C’est la phrase qui est venue l’autre jour sous ma plume (enfin, mon stylo, mais plume c’est plus joli) dans ma séance d’introspection du soir. Les personnages de romans sont comme des horcruxes : l’écrivain y cache une partie de son âme.
(Alors les horcruxes, pour ceux qui ne connaîtraient pas Harry Potter : c’est un objet, ou pourquoi pas une personne, dans laquelle un sorcier cache un morceau de son âme, afin de devenir immortel. Alors c’est de la magie très noire, puisqu’il faut pour cela déchirer son âme, et pour déchirer son âme il faut commettre un meurtre, évidemment, ce n’est pas de cela que je parle, mais vous voyez l’idée).
C’est une des magies de l’écriture, ça : parfois, des phrases surgissent, on ne sait pas d’où, et elles révèlent une vérité essentielle.
Ce soir-là, je réfléchissais à Adèle. Le résumé de mon état émotionnel actuel, c’est que, justement, je me sens coupée de mes émotions, je vis dans mon mental, et lorsque je suis dans l’espace de l’écriture, je m’ouvre et j’ai accès à ce qui, le reste du temps, en tout cas du temps actuel, est soigneusement verrouillé, et c’est pour cela, aussi, que l’écriture m’est aussi vitale que l’air que je respire. Et, donc, ma réflexion était que ce texte est pourtant beaucoup moins personnel et intime que les autres : L’Aimante, on s’en doute un peu j’imagine, le prochain, qui sortira en février, également, même s’il reste entièrement fictionnel, sont des récits très intimes. Adèle, pas du tout. Et pourtant, il y a bien, chez elle, une partie de moi-même, de mon âme.
Et c’est comme ça que cette phrase a surgi. J’ai donc commencé à réfléchir : a quel point cela est-il vrai ? (j’ai conscience que ce n’est pas non plus une idée révolutionnaire, que l’on met un bout de nous dans nos personnages : Flaubert disait « Madame Bovary, c’est moi » ; c’est surtout l’image de l’horcruxe et ses implications, qui m’a frappée : ce morceau de nous, il est immortel).
J’ai réfléchi. Aux personnages qui gravitent autour d’Adèle. Même les mauvais (un, surtout). A mon deuxième roman, et ces deux personnages forts qui s’affrontent et s’opposent et semblent n’avoir rien de commun : et bien, ils sont pourtant tous les deux un aspect de moi. Et cela fait du bien d’en prendre conscience.
J’ai déjà parlé de l’effet miroir et des personnages de roman, et bien sûr, c’est lié. Mais, pour le créateur de ces personnages, cela va plus loin. Ils ne sont plus seulement un miroir : ils sont un bout de nous. Sans avoir besoin de tuer personne, c’est le grand avantage. Notre âme reste entière, j’ai même envie de dire que le processus aide à l’unifier, et c’est d’ailleurs pour cela que j’insiste toujours sur l’importance de l’écriture dans le processus d’individuation. Ecriture de soi et de l’intime, mais aussi la fiction. Parce que cela nous permet de voir beaucoup de choses qui, sans cela, resteraient cachées. Des parts de nous à réconcilier et intégrer.
Et à bien y réfléchir, je me demande si cela ne fonctionne pas dans les deux sens. Si, à force de les fréquenter intimement pendant des semaines, des mois, les personnages ne laissent pas un morceau d’eux chez leur créateur, une empreinte qui les transforme et que c’est pour cela que les écrivains « ne sont pas tout seuls dans leur tête ». Ils y sont avec leurs personnages.
Je me demande si Rowling y a pensé. Il est possible que oui, mais il est aussi possible que non, tant une autre vérité est que nous ne possédons pas toutes les clés de nos œuvres (c’est d’ailleurs ce qui arrive dans mon deuxième roman, le personnage masculin révèle au personnage féminin le sens profond de ce qu’elle a écrit) (bientôt, juré, vous en saurez plus sur ce roman et notamment le titre).
Et vous, qu’en pensez-vous ?
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