Réenchanter le monde

Dans Mange, prie, aime, Elizabeth Gilbert raconte sa quête d’elle-même, qui est aussi la quête de son mot. Celui qui la représente. A la fin, elle l’a trouvé. Atraversiamo. Traversons.

Et si toute quête de soi était alors celle-là : trouver son mot. Pas celui de son année, qui change et évolue (celui de mon année 2023 est « pouvoir », celui de 2022 était « harmonie ») mais celui de sa vie.

Longtemps j’ai cru que le mien était “Amour”. En ce moment, “Beauté” revient. Tout le temps. Quoi que j’entreprenne, on me parle de beauté. De son importance fondamentale pour moi. C’est très présent dans mon thème astral, je suis également (c’est logique) tombée dessus en faisant mon human design, avec ce canal 10-59 « créer naturellement la beauté« . L’Impératrice est une carte essentielle pour moi. Et l’autre jour, en faisant un tirage avec le très bel Oracle de la mission de vie, j’ai eu la carte du rêveur : « Ta mission de vie est d’aider les autres à se reconnecter avec la magie de la vie. Tu es une âme qui voit la beauté partout et ta mission de vie est d’éveiller les autres à la beauté de la vie« .

Très vénusien, tout cela. Très poétique. Mon mot, d’ailleurs, pourrait être « poésie ». Mais « beauté » me semble restrictif. Souvent associé à quelque chose de superficiel, et d’ailleurs, pendant très longtemps, je me suis connectée à cette part de moi par des recherches autour de la parure. Mais cela va plus loin, car il ne s’agit pas seulement de visuel. C’est tout un ensemble, et pas uniquement sensoriel, même si c’est essentiel. C’est aussi métaphysique et spirituel.

Le kalos kai agathos (καλὸς καὶ ἀγαθός) des Grecs.

Mais dans le monde dans lequel nous vivons, « beauté » n’atteint pas, en tant que mot, son plein pouvoir expressif.

En fait, je crois que mon mot, c’est “émerveillement”, et les deux précédents (Amour et Beauté… vous comprenez pourquoi je cherche à exprimer mon mot autrement ?) y participent. C’est habiter poétiquement le monde. Et, pleinement, réenchanter le monde. Ce qui n’est pas une mission facile en ce moment, même si elle me plaît beaucoup !

Et vous, quel est votre mot ?

Instantané : nuances de roses

La semaine dernière, j’étais passée, mais un peu vite, devant une affiche annonçant une manifestation autour de la rose. Mais je n’avais pas pu voir où elle avait lieu, et le temps de rentrer chez moi, j’avais oublié le nom, et je n’avais donc pas pu la retrouver sur Internet, ce qui m’avait un peu agacée (surtout quand on sait le nombre de trucs totalement inutiles que retient mon cerveau) mais enfin, j’étais passée à autre chose.

Et dimanche matin, je me suis levée avec l’envie subite d’aller au jardin des plantes profiter des dernières chaleurs de l’été. Il faisait très beau, après une semaine automnale, j’ai enfilé une jolie robe et des sandales, et me voilà partie. Et, bien sûr, je suis tombée sur l’événement que je cherchais : j’ai vraiment bien fait encore une fois d’écouter mon intuition, car je me suis régalée dans tous les sens du terme. J’ai pu profiter du jardin, de ses couleurs et de ses odeurs, de la serre où je n’étais jamais entrée et où j’ai pu admirer de superbes aquarelles botaniques et des compositions florales autour de la reine des fleurs. J’ai aussi dégusté une crêpe sur un banc, au soleil, et c’était merveilleux.

Encore un dimanche où mes cinq sens ont été satisfaits : la beauté, les odeurs, le chant des oiseaux, la caresse du soleil, le bon goût de la crêpe. C’est ça, comme je vous le disais hier, habiter érotiquement le monde !

Sonnets Portugais, d’Elizabeth Browning : la surprise de l’amour

Aimé, mon bien,
Qui vins à moi quand le monde avait fui,
Et moi qui cherchais Dieu seul, t’ai trouvé !
Je te trouve, suis sauve, et forte, et heureuse.
Tel celui qui debout, dans l’asphodèle,
Se retourne sur le temps pénible passé
Sur terre – ainsi moi, le sein gonflé,
Je témoigne, ici, entre bien et mal,
Que l’Amour, comme la Mort, sauve également.

J’en parlais brièvement la semaine dernière, de ces Sonnets Portugais qui ont illuminé mon début d’année : 44 sonnets (suivi dans cette édition de quelques autres poèmes). Des sonnets d’amour, qui ont ceci de fascinant qu’ils montrent la lutte désespérée contre le sentiment amoureux qui, lui, est bien décidé à prendre toute la place : d’abord surprise (c’est le poème que j’ai partagé avec vous l’autre jour) par l’amour qui lui tire les cheveux (j’adore cette image), elle s’estime indigne de son poète d’amoureux, elle ne se sent pas belle, indigne, trop vieille… et puis, petit à petit, elle cède, dépose les armes, accepte cet amour pur qui la libère.

Chaque poème est une petite pépite qui s’adresse directement à l’âme, et beaucoup m’ont mis les larmes aux yeux tellement ils touchaient juste. Si vous ne connaissez pas et que vous aimez lire de la poésie, n’hésitez pas !

Sonnets Portugais
Elizabeth BROWNING
Traduit de l’anglais par Lauraine Jungelson
Poésie/Gallimard

Nous y sommes : invitation à un voyage poétique !

