Les loyautés.
Ce sont les liens invisibles qui nous attachent aux autres — aux morts comme aux vivants —, ce sont des promesses que nous avons murmurées et dont nous ignorons l’écho, des fidélités silencieuses, ce sont des contrats passés le plus souvent avec nous-mêmes, des mots d’ordre admis sans les avoir entendus, des dettes que nous abritons dans les replis de nos mémoires.
Ce sont les lois de l’enfance qui sommeillent à l’intérieur de nos corps, les valeurs au nom desquelles nous nous tenons droits, les fondements qui nous permettent de résister, les principes illisibles qui nous rongent et nous enferment. Nos ailes et nos carcans.
Ce sont les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves.
J’ouvre (certes avec un peu de retard, mais comme vous l’avez compris ma vie est un peu chaotique en ce moment) le bal de la Rentrée littéraire d’hiver avec ce qui est sans doute l’un des textes les plus attendus, de tout le monde et de moi : le dernier roman de Delphine de Vigan qui, après Rien ne s’oppose à la nuit et D’après une histoire vraie revient au genre qui l’a fait connaître, la fiction sociale.
Theo est un adolescent de 12 ans 1/2 dont l’attitude inquiète beaucoup Hélène, sa professeure de sciences : elle-même ayant été victime de violences dans son enfance, elle projette son passé sur Théo et est convaincue qu’elle doit le sauver. Mais la réalité est beaucoup plus complexe.
Roman polyphonique, Les Loyautés se révèle un texte dur, douloureux, qui traite des thèmes difficiles et montre les failles et les parts d’ombre que nous avons en chacun de nous. Très bien mené et écrit, il s’achève pourtant, je trouve, sur un goût d’inachevé : l’histoire s’arrête, mais les situations sont toujours inextricables et il n’y a pas de réelle résolution. Peut-être que certaines choses auraient pu être davantage creusées et développées. Après, il est clair que la fiction sociale n’est pas un genre que j’apprécie plus que ça, ce n’est pas du tout de toute façon ce dont j’ai besoin en ce moment, et c’est sans doute la raison pour laquelle malgré ses qualités évidentes je suis un peu passée à côté : je préfère vraiment de Vigan sur d’autres terrains. Mais lisez-le, vous me direz !
Les Loyautés
Delphine de VIGAN
Lattès, 2018