Cézanne, maître de la Provence / Dali, l’énigme sans fin : immersion artistique

Je n’ai pas encore eu l’occasion d’aller visiter l’Atelier des Lumières et de découvrir leurs expositions immersives, mais cela me tente bien, lorsque je pourrai revenir à Paris, je ne sais pas trop quand. Je n’ai évidemment pas eu l’occasion de me rendre aux Carrières de Lumière, en Provence, et je n’ai absolument pas prévu d’aller en Provence pour le moment.

Nonobstant, j’ai reçu l’autre jour les catalogues des deux expositions actuelles : Dali, l’énigme sans fin qui s’annonce comme l’une des expositions du moment, à l’Atelier des lumières (jusqu’au 2 janvier 2022) et Cézanne le maître de la Provence aux Carrières de Lumière (même date). Alors évidemment l’expérience n’a rien à voir, mais j’ai été émerveillée par ces deux ouvrages, qui offrent à la fois une présentation des œuvres originales et une mise en situation dans le cadre de l’exposition (c’est souvent ce que je reproche aux catalogues d’exposition : ne pas rendre justice au dispositif muséographique ; ici il est vrai que seulement les œuvres, ça n’aurait pas de sens).

Deux magnifiques ouvrages, qui donnent encore plus envie de se rendre à l’exposition !

Cézanne, maître de la Provence
Hazan/Carrières de Lumières, 2021

Dali, l’énigme sans fin
Hazan/Atelier des lumières, 2021

Instantané #103 (les ballons blancs)

Dimanche dernier, mes pas m’ont menée en centre-ville et sur une impulsion je suis allée découvrir l’exposition de Charles Pétillon à la collégiale Saint-Pierre-le-puellier, dont j’avais vu passer des images sur Instagram. Bien sûr je n’étais pas allée visiter d’exposition depuis des mois et ce n’était pas tellement dans mes intentions à la base même si cela me manque, de nourrir ma créativité dans les musées et les expositions. Mais bien m’a pris de suivre mon impulsion : j’ai été totalement émerveillée. Le travail de Charles Pétillon, que l’on pourrait qualifier de Haïku visuel, est à la fois du land art et de la photographie : il installe des ballons blancs dans des paysages urbains ou en pleine nature. Le résultat est follement poétique et en ce sens Charles Pétillon contribue à réenchanter le monde, mais ce n’est pas juste de la beauté : il nous interpelle et nous fait réfléchir sur notre lien à la nature, l’empreinte de l’homme sur son environnement, l’impermanence.

C’est absolument sublime, et si vous êtes ou passez à Orléans, filez y faire un tour, en plus c’est gratuit (jusqu’au 23 août) !

Irving Penn au Grand Palais

Irving Penn au Grand PalaisI myself always stood in awe of the camera. I recognize it for the instrument that it is, part Stradivarius, part scalpel. 

Irving Penn fait partie des photographes dont le travail m’a toujours bouleversée. S’il est surtout connu pour ses séries dans les publications Condé-Nast et en particulier ses photos de mode pour Vogue, ce n’est là qu’une partie seulement de son travail, et inutile de dire que j’étais dans les starting-blocks pour voir cette rétrospective qui lui est consacrée au Grand Palais, rétrospective que j’ai vue début novembre mais que j’ai laissé décanter en moi. A vrai dire, je ne trouvais pas tellement les mots pour en parler, et d’ailleurs, je ne les trouve toujours pas.

En partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York, le Grand Palais rend hommage au travail d’Irving Penn, dont l’année 2017 marque le centenaire de la naissance, par une rétrospective qui permet de saisir l’ampleur et la diversité de son travail : des photos de mode, bien sûr, mais aussi des natures mortes, des portraits de célébrités et d’anonymes avec de très belles séries sur les petits métiers, ainsi qu’une splendide série de nues féminins absolument sublime, car elle propose de vrais corps de femmes, avec leurs formes et leurs défauts.

L’exposition, très épurée avec ses murs noirs et gris, sa lumière tamisée, met parfaitement en valeur le travail en noir et blanc de Penn, dont l’essence tient dans la composition et la lumière. Tous les clichés sont d’une beauté inouïe, mais ce sont surtout les portraits qui m’ont subjuguée, car ils parviennent de façon saisissante à capter l’âme du sujet, et en particulier les portraits d’artistes et surtout d’écrivains : rares, il faut bien le dire, sont les photographes qui y parviennent, et Irving Penn était de ceux-là.

Une exposition donc à voir absolument !

Irving Penn
Grand Palais
Jusqu’au 29 janvier 2018

Picasso 1932, année érotique au musée Picasso

Picasso 1932, année érotique au musée PicassoL’oeuvre qu’on fait est une façon de tenir son journal.

