Un profil perdu, de Françoise Sagan : se trouver

Ce serait le happy end d’une vie d’orages, de chasses, de fuites. Je changerais enfin de rôle : je ne serais plus le gibier traqué par un chasseur frénétique, je serais la forêt profonde et familière où viendraient se réfugier, se nourrir et se désaltérer des animaux dociles et bien-aimés, mon compagnon, mon enfant et mes bêtes. Je ne passerais plus de saccage en saccage, de déchirement en déchirement, je serais la clairière ensoleillée et la rivière où les miens viendraient boire sans retenue le lait de l’humaine tendresse. Et il me semblait que cette dernière aventure serait plus dangereuse encore que les autres, parce que, pour une fois, je ne pouvais en imaginer la conclusion. 

Je suis tombée l’autre jour par hasard sur ce roman au dépôt-vente : le nom de Sagan m’a interpellée, mais le titre ne me disait strictement rien, ce qui n’était de toute façon pas une raison valable pour le laisser. Je l’ai donc pris, et j’ai eu tout de suite l’envie de le lire…

C’est grâce à Julius A. Cram, un excentrique et mystérieux homme d’affaires, que Josée Ash, la narratrice, parvient à se libérer de l’enfer qu’est devenu son mariage avec Alan, violent et maladivement jaloux. Mais elle ne se libère de cette prison que pour une autre : elle prend un appartement, trouve un travail, mais naïvement ne se rend pas compte que dans les coulisses Julius tire toutes les ficelles. Seul l’amour pourra la libérer définitivement.

De fait, il s’agit à nouveau d’un roman que l’on peut lire à travers le prisme du féminin sauvage et de Femmes qui courent avec les loupssauf que si Ines Benaroya et Valérie Nimal m’ont, depuis, confirmé cette interprétation, il en va tout autrement pour Sagan, puisque l’essai de Clarissa Pinkola-Estés n’avait pas encore été écrit à l’époque. Cela ne fait que confirmer, encore une fois, la force des génies qui est d’avoir cette intuition profonde des choses, et Sagan, femme sauvage elle-même, avait profondément ancré en elle cet archétype et l’a mis au jour dans ses romans. Il faudra que je relise Bonjour tristesse avec cette clé.

C’est donc l’histoire d’une femme qui se libère de ses entraves, de sa cage dorée, d’abord seulement en apparence mais cela lui permet de découvrir beaucoup de choses sur elle-même, d’apprendre à se connaître, ce qu’elle n’avait jamais fait, étape nécessaire avant de réellement prendre son envol. Grâce à l’amour vrai, Josée se trouve elle-même, se libère de l’inessentiel, grandit et devient adulte. Elle devient la femme complète et achevée qu’elle n’a jamais été. Et c’est beau, émaillé de moments de pure poésie (le passage que j’ai mis en exergue m’a mis les larmes aux yeux), c’est du Sagan ciselé et parfait !

Un profil perdu
Françoise SAGAN
Flammarion, 1974

Bonjour tristesse, de Frédéric Rébéna (d’après le roman de Françoise Sagan) : il ne faut pas badiner avec l’amour

Le tout produit un autre roman que l’original, un conte ensoleillé et érotique qui résonne avec l’époque actuelle au lieu de nous renvoyer à une nostalgie stérile. On retrouve la trame du petit chef-d’oeuvre des années 1950, mais dans une version parfaitement actuelle. Le scandale reste entier car les malentendus entre générations restent les mêmes, les quiproquos sentimentaux aussi, et ne parlons même pas des dangers de la séduction. (Frédéric Beigbeder)

Je l’ai déjà dit, je voue un culte au roman de Françoise Sagan, que je relis régulièrement et dont je collectionne les exemplaires. Autant vous dire que cette adaptation en bande dessinée était dans ma ligne de mire depuis sa sortie, d’autant que le trait, absolument magnifique, m’avait tapé dans l’œil…

