Instantané #19 (Vive le vendredi)

Hier, nous étions vendredi, dixième jour du dixième mois. Et j’étais malade. Enfin, malade : disons que j’ai pris un coup de froid mercredi après-midi en faisant passer les colles (on m’a mise dans une salle dont la température avoisine à peu près celle de mon frigo) et comme je ne tombe jamais malade, j’ai soudainement l’impression d’être devenue un homme et d’être à l’article de la mort pour un simple rhume. Après une très mauvaise nuit (j’ai détourné tout mon appart à la recherche de mon médicament miracle mais je n’en ai pas trouvé), c’est toussotante et enfiévrée (je suppose : je n’ai pas de thermomètre) mais dopée au paracétamol (que je suis allée chercher à la pharmacie dès l’ouverture) que je commence ma rituelle tournée du net en sirotant mon premier latté de la journée. Cette année encore, j’ai la chance (très enviée) de ne pas avoir cours le vendredi, donc je peux m’adonner à mon vice ultime : vivre à mon rythme. Bref, il était 10h09 lorsque sur netvibes, j’avise le rappel d’Enna pour son rendez-vous mensuel, que j’étais en train de totalement oublier, malgré le rappel mis sur mon téléphone (qui n’a pas fonctionné, j’ai dû faire une mauvaise manipulation avec le bidule). Le temps d’attraper le dit téléphone, il était 10h10, et j’ai pu prendre mon cliché exactement à l’heure dite :

Vive le vendrediSi c’est pas beau, ça ! (vous admirerez au passage la mise en abyme, une de mes manies).

Et à 10h10 du soir (sonnez clairons, j’y ai pensé les deux fois), j’étais tranquillement en train de regarder un film, vautrée nonchalamment alanguie telle une odalisque sur mon canapé, sirotant une infusion aux fruits rouges (parce que toujours très mal à la gorge) :

vive le vendredi

Il y a un bonus considération prévu si vous arrivez à deviner de quel film il s’agit (ne regardez pas le programme télé, c’est de la VOD). Si vous n’y parvenez pas, vous aurez la réponse mercredi !

EnnaBy Enna

Good Night, and Good Luck, de George Clooney

54121Dans les années 1950, le sénateur Joseph McCarthy s’est mis en tête de traquer les communistes. Edward R. Murrow, le présentateur de l’émission politique See It Now sur CBS, qui avant de conclure son émission lance aux téléspectateurs « Good night, and good luck », et le producteur Fred Friendly contribuèrent à sa chute et à la fin de cette chasse aux sorcières. Comment ? C’est le propos de ce film.

Ce film est arrivé à moi totalement par hasard, et je n’en attendais rien de spécial à part pouvoir reluquer pendant 1h30 George Clooney et accessoirement Robert Downey Jr. Ce que j’ai fait (il ne faut pas croire), mais il eut été dommage de m’arrêter là : encensé par la critique, ce film est véritablement un chef d’oeuvre. La narration est parfaitement maîtrisée par un Clooney aussi bon scénariste et réalisateur qu’acteur, et les choix esthétiques, que ce soit le noir et blanc (qui permet d’intégrer le plus naturellement du monde et de façon saisissante des images d’archives), l’usage immodéré de la fumée de cigarette comme marqueur d’ambiance ou l’aspect huis-clos, permettent aux spectateurs de plonger au coeur d’une époque marquée par la peur et la violence : comment en effet ne pas être terrifié par cette chasse aux sorcières qui peut s’abattre sur n’importe qui à n’importe quel moment ? McCarthy fait un méchant aussi impressionnant qu’Al Capone. Voire.

Mais le grand intérêt du film, c’est évidemment la réflexion qu’il propose, à la fois sur la liberté d’expression et sur le rôle des médias dans la société, ici la télévision, une télévision des Lumières qui, parce qu’elle est le support ayant le plus fort taux de pénétration dans les foyers, est l’instrument de la libération, «instrument d’enseignement» comme dit Murrow. Lorsque commence le film, elle ne l’est plus d’ailleurs, et Murrow, mis au placard depuis les événements, ne manque pas de le signaler dans une diatribe sévère contre la télévision, qui «  nous divertit, nous trompe, nous appauvrit et nous isole ». L’ensemble du film est donc un flash-back, qui a valeur d’apologue. Le vrai journaliste est celui qui est capable de montrer le vrai et de démonter la manipulation. Murrow orchestre son attaque contre McCarthy à partir des seules bandes tournées au Comité des activité anti-américaines. Pas de témoignages secrets, d’écoutes téléphoniques, de filatures rocambolesques. Juste des yeux, la capacité à voir, et la capacité à montrer.

