football ; mais j’attends de quelqu’un de cultivé comme Michel Serres qu’il ne commette pas l’erreur de beaucoup, penser que le « sang impur » est celui de l’ennemi : non, non, non, dans le contexte d’écriture du chant (1792), il s’agit bien du sang de ceux qui entonnent le chant, majoritairement des paysan, et dont on considérait le sang « impur » par opposition au sang bleu des aristocrates. Voilà voilà, ne me remerciez pas, c’était le point culture…

Bref. A cela près, cela reste un ouvrage diablement intéressant et instructif, dans lequel on peut grapiller avec plaisir !

De l’Impertinence aujourd’hui
Michel SERRES et Michel POLACCO
Le sens de l’info / Le Pommier, 2016