Si j’admire beaucoup Picasso, j’ai plus l’habitude de le fréquenter à Beaubourg (enfin « fréquenter »… on se comprend) que dans son (pourtant superbe) musée, où je n’avais pas reposé les pieds depuis une visite effectuée alors que j’étais en classe de première, ce qui ne rajeunit personne et surtout pas moi. Mais évidemment, avec un titre pareil, cette exposition ne pouvait que m’attirer comme le Nord attire l’aiguille de la boussole. On le sait, le sexe attire les visiteurs dans les expositions, et les musées rivalisent d’inventivité pour proposer des contenus plus sulfureux les uns que les autres, en tout cas sur le papier, je ne ferai pas la liste. Mais avec Picasso, cela n’a rien d’étonnant, puisque le sujet l’intéressait aussi bien sur le plan créatif que sur le plan personnel.

L’idée de l’exposition, qui s’ouvre sur une chronologie récapitulant tout ce que Picasso a fait en cette année 1932, est de déployer sa débordante activité quotidienne, comme si on visitait une sorte de bullet journal géant, avec tous ses tableaux évidemment, qui ne sont pas tous là mais sont néanmoins indiqués, et aussi des lettres, des tickets de spectacles, des télégrammes, et jusqu’aux notes d’épiciers et la liste de ses invités au réveillon de Noël : il faut dire que Picasso gardait tout, et que sa vie est donc parfaitement documentée, et pas seulement le clou de cette année 1932, à savoir la première rétrospective de son oeuvre, sur laquelle la documentation est d’une grande richesse.

C’est absolument fascinant : on a, réellement, l’impression de pénétrer au coeur de la vie de l’artiste, et finalement ses tableaux ne sont pas ici ce qu’il y a de plus spectaculaire même si c’est toujours un bonheur de les voir, en particulier certains : non, ce sont vraiment toutes ces traces de la vie quotidienne qui m’ont passionnée, les lettres, les cartes postales, tous ces petits vestiges intimes. L’exposition est en outre très claire et aérée, épurée, et c’est un plaisir d’y circuler.

Néanmoins, comme je m’y attendais un peu parce que ce n’est pas à Lucifer qu’on apprend à faire des grillades (ne cherchez pas, c’est ma nouvelle expression), « érotique » est un peu exagéré : certes, Picasso peint beaucoup de femmes nues, de situations d’abandon, mais cela n’a rien de sulfureux, et vous pouvez sans problème y aller avec des enfants (ce que d’ailleurs certains font). Je trouve donc dommage de survendre cette exposition avec un titre racoleur, alors qu’elle n’en a absolument pas besoin !

Une excellente exposition donc, passionnante et inspirante, à voir absolument !

Picasso 1932. Année érotique
Musée Picasso
Jusqu’au 11 février 2018

Christian Dior, couturier du rêve aux Arts Décoratifs

Christian Dior, couturier du rêve aux Arts DécoratifsCela faisait une éternité que je n’étais pas allée au musée des Arts Décoratifs, musée que j’aime pourtant beaucoup. Mais une rétrospective Christian Dior, je ne pouvais pas décemment louper ça. Cela dit, j’ai bien failli : j’ai eu la flemme d’aller à l’avant-première presse (alors que pour une fois j’étais disponible) et fin août, lorsque j’ai voulu m’y pointer comme une fleur, j’ai renoncé à cause de la file d’attente, laissant augurer des conditions de visite peu propices à la rêverie et à l’émerveillement. Du coup, l’autre jour, je me suis organisée, j’avais prévu le billet coupe-file, et après avoir laissé mon i.phone chez le docteur (ce qui explique l’absence de photos) j’y suis allée à l’ouverture. Ce qui n’a pas empêché d’ailleurs que j’attende un bout de temps.

Cette année marque les 70 ans de la création de la maison Christian Dior, et le musée des Arts décoratifs célèbre cet anniversaire par une rétrospective invitant le visiteur à découvrir l’univers de son fondateur et des couturiers qui lui ont succédé : Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, Raf Simons, Maria Grazia Chiuri. Mettant l’accent sur l’émotion et l’inspiration, l’exposition, qui présente plus de 300 robes de haute couture datant de 1947 à nos jours ainsi que toiles d’atelier, photographies de mode, illustrations, croquis, manuscrits, documents publicitaires, objets de mode, montre aussi comment Christian Dior fut un amoureux de l’art et des musées et établit un dialogue avec tableaux, meubles et objets d’art.

Une exposition qui mérite son succès vertigineux, même s’il lui nuit un peu (je n’ai pas pu bien profiter du premier étage à cause de la foule dense) : la scénographie, particulièrement réussie, variée, donne vie à l’ensemble. On se promène ici de merveille en merveille, les couleurs chatoient, et on a véritablement l’impression de plonger au coeur de l’univers magique du couturier. Une très très belle expérience à ne pas manquer !

