Le livre de l’amour, de Diane Ackerman : tout sur l’amour

Lorsque je place un prisme de verre sur l’appui de la fenêtre et que la lumière du soleil le traverse, un spectre de couleurs danse sur le sol. Ce que nous appelons « blanc » est un arc-en-ciel de rayons colorés concentrés dans un petit espace. Le prisme les libère. L’amour est la lumière blanche des émotions. Il regroupe de nombreux sentiments auxquels, par paresse ou confusion, nous attribuons un seul mot. L’art est le prisme qui les libère et démêle l’écheveau épais des sentiments. L’amour se dénude mais on ne peut ni le mesurer ni en dresser une carte. Tout le monde admet que l’amour est merveilleux et nécessaire, mais personne n’est d’accord sur sa nature. J’ai un jour entendu un reporter sportif dire d’un joueur de basket : « Il fait tout dans l’intangible. Regardez-le danser. » Si haute que puisse être l’idée qu’on se fait de l’amour, il n’y a pas d’image trop profane pour tenter de l’expliquer.

Je poursuis mes investigations sur mon sujet d’écriture, avec cet essai qui commence un peu à dater (1990 pour sa première édition) mais je n’avais encore jamais entendu parler jusqu’à récemment, et qui m’a occupée un bon moment.

Dans cet essai, Diane Ackerman interroge le sentiment amoureux, et cherche à l’expliquer : l’histoire de l’amour, les idées sur l’amour, la nature de l’amour, amour et érotisme, les coutumes amoureuses et la variété des amours.

J’ai beaucoup aimé lire cet ouvrage, écrit dans un style vif, spirituel et drôle, et qui est bien sûr, vu son sujet, très intéressant. Après, j’avoue que je n’ai pas appris grand chose de nouveau, et qu’il n’intégrera pas ma liste des meilleurs livres sur le sujet, d’autant que je suis un peu perplexe sur la construction de l’ouvrage. Mais il y a de beaux passages, et cela reste un ouvrage intéressant sur un sujet inépuisable !

Le livre de l’amour
Diane ACKERMAN
Traduit de l’américain par Alexandre Kalda
Grasset, 1995

Les cadeaux à transmettre au monde

J’en ai déjà parlé : j’ai commencé à suivre les Masterclass de Géraldine Dormoy sur Instagram (enfin : au sujet d’Instagram). Ce que j’aime dans son approche, c’est qu’elle envisage la plateforme comme un outil d’introspection et de connaissance de soi, et je trouve cette idée très pertinente.

Le deuxième volet de la série concernait le propos : ce que l’on veut dire, raconter. Et depuis je ne cesse d’u penser quand j’ai besoin de me recentrer, car il n’est pas seulement question d’Instagram. C’est aussi mon entreprise, mes écrits en général : nous avons tous une histoire singulière à raconter, et nous sommes la seule personne à pouvoir la raconter. C’est là-dessus que je travaille depuis longtemps : quelles sont mes valeurs, mes forces, ma vision du monde. Quelle histoire je veux raconter.

Et tout cela, adressé à quelqu’un, qu’on ne connaît pas, et qui est pourtant là. Par hasard parfois, souvent parce qu’il vient chercher quelque chose de particulier, qu’il ne trouve pas ailleurs. Les cadeaux uniques que chacun a à transmettre au monde. Et je crois que c’est essentiel, dans la vie, d’être conscient de ça : chacun de nous est unique, et chacun a quelque chose à apporter.

Ce que dit Agnes de Mille dans The life and work of Martha Graham :

Il y a une vitalité, une force vitale, une énergie, une accélération qui se traduit en action à travers toi ; et parce qu’il n’y a qu’un seul toi en tout temps, cette expression est unique. Si tu la bloques, elle n’existera plus jamais par aucun autre moyen et sera perdue. Le monde ne l’aura pas. Ce n’est pas à toi de déterminer à quel point elle est bonne, ni comment elle est comparable à d’autres expressions. C’est de ta responsabilité de garder le canal ouvert.

Alors, dites-moi, en cette veille de Noël : quel est le cadeau que vous avez à transmettre au monde ?

