En 2018, je m’étais lancé dans mon arbre généalogique, et j’écrivais : je pense qu’ils [les gens de mon entourage] soupçonnent un nouveau projet d’écriture, ce qui n’est pas le cas pour l’instant, mais allez savoir avec la sérendipité. Et bien, ce moment est arrivé, sans que je m’en rende compte d’abord. Et c’est encore une fois une histoire de grande magie.
En fait tout part de ce que j’appelle « le projet Adèle », qui est beaucoup plus ancien : ce vieil album photo que j’avais récupéré d’une grande tante et pour lequel j’éprouve une véritable fascination, et notamment pour cette femme que je ne connais pas et que j’ai, allez savoir pourquoi, baptisée Adèle (si ça se trouve, j’apprendrai un jour qu’elle s’appelait vraiment Adèle et qu’elle m’a communiqué son prénom par voie médiumnique et j’aurai peur). Ce projet est longtemps resté dans les limbes, parce que je n’avais pas trop de temps à y consacrer, et finalement c’est lui qui a toqué le plus fort à la porte en juillet (et il y avait de la concurrence !). Me voilà donc bien ancrée dans mon projet, l’angle est venu, les thématiques, je me suis éloignée du projet de départ car mes recherches m’ont conduite à conclure que les photos étaient bien plus anciennes que ce que j’avais cru au départ et donc ça ne colle plus à ma chronologie, mais bref, ça avance, et j’ai, plus ou moins, les grandes lignes de mon histoire.
Et mon arbre généalogique, me direz-vous, quel rapport puisque ces gens ne sont pas du tout mes ancêtres ? J’y viens.
Voilà : il se trouve que petit à petit, j’ai donné (sans trop m’en rendre compte) à Adèle une histoire très inspirée de celles de mes ancêtres féminines, deux en particulier.
D’abord mon arrière grand-mère maternelle (la mère de ma grand-mère maternelle). Qui a fait le choix de se sacrifier, et au lieu de devenir institutrice, comme elle aurait pu le faire, est restée à la ferme pour s’occuper de sa mère (il y a des éléments de cette mère d’ailleurs aussi chez Adèle, car je sais qu’elle a des choses à raconter aussi). Ne me signalez pas le lien entre mon propre « choix » de métier et cet élément : je l’ai déjà fait. Et m’en libérer est aussi un des enjeux du roman je pense.
Et surtout mon arrière grand-mère paternelle (la mère de ma grand-mère paternelle). Et c’est là que les choses se compliquent. C’était une enfant abandonnée. J’ai pu retrouver son acte de naissance, et il comporte le nom de sa mère, je pourrais donc rattraper le fil par-là, mais en fait, non : je pense qu’elle a donné un faux nom, ou a menti sur son âge, car je ne la retrouve pas dans les années où elle a dû naître à l’endroit où elle dit être née (et pourtant là encore, d’un point de vue psychogénéalogique, je suis persuadée que mes problèmes avec l’idée de maternité ne sont pas sans lien avec cette histoire d’abandon, et d’autres problèmes sans doute)*. Mais en fait, c’est surtout son père qui m’intéresse : quand elle était petite, avant la Première Guerre mondiale, mon arrière grand-mère recevait régulièrement la visite d’un homme, qui passait du temps avec elle, lui offrait plein de choses et visiblement donnait de l’argent à sa famille d’accueil, car elle avait de beaux vêtements et ne manquait de rien. Il n’est jamais revenu après la guerre, probablement a-t-il été tué. Et, je ne peux pas m’empêcher de trouver cela très émouvant : il aurait pu s’en moquer, mais non, il l’a cherchée, il a sans doute dû faire jouer ses relations pour la retrouver ; il aurait pu se contenter, s’il culpabilisait, de donner de l’argent, mais non, il passait du temps avec elle. Et, de manière somme toute normale (d’autant que je soupçonne mes goûts de luxe de me venir de cet ancêtre inconnu sans doute riche mais pas libre) j’ai envie de savoir. Mais j’ai peu d’espoir, même en farfouillant dans les dossiers de l’Assistance Publique, de retrouver quoi que ce soit.
*Edit : en fait, je me suis à nouveau penchée sur le sujet, avec un autre angle, et j’ai réussi à la retrouver. Disons qu’il y avait deux erreurs sur l’acte de naissance de mon arrière grand-mère : une erreur orthographique (un y à la place d’un i) et surtout une erreur sur l’âge de sa mère, qui avait 37 et non 27 ans, et cela m’empêchait de la retrouver. Donc j’ai pu remonter un peu plus loin. Après, cela m’a l’air d’un sacré phénomène dans le genre « je me tamponne des conventions sociales » et ça, j’aime bien, mais je ne suis pas sûre de pouvoir aller très loin si je ne retrouve pas la trace de son voire de ses autres enfants naturels (oui, il y en a eu d’autres avant mon arrière grand-mère) qu’elle n’a pas abandonnés… et ce n’est pas simple !
Et la grande magie de l’écriture, c’est que je sais que ce que j’ai tricoté dans ma tête et donnera une partie de l’histoire que je vais écrire sera sans doute assez proche de la vérité !