L’histoire s’ouvre sur la mort d’Anne, qui, après avoir lu le roman de Cécile et ces mots si cruels, Anne est froide, prend sa voiture, en larmes, et va s’écraser en bas de la corniche — alors, Cécile se souvient de ce début d’été, celui de ses 17 ans, où elle était heureuse et insouciante…

Il est finalement assez difficile de parler de cette bande dessinée, tant Frédéric Beigbeder, dans sa préface, semble déjà avoir tout dit : si l’adaptation n’est pas toujours fidèle à la lettre du roman, ajoute certaines choses comme cette mise en abyme initiale qui se révèle une idée de génie, passe sur d’autres, le fait est qu’elle est parfaitement fidèle à l’esprit : on retrouve cette ambiance légère et mélancolique du roman, la jouissance, la vie inimitable — les fêtes, l’alcool, le luxe, le tout dans une atmosphère très sensuelle et subtilement érotique, magnifiée par des dessins à couper le souffle. Le roman acquiert ici une sorte de supplément de sens et d’âme, se déploie, autrement. J’ai donc pris énormément de plaisir à me (re)plonger dans le monde de Sagan tel qu’il est restitué par Frédéric Rébéna, avec en plus cette surprise assez bouleversante pour moi de m’être attachée à Anne, que je trouve odieuse e rabat-joie dans le roman, et que j’ai trouvé ici touchante dans son amour. Il faudrait, du reste, que je relise le roman, pour savoir si c’est bel et bien un effet de la BD, ou tout simplement moi qui, décidément, vieillis…

Mais, bref, ne passez pas à côté de ce plaisir de lecture, vénéneux et délicat !

Bonjour Tristesse
Frédéric RÉBÉNA
D’après le roman de Françoise SAGAN
Rue de Sèvres, 2018

Des bleus à l’âme, de Françoise Sagan

Des bleus à l'âme, de Françoise Saganj’ai trente-cinq ans, de bonnes dents, et si quelqu’un me plaît, généralement, cela marche encore. Seulement, je n’en ai plus envie. J’aimerais aimer et même souffrir et même trembler au téléphone. Ou mettre un disque dix fois de suite, et respirer le matin, en me réveillant, cet air de bénédiction naturelle qui m’était familier. « On m’a ôté le goût de l’eau et puis celui de la conquête ». C’est un disque de Brel, je crois. Mais en tout cas, cela ne marche plus et je ne sais même pas si je vais montrer ces pages à mon éditeur. Ce n’est pas de la littérature, ce n’est pas une vraie confession, c’est quelqu’une qui tape à la machine parce qu’elle a peur d’elle-même et de la machine et des matins et des soirs, etc. Et des autres. Ce n’est pas beau, la peur, c’est même honteux et je ne la connaissais pas. Voilà tout. Mais ce « tout » est terrifiant.

Une petite pause dans la rentrée d’hiver, pour une raison bassement matérielle qui après coup m’apparaît bizarrement comme un signe du destin. Il se trouve que, pour la première fois de ma vie, je n’avais pas emporté assez de livres dans mes bagages pour mes vacances, et que je me suis donc trouvée fort démunie pour mes lectures au coin du feu. Fort opportunément, j’étais passée chez le bouquiniste de Saint-Girons, où j’avais déniché, entre autres, plusieurs exemplaires vintage de Sagan (j’ai aussi racheté Bonjour Tristesse parce que mon exemplaire tombait en morceaux à force d’être relu et La Femme fardée). Alors Sagan, j’ai toujours peur de la lire, parce qu’à chaque fois ses mots font tellement écho en moi que cela me bouleverse totalement. Ce qui n’a pas manqué, du reste, cette fois encore.

Deux textes se mêlent ici. L’histoire de Sébastien et Eleonore, un frère et une soeur, aristocrates suédois que le manque d’argent n’empêche pas de mener une vie inimitable tant ils fascinent tous ceux qu’ils rencontrent, prêts à tout pour leur faire plaisir. Les réflexions de l’écrivain qui écrit cette histoire.