Citoyennes ! de Caroline Stevan Elina Braslina : il était une fois le vote des femmes

Ce jour-là, je me suis sentie si proche des femmes qui m’entouraient mais aussi de celles qui me précédaient. Je me suis sentie héritière de toutes les luttes féministes, à commencer par l’une des premières : la conquête du droit de vote. J’ai pensé avec reconnaissance à celles qui s’étaient battues pour obtenir le statut de citoyennes. Je me suis souvenue de manifestations joyeuses et débridées comme la nôtre mais aussi de peines de prison, de condamnations à mort, d’exclusions. Partout dans le monde, à leur manière, des pionnières ont ouvert la voie pour que nous puissions participer à la vie politique, défiler encore et réclamer toujours. J’ai eu envie de vous raconter leurs histoires, Dune et Salomé, cette grande histoire.

Dans cet album, Caroline Stevan raconte à ses filles l’histoire des luttes des femmes pour leurs droits, à commencer par celui de voter : les pionnières, en commençant par Olympe de Gouges, le long historique mondial de l’acquisition de ce droit, la présence des femmes en politique, et les luttes actuelles pour l’égalité des salaires, par exemple.

Magnifiquement illustré par Elina Braslina, ce petit album très clair, pédagogique et accessible grâce à l’humour est à mettre entre toutes les mains et pas seulement enfantines, car j’y ai moi-même appris beaucoup de choses ! A noter si vous commencez à penser à vos cadeaux de Noël, par exemple !

Citoyennes ! Il était une fois le droit de vote des femmes
Caroline STEVAN et Elina BRASLINA
Helvetiq, 2021

Histoire naturelle de l’amour, d’Helen Fisher : anatomie du mariage

Malgré les milliers de poèmes, de chants, de livres, d’opéras, de drames, de mythes et de légendes qui ont célébré le sentiment amoureux depuis bien avant Jésus-Christ, malgré l’histoire inlassablement répétée d’hommes et de femmes tellement « possédés » qu’ils ont laissé tomber leur famille et leurs amis, se sont laissés dépérir, se sont suicidés, ou sont allés jusqu’au meurtre, les scientifiques ne se sont guère intéressés à ce phénomène comme il le mérite. […] Des centaines d’universitaires et de philosophes ne citent l’amour que comme référence obligée ; peu ont essayé de comprendre cette attirance animale qui porte les êtres humains les uns vers les autres.

Bizarrement, malgré son sujet de recherches (l’amour), je n’étais jamais tombée sur les travaux d’Helen Fisher, jusqu’à ce que Elizabeth Gilbert y fasse référence dans Mes Alliances et que j’aie très envie de creuser la question. Alors cet ouvrage est un peu vieux et d’ailleurs plus édité, mais ce n’est pas ça qui m’arrête.

En s’appuyant sur les mécanismes chimiques, génétiques et biologiques qui font de l’homme un animal comme les autres, l’auteur interroge notre comportement sexuel et amoureux tel qu’il évolue dans l’histoire : la séduction, la passion, la monogamie et les coutumes nuptiales, l’infidélité, le divorce, l’origine du mariage et de la famille, les émotions sexuelles, l’anatomie sexuelle, le cerveau, les rapports de force entre les sexes, les liens de parenté…

Et tout cela est absolument passionnant : très pédagogique et instructif, teinté d’humour et comprenant de nombreuses anecdotes, cet essai nous apprend beaucoup sur l’humain et les autres animaux, au-delà même parfois du sujet du couple et de l’amour. Mettre en parallèle les comportements humains et animaux est très parlant, car cela permet de se rendre compte qu’on aura beau faire et dire, tout n’est pas culturel dans nos manières d’aimer et de nous mettre en couple. Tout n’est pas naturel non plus, mais plus que ne veulent l’admettre certains.

En tout cas j’ai pris beaucoup de plaisir avec cette lecture, qui parvient à aborder le sujet de manière scientifique sans totalement le dépoétiser, j’ai appris énormément de choses dont je vais faire mon miel (poétique), et si vous tombez dessus (dans un magasin d’occasion), n’hésitez pas !