Christian Dior, couturier du rêve
Musée des Arts décoratifs
107 rue de Rivoli
Jusqu’au 7 janvier 2018

David Hockney à Beaubourg

David Hockney à BeaubourgJe suis persuadé que la photographie nous a causé du tort. Elle nous a conduits à regarder le monde d’une seule et même façon, plutôt ennuyeuse. […] Nous vivons à une époque où une grande quantité des images réalisées n’ont pas pour ambition d’être considérées comme des oeuvres d’art. Leurs auteurs revendiquent quelque chose de beaucoup plus douteux : ils disent qu’elles sont la réalité.

J’avais loupé Magritte (à cause de la foule), hors de question que je loupe Hockney (même si j’aime moins à la base).

David Hockney a 80 ans, et cette rétrospective de plus de 160 oeuvres (peintures bien sûr, mais aussi photographies, gravures, installations videos, dessins, ouvrage) restitue l’intégralité du parcours de l’artiste, de ses premières oeuvres à ses dernières, dont le vernis est à peine sec : soixante années de travail s’offrent donc sous nos yeux, avec leurs évolutions et leurs motifs récurrents, leurs influences changeantes, mais un regard unique, celui d’un artiste.

Pour être honnête, je n’ai pas autant aimé cette exposition autant que j’aurais voulu, pour une raison toute bête et matérielle : la foule (pourtant j’étais arrivée avant l’ouverture avec un billet coupe-file et donc dans les premières à entrer). Comment se laisser transporter par une oeuvre lorsqu’autour une nuée de sauterelles bruyante s’agite ? C’est l’une des expositions les plus courues de Paris, et cela lui nuit un peu. En outre, j’ai peu apprécié les oeuvres de jeunesse. Par contre, j’ai été bouleversée par la manière dont le désir traverse toute cette oeuvre : cela est évidemment sensible dans les toiles californiennes et les célèbres « Pool paintings » qui manifestent l’hédonisme : le bleu des piscines, les corps dénudés, il se dégage de l’ensemble une sensualité et un érotisme saisissant. J’ai également beaucoup apprécié les portraits, la série des collages polaroids, l’installation video des quatre saisons et les oeuvres dans les dernières, à la terrasse bleue, ainsi que le tout dernier tableau, avec une citation explicite de T.S. Eliot : «Birth, copulation, death/ that’s all the facts when you get down to brass facts» – naissance, copulation, mort.

Chronologique, aéré, le parcours serait parfait si l’on n’avait pas l’impression d’être dans un grand magasin la veille de Noël. Pour le reste, j’ai quand même apprécié cette découverte : même si tout ne m’a pas touchée, j’ai appris à mieux connaître un artiste fabuleux !

David Hockney – Rétrospective
Beaubourg – Centre George Pompidou
Jusqu’au 23 octobre

Auto Photo de 1900 à nos jours, à la Fondation Cartier

Auto Photo de 1900 à nos jours, à la Fondation CartierJe ne serais sans doute pas allée voir cette exposition si l’autre jour je ne m’étais pas retrouvée dans le quartier du Montparnasse, sans avoir rien de spécial à y faire à part squatter la terrasse de la Rotonde. Du coup, je me suis rendue à la fondation Cartier, où je n’avais pas posé les pieds depuis des temps immémoriaux.

Cette exposition vise à interroger les relations entre la photographie et l’automobile : la voiture façonne le paysage, bouleverse notre conception du temps et de l’espace, influence les pratiques et les recherches artistiques de nombreux photographes en leur offrant un nouveau sujet, une nouvelle manière de découvrir le monde et un nouveau moyen d’expression.

Une exposition passionnante, dont la scénographie, toute en courbe, donne l’idée d’un circuit. Les lignes de forces se dessinent, quelles que soient les sociétés, et notamment le questionnement de la valeur symbolique de la voiture : liberté, voyage, vitesse, elle incarne aussi pendant longtemps un certain niveau de vie, raison pour laquelle la photographie à côté de sa voiture est un classique des albums photos de famille. Elle modifie aussi le paysage : parkings, stations services, feux de signalisation, panneaux, autoroutes, casses offrent de nouveaux sujets aux photographes. La voiture elle-même permet de varier les points de vue, comme lorsque les artistes prennent leurs clichés à travers les vitres ou les rétroviseurs — et une mention spéciale à « Fonce Alfonse » de Jeff Guess, qui s’est amusé, le soir de son mariage, à se faire prendre en photo par un radar pour excès de vitesse.

Le sens de l’exposition est double : tout en donnant un aperçu de l’histoire de la photographie et de la diversité des techniques, avec de grands noms comme Doisneau, Brassaï, Man Ray, Jacques-Henri Lartigue, Martin Parr ou Walker Evans, elle interroge cet objet chargé de symboles qu’est la voiture !

A voir absolument, vous avez tout l’été pour ça !

Auto Photo de 1900 à nos jours
Fondation Cartier pour l’art contemporain
Jusqu’au 24 septembre