Evidemment, tout cela n’est pas gratuit : les années 50 ont beau être à la mode, il ne s’agit pas de surfer sur la vague d’un film historique. Ou plutôt si, mais parce que l’histoire a un peu tendance à se répéter. Apologue, avons nous dit. Et bien, contextualisons : 2005, Bush, le Patriot Act… oh, mais comme tout cela a comme un drôle d’air de déjà vu. C’est donc, bien sûr, un film engagé, ce qui n’est guère étonnant venant d’un Clooney démocrate convaincu, en lutte contre l’obscurantisme et la bêtise. Et c’est fait avec talent, donc que demander de plus !

Good Night, and Good Luck
George CLOONEY
Etats-Unis, 2005

Love Actually, de Richard Curtis

Love-ActuallyToutes les fois où je déprime en voyant ce qui se passe dans le monde, je pense à la zone d’arrivée des passagers de l’aéroport de Londres ; de l’avis général nous vivons dans un monde de haine et de cupidité. Je ne suis pas d’accord. J’ai plutôt le sentiment que l’amour est présent partout ; il n’y a pas toujours de quoi en faire un roman mais il est bien là : père et fils, mère et filles, mari et femme, copains, copines, vieux amis…
Quand les deux avions ont frappé les tours Jumelles, à ma connaissance aucun des appels téléphoniques de ces gens qui allaient mourir ne contenaient de message de haine ou de vengeance. C’étaient tous des messages d’amour.
Si vous cherchez bien, j’ai la désagréable impression que vous constaterez qu’en définitive, nous sommes cernés par l’amour.

 

Cyniques de tous poils, passez votre chemin, car je vais aujourd’hui vous parler de LA comédie romantique ultime, LE film que j’ai dû voir une bonne cinquantaine de fois, pelotonnée sous la couette la veille de Noël, mais aussi à Pâques, pour mon anniversaire, la saint Valentin et l’été. Un petit coup de mou ? Love Actually, et ça repart.

Il s’agit d’un film choral, qui nous permet de suivre le destin amoureux et affectif de toute une ronde de personnages :  une rock-star sur le retour, Billy Mack, qui sort pour Noël une nouvelle version du tube qui l’a fait connaître ; un couple récemment marié et leur ami amoureux de la mariée ; un écrivain qui vient de se rendre compte que sa petite amie le trompe avec son frère et qui, en vacances dans sa maison dans le sud de la France, fait la rencontre de son employée de maison portugaise ; un couple sans histoires mais dont le mari se laisse surprendre par le charme de sa secrétaire ; le Premier ministre nouvellement nommé qui n’est pas indifférent à la joie de vivre d’une de ses collaboratrices ; un homme qui vient de perdre sa femme et qui donne des conseils au petit garçon de cette dernière, amoureux d’une de ses camarades ; une employée tiraillée entre son frère autiste et l’amour qu’elle ressent pour un collègue ; un jeune anglais à la conquête de l’Amérique ; deux doublures de films pornographiques…

Pourquoi ce film est-il mythique ? Pourquoi beaucoup de filles, quand on leur demande quel est leur film préféré, répondent-elles Love Actually (même si ce n’est pas un film de filles) ? Et bien parce que ce film est beaucoup plus efficace que n’importe quel antidépresseur pour redonner le sourire. Car c’est un film résolument drôle : que l’on pense à Hugh Grant dansant tout seul dans les salons du 10 downing street, Colin Firth traversant toute une ville à pieds suivi de toute une foule de badauds pour aller demander sa dulcinée en mariage, Alan Rickman regardant dépité Mr Bean lui préparer un volumineux paquet cadeau… des scènes d’anthologie, dont on ne se lasse pas, soutenues par des dialogues aux petits oignons. C’est donc un film drôle, mais d’une tendresse absolue : certaines scènes sont très tristes (l’enterrement, au début : j’ai juste envie de prendre Liam Neeson dans mes bras pour le consoler), mais c’est tout de même l’amour qui domine, partout, tout le temps, l’amour amoureux, bien sûr, mais pas seulement : l’amour filial, l’amour fraternel, l’amitié sont aussi au coeur du film.

Love Actually, c’est donc juste LA comédie romantique parfaite, avec des comédiens parfaits (j’avoue que je peine à choisir entre Hugh, Colin et Liam… bon j’ai quand même un faible pour Hugh, surtout dans ce rôle parce qu’un Premier Ministre aussi sexy, c’est juste de la fiction), qui fait un bien fou et donne juste envie… d’aimer !

sam-love-actually

hugh

Love Actually
Richard CURTIS
Etats-Unis, 2003

Les Sorcières d’Eastwick, de George Miller

 

Witches_of_Eastwick__Aff_Je ne crois pas que les hommes soient la réponse à tout.
— Alors pourquoi on finit toujours par parler d’eux ?