Alors évidemment, j’ouvre le roman, déjà profondément perturbée par le titre qui correspond plutôt bien à l’état actuel de mon âme, et je tombe dès les premières lignes sur la phrase que j’ai mise en exergue. Après ce que j’ai écrit dans mon bilan 2017, vous ne pouvez pas imaginer à quel point ces quelques lignes m’ont mise face à quelque chose de plus grand que moi, m’ont profondément déstabilisée et bouleversée, comme si mon âme était allée s’inscrire sur ces pages pourtant écrites largement avant ma naissance.

Pour ce qui est du roman lui-même, j’ai bien sûr adoré encore une fois ce monde frivole de Sagan, ces personnages qui vivent une vie inimitable, loin des préoccupations bassement matérielles et terre à terre du commun des mortels, une manière poétique d’habiter le monde : on l’a souvent reproché à l’auteur, mais pour ma part, j’aime énormément cette manière dont elle libère ses personnages du quotidien pour toucher à quelque chose qui finalement autrement essentiel. L’histoire d’Eleonore et Sébastien, sa gaieté et sa cruauté, m’a donc beaucoup touchée. Mais, évidemment, c’est surtout le journal du roman, à la fois autoréflexif et introspectif, qui m’a passionnée, et encore une fois, Sagan y montre que sa légèreté n’est en fait qu’une insoutenable profondeur.

Des bleus à l’âme
Françoise SAGAN
Flammarion, 1972 (J’ai Lu, 1974)

Questionnaire de Proust

CarnetsL’autre jour, dans les Chroniques de Françoise Sagan, je suis tombée sur ses réponses (merveilleuses, forcément) à ce célèbre questionnaire de Proust, et je me suis dit qu’après le questionnaire de Pivot ce serait amusant d’essayer d’y réfléchir, même s’il est très difficile, je trouve (et que la version qui a été proposée à Sagan diffère un peu de celle-ci : je rajoute ses réponses lorsque la question lui a été posée, et à la fin j’ajoute les questions « en plus »)… Il y a peut-être une certaine prétention à coller mes réponses à la suite de celles de ces deux grands noms de la littérature, mais bon…

1- Le principal trait de mon caractère. 
Proust : Le besoin d’être aimé et, pour préciser, le besoin d’être caressé et gâté bien plus que le besoin d’être admiré.
Sagan : Un certain humour, peut-être.
Moi : L’enthousiasme et la curiosité

2 – La qualité que je préfère chez un homme. 

Proust : Des charmes féminins
Sagan : L’imagination.
Moi : La finesse (intellectuelle)

3 – La qualité que je préfère chez une femme. 

Proust : Des vertus d’homme et la franchise dans la camaraderie
Sagan : L’imagination.
Moi : La bienveillance

4 – Ce que j’apprécie le plus chez mes amis. 
Proust : D’être tendre pour moi, si leur personne est assez exquise pour donner un grand prix à leur tendresse
Sagan : la même chose (i.e un certain humour, peut-être).
Moi : Leur présence

5 – Mon principal défaut. 
Proust : Ne pas savoir, ne pas pouvoir « vouloir »
Sagan : Un certain humour, sûrement.
Moi : Toujours vouloir plus !

6 – Mon occupation préférée. 
Proust : Aimer
Sagan : Ne rien faire
Moi : Lire et écrire

7 – Mon rêve de bonheur. 
Proust : J’ai peur qu’il ne soit pas assez élevé, je n’ose pas le dire, j’ai peur de le détruire en le disant
Sagan : Il y en a trop.
Moi : Vivre de l’écriture

8 – Quel serait mon plus grand malheur ? 
Proust : Ne pas avoir connu ma mère ni ma grand-mère.
Moi : Perdre ceux que j’aime.