Hier était le grand jour : la publication de mon site Le Voyage Poétique. Si vous me suivez sur Instagram, ou si vous êtes curieux et que vous avez déjà cliqué sur ce nouvel élément du menu, vous l’avez peut-être déjà visité. Sinon, et bien je suis ravie de vous y inviter.

C’est une première étape, et après des mois de travail acharné, d’abîmes de questionnements métaphysiques et existentiels, de peurs, d’agacements, de tâtonnements, de remises en causes, de nouvelles idées, d’apprentissages, de doutes, de choix épineux… c’est une grande étape.

D’ici quelque temps je vous ferai un article plus détaillé sur le cheminement : aujourd’hui, j’ai juste envie de partager cette naissance avec vous, en espérant qu’il vous plaise !

Que le puissant spectacle se poursuit et que tu peux y apporter tes vers

Comme beaucoup, j’ai découvert ce magnifique poème de Walt Whitman grâce au Cercle des poètes disparus, qu’il faudrait que je revoie, d’ailleurs, parce que je pense que c’est vraiment un film qui m’a construite, et ma vision « poétique » du monde, même si je soupçonne aussi qu’il soit un peu responsable du « mauvais chemin » que j’ai pris : et c’est d’ailleurs tout l’enjeu de ce poème. Dans certaines traductions, il n’est pas question de vers, mais de note : nous avons chacun une note à jouer, et si nous voulons jouer une note qui n’est pas la notre, nous jouons faux et le spectacle du monde est désaccordé. Je n’ai pas inclus ce poème dans l’Oracle, mais il est possible que je le fasse dans la version suivante. En attendant, voici :

O moi ! O la vie ! Les questions sur ces sujets qui me hantent,
Les cortèges sans fin d’incroyants, les villes peuplées de sots,
Moi-même qui constamment me fais des reproches, (car qui est plus sot que moi et qui plus incroyant ?)
Les yeux qui vainement réclament la lumière, les buts méprisables, la lutte sans cesse recommencée,
Les pitoyables résultats de tout cela, les foules harassées et sordides que je vois autour de moi,
Les années vides et inutiles de la vie des autres, des autres à qui je suis indissolublement lié,
La question, O moi ! si triste et qui me hante – qu’y a-t-il de bon dans tout cela, O moi, O la vie ?

Réponse :
Que tu es ici – que la vie existe et l’identité,
Que le puissant spectacle se poursuit et que tu peux y apporter tes vers.

Walt Whitman, Feuilles d’herbe (traduit par Jacques Darras)

Et vous, quels vers ou quelle note voulez-vous apporter au monde ?

Instantané : les jours fériés

Jeudi, c’était le 11 novembre. L’occasion pour moi de profiter d’un long week-end puisque je ne travaille pas le vendredi. Un jour de plus sauvé pour travailler sur mes projets, et j’ai du pain sur la planche, comme on dit. Mais un jour au rythme plus lent : je ne sais pas, je trouve que les jours fériés, même s’ils ressemblent au dimanche, même s’ils ressemblent pour moi au samedi où je reste chez moi, ont une ambiance différente. Les bruits ne sont pas les mêmes, le silence n’a pas la même épaisseur, et il y a dans l’air comme une invitation à la paresse. Alors, malgré une longue liste de choses à faire, je me suis accordé ce plaisir simple du petit déjeuner au lit avec Christian Bobin

Tout n’est qu’amour dans la nature Pour un cœur enflammé d’amour

J’ai terminé l’oracle des poètes : j’ai totalement revu le design, j’ai terminé la maquette et j’ai envoyé à l’impression pour avoir un prototype. Je ne sais pas ce qu’il adviendra ensuite de ce projet, mais en tout cas, je l’ai mené à bien dans sa phase de création (qui est de toute façon la phase la plus facile pour moi : c’est après que ça se corse). Et en guise d’instant poétique, j’avais envie de partager avec vous ce joli petit poème que j’ai dû finalement écarter parce qu’ils étaient plusieurs sur le thème (l’amour) et que l’autre m’appelait plus. Mais il mérite d’être davantage connu qu’il ne l’est !

L’Amour

Tout n’est qu’amour dans la nature
Pour un cœur enflammé d’amour :

Le printemps nous rend la verdure
Pour offrir un trône à l’amour ;
L’astre brillant de la lumière
Devient le flambeau de l’amour ;
La nuit sur la nature entière
Etend le bandeau de l’amour.

Clarté naissante de l’aurore,
C’est l’espoir d’un naissant amour ;
Chaque printemps reçoit de Flore
Les seuls dons qu’ose offrir l’amour.
Des bosquets le silence et l’ombre
Protègent doux pensers d’amour ;
Le soir, dans la forêt plus sombre,
Echo redit chanson d’amour.

Ruisseau murmure dans la plaine
Les tendres plaintes de l’amour ;
De Zéphirs l’amoureuse haleine
Prolonge un soupir de l’amour.
Sur le feuillage qu’il anime
L’oiseau naît pour chanter l’amour ;
Et le cœur même qu’il opprime
Se plaît à célébrer l’amour.

Craignons la foudre et sa furie
Moins qu’un orage de l’amour ;
Craignons moins de perdre la vie
Que de survivre à notre amour.
Songeons qu’avide jouissance
Traîne après soi regrets d’amour,
Et qu’en altérant l’innocence,
Nous altérons aussi l’amour.

Victoire Babois, Elegies et poésies diverses (1828)