Histoire naturelle de l’amour. Instinct sexuel et comportement amoureux à travers les âges.
Helen FISHER
Traduit de l’anglais par Evelyne Gasarian
Robert Laffont, 1994 (Pluriel)

Le Diable, de Dominique Labarrière : aux origines de la diabolisation de la femme

Il n’est guère douteux que, dès ses premiers pas sur cette terre, l’homme ait fait l’expérience de ce qui était bon pour lui et de ce qui, au contraire, était mauvais, ce qui facilitait sa présence au monde et ce qui en faisait une épreuve. Le jour, la nuit, la lumière, les ténèbres, le doux soleil, la froidure, les saisons de fertilité, la faim, la satiété, la vie, la mort, la quiétude, la souffrance etc. Sur cette base très empirique se seraient formées les notions fondamentales de bien et de mal auxquelles l’homme n’aurait pas tardé à associer des puissances aussi mystérieuses qu’opérantes : forces du bien pour ce qui lui était favorables, forces du mal pour ce qui lui était néfaste. Ainsi, cet homme des anciens âges assistait-il, déjà, lui aussi quasi impuissant, aux combats entre ces deux forces.

L’une des premières questions que j’ai posées à mon Tarot, c’était « quelles est ma plus grande force ? », et j’ai tiré la carte du Diable. Sur le coup j’étais un peu interloquée, voire vexée, parce que tout de même. Mais je débutais, et je gardais du Diable une image très négative, malgré ma grande affection pour Lucifer. Et puis en travaillant sur cette carte, je l’ai mieux comprise : magnétique, charismatique, le Diable symbolise le désir, les plaisirs, la fête, la séduction, en somme quelque chose de très physique et sensoriel, qui correspond bien à ma plus grande force : l’émerveillement. Et on peut se demander comment cette force de vie positive en est venue d’une part à être associée au mal, et d’autre part à la femme. C’est l’objet de cet essai, qui s’intéresse à nouveau, bien sûr, aux sorcières, mais pas seulement.

Dominique Labarrière s’interroge donc ici sur la figure du Diable, son histoire, ses représentations, et comment les autorités religieuses l’ont associé à la femme et à la sorcière. Il nous raconte aussi quelques anecdotes assez curieuses.

Tout est une question de dualité. Pour l’humain, il faut toujours que les choses s’opposent : la lumière à l’ombre, le bien au mal, Dieu au Diable, l’homme à la femme, et il est donc facile de mettre d’un côté tous les premiers termes, et de l’autre tous les seconds termes. Tellement facile que c’est ce qui a été fait pendant des siècles, pas seulement les temps anciens où dominait le merveilleux et où tout était possible, mais aussi à des périodes où était supposé dominer le rationalisme. Et on pourrait admirer l’imagination débordante des inquisiteurs, si elle n’avait pas été aussi meurtrière. Et la conclusion de tout ça (la mienne en tout cas) c’est que le diable n’est sans doute pas où on l’accuse d’être, et que les juges des tribunaux se sont souvent montrés plus pervers, rusés et mauvais que Satan lui-même.

Un essai très instructif, et encore une fois j’ai beaucoup apprécié le ton souvent très sarcastique de l’auteur !

Le Diable. Les origines de la diabolisation de la femme.
Dominique LABARRIÈRE
Pygmalion, 2021

Christine de Pizan, de Anne Loyer et Claire Gaudriot : une femme d’exception

Sous son ciel de lit, une petite fille contemple ses rêves. Ils brillent comme autant d’étoiles au firmament de ses désirs. Âme italienne au cœur du Moyen Âge, fille d’un homme de sciences, philosophe et astrologue, Christine de Pizan a hérité de sa passion pour les études.
Et l’érudition, à laquelle elle aspire, lui semble aussi vaste que la voûte céleste où se perd son regard.

Un petit album jeunesse aujourd’hui, qui va nous mener à la rencontre d’une femme de lettres exceptionnelle : Christine de Pizan, malheureusement trop méconnue aujourd’hui.

Christine de Pizan est la première femme de l’histoire a avoir vécu de ses écrits, et même le premier auteur de l’histoire. Née à Venise en 1364, elle a 4 ans lorsqu’elle arrive en France, son père étant devenu l’astrologue du roi. Elle même se passionne pour les études : elle parle 3 langues, apprend la musique, la poésie, mais est bridée dans son désir par le fait d’être une femme. Pourtant, après la mort de son mari alors que leurs enfants sont encore jeunes, elle impose son choix : écrire, et en faire une activité rémunératrice. Et dans ses écrits, elle ne cesse de défendre les femmes contre la misogynie de l’époque.