9 – Ce que je voudrais être. 
Proust : Moi, comme les gens que j’admire me voudraient
Moi : Moi, sans avoir à jouer un rôle social qui ne me convient pas

10 – Le pays où je désirerais vivre. 
Proust : Celui où certaines choses que je voudrais se réaliseraient comme par un enchantement et où les tendresses seraient toujours partagées.
Moi : Je suis bien en France (pour l’instant…)

11 – La couleur que je préfère. 
Proust : La beauté n’est pas dans les couleurs, mais dans leur harmonie.
Sagan : Rouge.
Moi : Le rouge

12 – La fleur que j’aime. 
Proust : La sienne – et après, toutes.
Sagan : rose
Moi : les pivoines

13 – L’oiseau que je préfère. 
Proust : L’hirondelle.
Moi : Le Phénix

14 – Mes auteurs favoris en prose. 
Proust : Aujourd’hui Anatole France et Pierre Loti
Sagan : Proust… et cent autres.
Moi : A part Didier ? Paul Auster, Siri Hustvedt, Sagan, tant d’autres…

15 – Mes poètes préférés. 
Proust : Baudelaire et Alfred de Vigny
Sagan : Baudelaire, Apollinaire, Eluard, Whitman, Racine
Moi : Baudelaire, Hugo

16 – Mes héros dans la fiction. 
Proust : Hamlet
Moi : Les miens !

17 – Mes héroïnes favorites dans la fiction. 
Proust : Bérénice
Moi : La Marquise de Merteuil

18 – Mes compositeurs préférés. 
Proust : Beethoven, Wagner, Schumann.
Sagan : Beethoven, Verdi, Fats Waller.
Moi : Bach, Mozart

19 – Mes peintres favoris. 
Proust : Léonard de Vinci, Rembrandt.
Sagan : Pissaro, Sisley, Hopper.
Moi : Gustave Moreau, Dali

20 – Mes héros dans la vie réelle. 
Proust : M. Darlu, M. Boutroux.
Sagan : Les distraits.
Moi : Je ne sais pas…

21 – Mes héroïnes dans l’histoire.
Proust : Cléopâtre
Moi : Simone Veil

22 – Mes noms favoris. 
Proust : Je n’en ai qu’un à la fois.
Sagan : Valparaiso, Syracuse, Santiago.
Moi : littérature

23 – Ce que je déteste par-dessus tout. 
Proust : Ce qu’il y a de mal en moi.
Sagan : L’assurance, la cruauté, la prétention.
Moi : L’étroitesse d’esprit, ceux qui veulent nous imposer leurs choix de vie

24 – Personnages historiques que je méprise le plus. 
Proust : Je ne suis pas assez instruit.
Moi : Tous les dictateurs

25 – Le fait militaire que j’admire le plus. 
Proust : Mon volontariat !*
Moi : Le Débarquement

26 – La réforme que j’estime le plus.
Proust : Pas de réponse
Moi : La Séparation de l’Eglise et de l’Etat, la loi Veil

27 – Le don de la nature que je voudrais avoir.
Proust : La volonté, et des séductions.
Sagan : jouer du piano
Moi : Savoir dessiner

28 – Comment j’aimerais mourir. 
Proust : Meilleur – et aimé.
Sagan : Vite et agréablement
Moi : En bonne santé !

29 – État présent de mon esprit. 
Proust : L’ennui d’avoir pensé à moi pour répondre à toutes ces questions.
Sagan : Épuisée par le questionnaire et tourmentée.
Moi : Interrogatif

30 – Fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence. 
Proust : Celles que je comprends.
Sagan : Les excès
Moi : Celles que j’aurais pu commettre

31 – Ma devise.
Proust : J’aurais trop peur qu’elle ne me porte malheur
Moi : Demain est un autre jour…

Quel est pour vous le comble de la misère ?
Sagan : La maladie, la mort d’autrui, s’ennuyer avec soi.
Moi : la misère intellectuelle

Où aimeriez-vous vivre ?
Sagan : A Paris.
Moi : aussi !

