Elle regarde encore la maison. Apprécierait-elle les couleurs qu’elle a choisies ? Elle se souvient de sa mère comme quelqu’un d’affreusement conventionnel. Obsédée par l’ordre et la propreté, elle cherchait en permanence la validation des mégères du lotissement. Des monstres qui passaient l’aspirateur et la balayette à la main. Etriquées dans leurs robes, étriquées dans leurs maisons aux standards prédéfinis, étriquées dans une vie sans autre horizon que la rue principale de leur lotissement. Leur seule ambition consistait à remporter le concours annuel de la meilleure tarte à la citrouille. Quel spectacle pitoyable ce concours où toutes ces parfaites ménagères, souriantes jusqu’à la nausée, posaient fièrement devant leurs créations tout en rêvant d’écrabouiller les visages des concurrentes dans leurs bouillies orange. Et sa mère qui essayait tant de faire comme les autres qu’elle lui donnait l’impression de n’être rien d’autre qu’une marionnette. Une poupée coincée dans une petite vie.
Une belle histoire de femmes sauvages pour bien commencer l’année et ouvrir le bal de la rentrée littéraire d’hiver ?
Pierrette, Aloïse, Amalia, Catherine, Vivian : des femmes, à des époques différentes, appartenant à une même lignée, comme autant de fleurs sur une même tige, et se construisant autour des fleurs et du jardin. Qu’est-ce qu’elles se transmettent ?
Très belle découverte que ce roman, difficile à résumer car les différentes histoires s’imbriquent, s’articulent, se font écho, mais restent différentes. Ce qui les lie, c’est la transmission, la lignée : des femmes qui cultivent un jardin ou refusent de le faire, des femmes sauvages qui suivent leurs instincts et refusent la domestication ou au contraire se laissent enfermer dans les conventions. Chacune se construit en réaction à la précédente — ou croit le faire. Ce sont des histoires de blessures, d’héritage, de destruction et de reconstruction.
Un roman que j’ai bien sûr dévoré, tant il correspond à mes thématiques. La seule chose que je regrette, c’est que certains fils narratifs ne sont pas tirés jusqu’au bout : c’est sans doute un choix délibéré, mais cela m’a un peu frustrée. Nonobstant, je conseille vraiment ce roman, je ne connaissais pas du tout Raluca Antonescu, mais j’ai bien envie de découvrir plus avant son travail.
Inflorescence
Raluca ANTONESCU
La Baconnière, 2020