Cette album est l’alliance de la beauté et de la poésie autour d’une figure inspirante : autant dire que j’ai eu un coup de coeur pour cette petite merveille. Le texte d’Anne Loyer est beau, et les magnifiques illustrations de Claire Gaudriot, nous invitent à un voyage à la découverte d’une femme courageuse, qui prend son destin en main, et redonne la place qu’elles méritent aux femmes.

A découvrir et à offrir !

Christine de Pizan. La Clairvoyante
Anne LOYER et Claire GAUDRIOT
A pas de loup, 2021

Le bûcher des sorcières, de Dominique Labarrière : les plus grands procès de sorcellerie de l’histoire décryptés

Paradoxalement, c’est à une époque où le champ des connaissances s’ouvre, explose comme jamais avec les avancées de la Renaissance, l’épuisement du dogmatisme scolastique, les grandes découvertes, dont celles, géographiques, des navigations transocéaniques qui réinventent le monde ; c’est au moment de l’histoire où, avec en particulier la pensée proprement « révolutionnaire » d’un Nicolas de Cues, la philosophie opère son « virage anthropologique », où, avec Copernic, Galilée, Giordano Bruno, le mystère des mystères, celui de la marche des planètes, cède devant la curiosité humaine ; où bientôt, avec Newton, les lois de la gravitation universelle émergeront… C’est justement à cette époque, disions-nous, que sévit avec le plus de fureur la chasse aux sorcières, la traque des oeuvres du diable et que déferle la vague obscurantiste instituant la femme bouc émissaire des misères et des bizarreries de la vie. Comme si, alors que le vaste monde cesse d’être totalement terra incognita et que l’humain paraît être en passe de se rendre maître de mille secrets dont certains aussi extraordinaires que la course des astres, la femme persistait à opposer une résistance inébranlable, sa nature profonde demeurant seule, contre toute science nouvelle, un territoire inviolable. Comment pourrait-on tolérer un tel affront, une telle insulte à l’intelligence enfin libérée ? Masculine, l’intelligence, évidemment…

Encore les sorcières ? Oui, je suis loin d’en avoir terminé avec ce sujet de toute façon passionnant, et je vois de plus en plus nettement émerger quelque chose (de l’ordre d’un projet).

Dans cet essai, Dominique Labarrière entend interroger les grands procès en sorcellerie, afin de percer le mystère de la figure de la sorcière. Après avoir examiné le contexte historique et la haine des femmes qui sous-tend bien évidemment toute l’histoire, il s’intéresse à quelques procès célèbres comme les possédés de Loudun, l’affaire des poisons et bien sûr les sorcières de Salem.

Pour être honnête, la deuxième partie qui analyse les procès m’a semblée un peu légère et pas si intéressante que ça ; par contre, la première partie (d’ailleurs plus développée) qui expose le contexte est absolument passionnante et instructive – malgré toutes mes lectures sur le sujet j’apprends encore des choses, notamment ici sur le plan juridique que jusqu’ici je n’avais pas trop abordé. L’hypothèse de l’auteur, que la haine et la peur suscitées par le féminin vient du désarroi face à un mystère irréductible alors que tous les autres mystères ont cédé me semble très intéressante. Mais la conclusion (à laquelle j’étais déjà arrivée cela dit) est que tous ces gens étaient complètement toqués, et qu’à certaines époques je n’aurais pas fait de vieux os (ou plutôt : à certaines époques, je n’ai pas fait de vieux os). Et je me demande (si quelqu’un a la réponse) si l’Eglise a demandé pardon pour ces crimes abominables (j’ai, je l’avoue, un peu sauté le chapitre sur les tortures qui m’est apparu insoutenable).

Bref, un ouvrage sérieux, précis, instructif, le ton sarcastique adopté par l’auteur est très plaisant, et c’est donc une lecture parfaite pour se documenter sur le sujet !

Le bûcher des sorcières
Dominique LABARRIÈRE
Pygmalion, 2020