
Heureux les enfants élevés dans l’amour d’une île. Ils y apprennent au plus vite certaines pratiques utiles pour la suite de l’existence : l’imagination, la solitude, la liberté, voire une certaine insolence vis-à-vis de la terre ferme ; et guetter l’horizon, naviguer à voile, apprendre à partir…
D’Erik Orsenna, j’ai lu et énormément aimé sa série La grammaire est une chanson douce, vibrant hommage à la magie de la langue française. Et ce roman, que j’ai retrouvé par hasard dans ma bibliothèque, qui décidément regorge de mystères. Je sais que je l’ai lu parce qu’entre les pages j’ai retrouvé des grains de sable, signes d’une lecture estivale. Lointaine, probablement, car à vrai dire, je ne m’en souviens plus. Mais ce n’est pas grave, car j’ai du coup pu redécouvrir innocemment ce joli texte.
Nous sommes à la fin des années 60, sur une île minuscule au large de la Bretagne qui constitue une micro-société où tout le monde se connaît depuis des générations. Là vient s’installer un nouveau venu. Traducteur, il se voit comme un Corsaire arraisonnant un bateau étranger pour y faire flotter le pavillon de la langue française. Aussi se sent-il bien mieux sur cette île qu’à Paris. Mais alors qu’il préfère travailler sur les auteurs morts, qui ont le tact de ne pas s’émouvoir de son extrême lenteur, on lui propose de traduire l’écrivain qui fait cauchemarder toute la profession, aussi bien à cause de son style que de son caractère particulier : Nabokov. Ada ou l’ardeur.
Voilà un bien joli roman parfait pour une après-midi ensoleillée d’été : il se lit vite, et pourtant il s’en dégage un fabuleux parfum de poésie et de fantaisie qui laisse le lecteur rêveur. Le personnage principal, ici, ce ne sont pas tant le traducteur et les îliens qui s’associent pour l’aider dans sa mission impossible comme dans une sorte d’utopie coopérative, que la langue. Cette langue qui résiste, cette langue dont on tombe amoureux, cette langue qui sur une île a quelque chose de mystérieux et de secret, comme préservée de la rumeur du monde. Dans ce roman, il y a en germe La Grammaire est une chanson douce. Et plus encore : un hymne à l’amour, à la vie, à la beauté du monde et à la littérature.
Deux étés
Erik ORSENNA
Fayard, 1997 (Livre de poche, 1998)

Une île en Bretagne
by Géraldine
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