Ce film, c’est l’une de mes petites madeleines. Pour une raison que j’ignore, lorsque j’étais adolescente, c’est ce film qu’on nous projetais toujours dans le car lors des sorties scolaires (oui je ne sais pas pourquoi à l’époque on nous projetais des films dans le car… bref). Autant dire que je l’ai vu un certain nombre de fois, et que compte tenu des circonstances, j’éprouve pour lui une certaine tendresse.

A Eastwick, étouffante bourgade marquée par le puritanisme, trois femmes se sont liées d’amitié : Jane, la rousse, divorcée, est professeur de musique et n’a pas d’enfant ; Sukie, la blonde, est journaliste et mère de six petites filles que leur père a abandonnées ; Alexandra, la brune, est veuve et mère d’une grande fille. Un soir, alors qu’une pluie diluvienne s’abat sur la ville, elles invoquent l’arrivée d’un homme idéal qui les sortirait de leur marasme, alors qu’au même moment s’installe en ville un homme étrange, Daryl Van Horne…

Alors ce film, adapté d’un roman de John Updike, est d’abord un divertissement : très drôle, bourré de scènes d’anthologie dont certaines sont à dire vrai un peu écœurantes dans leur volonté de parodier L’Exorciste (mais là où L’Exorciste terrifie, Les Sorcières d’Eastwick fait rire), le film jouit d’une distribution impeccable. On notera évidemment la prestation ébouriffante de Jack Nicholson, qui campe un diable tellement crédible que depuis que j’ai vu ce film, je n’arrive pas à l’imaginer autrement !

Mais par-delà le divertissement, ce film n’est pas dénué d’une véritable profondeur, et propose une véritable réflexion féministe doublée d’une critique du puritanisme (les deux allant de pair, du reste). Féministe, parce qu’à bien y regarder, nos trois femmes incarnent la totalité des possibles féminins : la brune, la blonde, la rousse ; celle qui a six enfants, celle qui en a un, celle qui n’en a pas ; celle qui préfère les grosses (b***), celle qui préfère les moyennes, celle qui aime mieux les petites (le tout étant de savoir s’en servir). Chacune a des désirs différents, et pour chacune Daryl incarne l’homme qu’elle veut qu’il soit. Mais pas seulement : il les révèle à elle-même et leur apprend qu’elles sont des femmes libres, des femmes fortes, il les pousse à se dépasser pour devenir ce qu’elles sont en s’affranchissant des normes puritaines. Du coup, elles s’affranchissent aussi de lui, ce qui prouve qu’il a réussi son coup, finalement. Et le choix de la sorcellerie n’est pas anodin : très pédagogique, le film l’explique par le biais de Daryl ; la chasse aux sorcières, c’est « les hommes qui débandent lorsqu’ils rencontrent des femmes fortes, alors ils les brûlent en les appelant sorcières ». Et une femme forte, c’est aussi et surtout une femme qui assume sa sexualité : le film ne montre pas de scènes érotiques, mais en revanche les personnages en parlent de manière totalement décomplexée et crue, et on voit bien comment la petite communauté érotique formée par nos quatre personnages choque les voisins bien pensants. Le Diable, ici, est tout simplement la métaphore d’une sexualité libre et assumée, affranchie des convenances.

The Witches of Eastwick
George MILLER, d’après le roman éponyme de John UPDIKE
Etats-Unis, 1987

My Fair Lady, de George Cukor

936full-my-fair-lady-poster I’ll take it. I’ll make a duchess of this draggle-tailed guttersnipe

Quoi de mieux qu’une bonne comédie musicale pour entrer dans cette période de Noël ?

A Londres, au début du XXème siècle, au cours d’une averse, Eliza Doolittle, une pauvre fleuriste de rue, subit les railleries du professeur Higgins, qui se moque de son accent cockney. Mais le lendemain, elle se rend chez lui et demande au prétentieux professeur des leçons de phonétique afin de parler comme une « lady dans une boutique de fleurs » et de pouvoir s’élever un peu dans l’échelle sociale. Le colonel Pickering, ami et collègue du professeur, propose un pari à ce dernier : transformer suffisamment Eliza pour la faire passer pour une grande dame raffinée lors d’une réception à l’ambassade de Transylvanie, quelques mois plus tard. Higgins relève le défi et installe la jeune fille chez lui…

