« Que votre moustache pousse comme la broussaille » : expressions des peuples, génie des langues de Muriel Gilbert

Que votre moustache pousse comme la broussailleAvec plus ou moins de bonheur, de guerres en mariages en occupation en commerce en amours en peurs en idées reçues en rivalités en colonisation en amitiés en admiration en préjugés, pour le meilleur et pour le pire, de tout temps, les peuples se sont rencontrés. Ils se sont frottés les uns aux autres, et leurs langues en sont le reflet, qui n’hésitent pas à s’approprier parfois les mots de l’étranger, immigré ou envahi, allié ou combattu, pour s’enrichir et se parer de nouveauté.

Les expressions idiomatiques : le cauchemar du traducteur, et notamment du traducteur en herbe qu’est l’étudiant devant son thème ou sa version. Intraduisibles de façon littérales, elles sont le reflet d’un mode de pensée qui n’est pas toujours le même que le notre. Pour ma part, j’ai toujours eu beaucoup d’affection pour ces expressions, souvent très amusantes.

Dans cet ouvrage, Muriel Gilbert, traductrice de formation et correctrice au Monde, nous propose un voyage à travers les expressions amusantes de nos voisins proches ou éloignés, passant de l’une à l’autre à la manière d’un marabout de ficelle, tout en essayant de passer en revue les différents thèmes féconds en idiotismes en tout genre : les voisins, la santé, la nourriture, le corps, l’argent, ou encore l’amour et le sexe…

C’est éminemment plaisant et amusant, tant l’inventivité semble sans limites ; parfois, les expressions peuvent laisser perplexe, comme le fait de dire « que votre moustache pousse comme la broussaille » à quelqu’un qui vient d’éternuer (en Mongolie) ; certaines se ressemblent : lorsqu’il manque une case au Français, c’est une vis qui fait défaut aux Espagnols, un peu de cuisson aux Anglais (qui peuvent aussi avoir une chauve-souris dans le clocher en lieu et place d’une araignée au plafond), quant aux Allemands, il leur manque juste quelques tasses dans le placard. On rit donc beaucoup, grâce aux expressions et au ton primesautier adopté par l’auteur, et on apprend puisque, bien sûr, ces expressions sont aussi le reflet du génie des peuples. Mais n’hésitons pas à allègrement nous servir : j’ai tellement aimé le « ne pas se prendre pour la queue d’une poire » suisse que je l’ai très naturellement intégré à mon stock, de même que « ne pas être l’outil le plus affûté de la boîte » anglais. Quant au magnifique « jeu des nuages et de la pluie », beaucoup plus poétique que nos parties de jambes en l’air et autres bêtes à deux dos, je le garde en réserve !

Un petit livre vraiment rigolo, dans lequel grappiller pour s’évader un peu !

« Que votre moustache pousse comme la broussaille » : expressions des peuples, génie des langues
Muriel GILBERT
Ateliers Henry Dougier, 2016

Les expressions de nos grands-mères

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On m’a offert ce petit livre il y a quelques temps, probablement parce que j’ai le don de toujours utiliser des expressions imagées qui souvent laissent mon entourage fort perplexe. Alors, j’aurais pu être vexée : en effet, j’ai eu le regret d’apprendre, en lisant cet ouvrage, que malgré les apparences (mais les apparences sont souvent trompeuses) je suis une grand-mère, puisque je connais et utilise un nombre impressionnant d’expressions recueillies dans ce livre.

C’est donc avec un vif plaisir que j’ai découvert l’origine, souvent scabreuse, des expressions que j’aime : « Mêle-toi de tes oignons », « la semaine des quatre jeudis », « se casser la margoulette », « c’est croquignolet », « mener une vie de patachon », ou encore « être beurré comme un petit Lu » ou encore « s’en tamponner le coquillard » (personnellement, avec un fémur de dinosaure). Manque cependant à l’appel l’inénarrable « c’est la fête du slip », qui ne manque pas de provoquer la stupeur autour de moi : c’est vrai qu’une telle expression de soudard dans la bouche d’une personne aussi élégante et distinguée que moi ne peut que faire oxymore… Je vous rassure cependant, je sais me tenir face aux élèves !

J’ai également découvert avec plaisir bon nombre d’expressions qui m’étaient inconnues, et que je ne manquerai pas de ressortir à l’occasion : « avoir les épaules en bouteille de Saint-Galmier », « être vacciné avec une aiguille de phono » ou « avoir un coeur d’amadou » (qui pourtant me correspond parfaitement).

Un seul bémol : l’ouvrage est parfois un peu digressif et on se retrouve parfois très loin de l’expression d’origine, ce qui est un peu dommage, même si cela permet d’apprendre beaucoup de choses. En tout cas, l’ensemble est très drôle, vif, léger, bien mené, un vrai plaisir !