Quels sont vos metteurs en scène de cinéma favoris ?
Sagan : Schlesinger, Fellini, Sirk, Truffaut
Moi : Woody Allen

Quels sports pratiquez-vous ?
Sagan : Autrefois, de plein air.
Moi : Pilates, Yoga, gymnastique en chambre

Seriez-vous capable de tuer quelqu’un ?
Sagan : J’espère que non, mais je crois que oui.
Moi : je ne sais pas

Qui auriez-vous aimé être ?
Sagan : Trop de gens.
Moi : Françoise Sagan ?

Quelle est la première chose qui vous attire chez un homme ?
Sagan : La chaleur, le naturel, la force.
Moi : un je-ne-sais-quoi indéfinissable

Croyez-vous à la survie de l’âme ?
Sagan : Non.
Moi : oui

* Dont je rappelle qu’il l’a effectué à la caserne Coligny à Orléans, à 100m de chez moi, et qu’il vivait dans l’immeuble qui jouxte le mien…

Chroniques 1954-2003, de Françoise Sagan

Chroniques Françoise SaganDans l’ordre des souvenirs, l’amour de la littérature a une grande supériorité sur l’amour tout court, l’amour humain. C’est que si l’on ne se rappelle pas forcément où et quand on a rencontré « l’autre », si on ne sait pas forcément quel effet « il » vous fit ce jour-là — et si on a même plutôt tendance à s’extasier de ce que, ce soir-là, on ne comprit pas tout de suite que l’autre, c’était justement « lui » —, la littérature en revanche offre à notre mémoire des coups de foudre autrement fracassants, précis et définitifs. Je sais très bien où j’ai lu, où j’ai découvert les grands livres de ma vie ; et les paysages extérieurs de ma vie alors sont là, inextricablement liés à mes paysages internes qui sont généralement ceux de l’adolescence. 

Continuons à suivre la piste Françoise Sagan, nous verrons bien où elle finira par nous mener. J’étais, de fait, très curieuse de découvrir ces chroniques, rassemblées par son fils Denis Westhoff qui effectue un travail remarquable, sur tous les fronts, pour maintenir vivante la mémoire de sa mère. J’avoue que la beauté de l’objet livre a fini de me convaincre, si besoin était.

Une centaine de chroniques sont rassemblées ici, dont la date d’écriture va de 1954 à la dernière interview de Sagan en 2003. Des récits de voyage, des portraits, des critiques, des petits billets sur des sujets divers, des entretiens, des préfaces, pour des publications comme Elle, L’Express, Vogue, Le Monde, Egoïste, Femme, ou encore extraites de son recueil Avec mon meilleur souvenir.

Je suis assez convaincue, après lecture de ce recueil, que si elle avait vécu à notre époque, Françoise Sagan aurait eu un blog tant le ton, ici, est éminemment personnel : loin de l’objectivité que l’on voudrait être celle des journalistes, elle nous parle d’elle et de ses goûts, de ses expériences personnelles, alternant coups de coeurs et coups de griffes avec une évidente sincérité. Ces chroniques sont alors autant de morceaux d’un portrait qui se dessine petit à petit, s’assemblant comme les pièces d’un puzzle ; et, immédiatement, on tombe sous le charme de cette jeune fille que l’on voit vieillir au fil des pages et des années, et de sa vision du monde : une légèreté, une désinvolture, un humour parfois ravageur. Gentiment snob et superficielle, elle apparaît aussi d’une grande profondeur.

Ce qui étonne, c’est la variété des sujets. Parfois, écrire l’article consiste à commenter le fait d’écrire l’article car le sujet l’embête. Il n’empêche : Sagan varie les registres, parle aussi bien de Verlaine que de son lit, des sondages que des chevaux, de la lecture que de sa passion pour le jeu, des gens qu’elle aime que des films qu’elle a détesté. A l’occasion elle s’engage, prend position, avec son coeur, avoue ses failles et ses faiblesses, qu’elle assume totalement !

Une lecture que j’ai vraiment adorée tant, encore une fois, je me suis sentie très proche de Sagan et de sa manière de voir le monde ! Je vous le recommande chaudement !