Ce film, adapté d’une comédie musicale elle-même adaptée de la pièce Pygmalion de George Bernard Shaw, est un véritable petit bijou, fondée sur une idée assez intéressante : la langue et la manière de l’utiliser, discriminantes, montrent à quelle classe sociale on appartient. Eliza, de basse extraction, massacre la langue de Shakespeare tout comme Ribéry peut massacrer celle de Molière aujourd’hui. Higgins, lui, est un puriste doté d’une oreille absolue qui lui permet de deviner exactement d’où chacun vient rien qu’en l’entendant dire trois mots. Et la confrontation entre les deux est tout à fait jubilatoire : Eliza pleine de verve et de caractère d’un côté, Higgins, tyrannique et misogyne de l’autre (« I prefer a new edition of the Spanish Inquisition / than to ever let a woman in my life« ), c’est la lutte des classes et la guerre des sexes en même temps, pour notre plus grand plaisir. Higgins se veut Pygmalion, il joue à la poupée et façonne la jeune femme à sa guise, mais il apprend aussi, l’irréductibilité homme/femme (« Why a woman can’t be more like men ? »), et l’amour…

Car oui, c’est une histoire d’amour, entre un vieux garçon imbuvable et une jeune gouailleuse assez insupportable qui devient papillon, quelque chose entre Cendrillon et Pretty Woman qui pétille d’énergie. Certaines scènes sont anthologiques : les courses à Ascot connues pour les chapeaux improbables de celles qui y assistent, le bal à l’ambassade avec une Hepburn en robe Cecil Beaton qui serait plus que parfaite pour moi (oui !).

Esthétiquement, la facture du film reste très théâtrale, très Broadway, dans les décors et les chorégraphies, on a l’impression d’être dans une maison de poupée, et cela contribue au charme fou de ce film.

Bref, un très joli moment qui fait passer en douceur le dimanche soir…

My Fair Lady
George CUKOR
Etats-Unis, 1964

Mars Attacks, de Tim Burton

936full-mars-attacks!-posterL’exposition Tim Burton m’avais donné envie de revoir l’ensemble de sa filmographie, et de voir les films que je n’avais pas vus. J’avais déjà vu Mars Attacks, mais ce fut un bonheur absolu de le redécouvrir…

Des milliers de soucoupes volantes en provenance de la planète Mars se dirigent vers la Terre. L’événement suscite bien évidemment beaucoup d’agitation. Certains les pensent pacifiques et les accueillent à bras ouverts, d’autres proposent de leur envoyer une bombe atomique. Mais enfin, on leur réserve un accueil chaleureux, espérant qu’ils sont venus en paix. Ce qui n’est malheureusement pas le cas, et les petits hommes verts se mettent à dégommer tout le monde…

Ce n’est probablement pas le meilleur film de Tim Burton, mais tout de même, quel génie : dans cette comédie de science-fiction, parodie de films des années 50, tout est d’une qualité rare, à commencer par les acteurs qui sont tous exceptionnels (mentions spéciale pour Nicholson qui campe un président des Etats-Unis plus vrai que nature) et jouent à fond le côté totalement caricatural des personnages, les scènes sont plus délirantes les unes que les autres et, bien sûr, les Américains finissent par sauver le monde. Mais à travers l’aspect réellement hilarant, la satire n’est jamais loin…

Un film à voir absolument s’il manque à votre filmographie, car l’imagination débordante de Tim Burton fait de ce film un peu potache (et tout de même loin de la poésie de Big Fish) un extraordinaire moment de détente apte à guérir n’importe quel blues du dimanche soir !

Mars Attacks
Tim BURTON
Etats-Unis, 1996

Roméo et Juliette, de Franco Zeffirelli

Romeo et JulietteThere was never such a woeful story than Juliet’s and her Romeo.

Cela faisait évidemment bien longtemps que j’avais envie de voir ce film, adaptation filmique de ma pièce préférée de Shakespeare.

A Vérone, Roméo et Juliette, blablabla, tout le monde connaît l’histoire.

J’ai eu un véritable coup de coeur pour ce film qui est une petite pépite : très fidèle dans l’ensemble à la pièce, le réalisateur a pris le parti de faire tourner des comédiens qui ont à peu près l’âge des personnages, ce qui donne une véritable fraîcheur au film. La jeune comédienne est sublime, lumineuse, et il y a une grande vivacité et gaieté dans la majeure partie de l’histoire, où on n’a pas le sentiment que le destin tragique pèse sur les personnages ; seul le spectateur, lui, voit la machine infernale de la fatalité se mettre en place, ce qui rend d’ailleurs le film d’autant plus tragique : cette innocence sacrifié, c’est terrible. En outre les costumes féminins sont fabuleux, de même que les décors. Ce film est donc un véritable régal pour l’oeil et pour… les émotions.

Après, j’ai tout de même trouvé la fin un peu grandiloquente,  mais dans l’esprit shakespearien.

Romeo and Juliet
Franco ZEFIRELLI
1968