Chroniques 1954-2003
Françoise SAGAN
Avant-propos de Denis Westhoff
Livre de poche, 2016

Françoise Sagan, l’élégance de vivre de Marie Brunet-Debaines

SaganUne légende est une petite parade bien pratique entre soi et les autres. Les gens vous croient futile, et vous êtes tranquille.

Je ne résiste pas à Françoise Sagan, dont nous reparlerons d’ailleurs lundi avec ses Chroniques. Pour l’heure, parlons un peu de ce documentaire, diffusé le 30 novembre sur Arte, et disponible en replay pendant encore deux jours (c’est le week-end, vous avez le temps, pas d’excuse).

Avec la complicité de Denis Westhoff, le fils de la romancière, la réalisatrice Marie Brunet-Debaines nous propose un portrait émouvant de celle dont le nom fleure encore le scandale. Alternant les voix du fils et de la narratrice s’adressant directement à Sagan, émaillé d’images d’archives, ce documentaire précieux nous présente une femme à la fois telle que l’a retenue la légende, et dépassant cette légende.

Un très beau portrait documentaire, extrêmement émouvant et instructif, même quand on connaît déjà pas mal la vie de Sagan. On en retient l’élégance, l’insolence, le goût de la liberté et un rapport totalement décomplexé à l’argent, qui est là pour être dépensé et se faire plaisir. Très attachante avec son phrasé inimitable et son humour ravageur, Sagan est bien une légende, voire une icône !

Un vrai bonheur ! A regarder absolument !

Françoise Sagan, l’élégance de vivre
Marie BRUNET-DEBAINES
60mn
Arte, 2015

Françoise Sagan : De Bonjour Tristesse à Derrière l’Épaule, à la médiathèque Françoise Sagan

sagan_rouchonÀ y penser, les seuls jalons de ma chronologie seraient les dates de mes romans, les seules bornes vérifiables, ponctuelles et enfin presque sensibles de ma vie – Françoise Sagan

Toujours sur la piste des signes, mes pas m’ont menée à la médiathèque Françoise Sagan, dans le 10e arrondissement, pour voir cette exposition de photographies inédites pour laquelle Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan, a puisé dans plusieurs fonds photographiques de la Ville de Paris et dans ses archives personnelles, dans l’objectif de mettre en lumière la vie artistique et littéraire de Françoise Sagan aux différentes étapes de son œuvre.

La progression est donc chronologique, jalonnée par les dates de publication des œuvres. Sur chaque panneau, un titre de livre, une année, une citation, et une ou plusieurs photographies. Denis Westhoff explique : « J’ai réalisé une sélection chronologique en m’attachant bien évidemment aux qualités de chaque photographie – esthétique, cadrage, expression, contexte, personnages présents, originalité – mais principalement en pensant aux œuvres qui devaient occuper son esprit à ces périodes-là de sa vie ». Ici se dévoile Sagan intime, chez elle, en train de dédicacer les livres, avec des amis… des photographies toujours touchantes, émouvantes, qui permettent de saisir un peu de la femme qu’elle était.

Plus loin, d’autres documents : le manuscrit de la première ébauche de son dernier roman, les unes de presse à sa mort, différentes éditions de ses oeuvres, des extraits de journaux, des lettres. Une vitrine est aussi consacrée à ses inspirations : Proust, Faulkner, Rimbaud, Eluard, Stendhal Sartre…

Une très belle exposition, petite mais charmante et émouvante, qui permet de plonger au coeur de la vie et de l’âme de Françoise Sagan — les deux étant indiscutablement liés. Une exposition d’autant plus indispensable qu’elle est gratuite !

Sagan, de Bonjour Tristesse à Derrière l’épaule
Médiathèque Françoise Sagan
8 rue Léon Schwartzenberg, Paris 10e
16 mai – 30 septembre 2015 Entrée libre
(l’exposition sera ensuite présentée en Suisse, à l’automne 2015, au Boléro de Versoix (Genève) et à Deauville au printemps et été 2017, Galerie d’exposition Le Point de Vue, boulevard de la Mer)