Un Trump ça twitte énormément. Décoder le trumpisme en 350 tweets

Sorry losers and haters, but my I. Q. is one of the highest — and you all know it! Please don’t feel so stupid or insecure, it’s not your fault

Un article paru récemment dans Lalibre.be nous apprend que Donald Trump consacrerait neuf heures par jour à ce qu’il appelle l’executive timeà savoir l’animation de son compte Twitter et le visionnage de chaînes d’information. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Twitter, il aime ça, et il déverse sans aucun filtre sur le réseau social tout ce qui lui passe par la tête. Rien d’étonnant donc à ce que des journalistes se soient intéressés à la question.

L’ouvrage, un hors-série du fabuleux 1Hebdo, propose donc 350 tweets du président américain, classés par sujets et décryptés, ce qui permet de dresser une cartographie de ses obsessions : Obama, les femmes, Obama, lui-même, Obama, la Russie/La Corée/L’Iran, Obama, les immigrés, le FBI etc.

Cela pourrait presque être drôle, si ce n’était pas si affligeant, l’homme en question n’étant ni un rappeur ni un personnage de roman (même si on pourrait parfois le croire) mais tout de même le président de la première puissance mondiale, et suivi par près de 56 millions de personnes dont certains boivent ses paroles. L’ouvrage permet en tout cas de se faire une idée de la manière dont il s’y prend pour attiser les tensions, et mettre de son côté une partie des électeurs. C’est extrêmement intéressant mais encore plus terrifiant qu’un film d’épouvante, et très honnêtement, ça donne envie d’aller vivre sur une autre planète. En tout cas, encore une fois, du très bon travail de la part du 1Hebdo, et les illustrations sont souvent très drôles.

Un Trump ça twitte énormément. Décoder le trumpisme en 350 tweets
Présenté par Sylvain CYPEL
Avec la collaboration de Julien Bisson, Lenka Hudakova, Manon Paulic et Elisabeth Maucollot
Le1, Hors-série, 2018

Designated Survivor, de David Guggenheim

Designated Survivor, de David GuggenheimAux Etats-Unis existe une tradition assez originale, celle du Survivant désigné : un membre du cabinet, choisi par le Président pour ne pas assister à un événement où sont réunis les principaux représentants du pouvoir américain, afin que le pouvoir ne reste pas vacant en cas de catastrophe. C’est le cas notamment pour le discours sur l’Etat de l’Union ou l’investiture présidentielle. Cette charge est plus folklorique qu’autre chose, mais une telle tradition ne pouvait qu’inspirer des scénaristes…

Suite à un attentat au Capitole durant le discours sur l’Etat de L’Union, qui a tué à peu près tout le monde, le Président, le vice-Président, le Cabinet, le Congrès et la Cours Suprême, c’est le Survivant Désigné, Tom Kirkman, Secrétaire d’Etat au logement qui était d’ailleurs sur le point de se faire virer, qui devient Président des Etats-Unis, alors qu’il n’en a a priori pas la carrure, et que ce n’était de toute façon pas son ambition…

Vraiment une excellente série, qui propose un mélange intéressant entre thriller et politique fiction : l’idée est de mettre au pouvoir un homme droit, pas pourri par la politique (en somme un anti-Frank Underwood) à la tête de l’Etat et de voir comment il va se débrouiller dans ce chaos — et chaos est vraiment le mot : 11 septembre puissance mille, l’attentat a totalement non seulement décimé l’Etat mais totalement fragilisé le peuple (ce qui donne d’ailleurs des scènes assez dures émotionnellement, qui m’ont mis les larmes aux yeux). Et évidemment, ce n’est pas simple : Kirkman a du mal à asseoir sa légitimité, certains font comme s’il n’y avait pas de président, et bien sûr, quoiqu’il arrive et le monde pourrait s’écrouler il doit faire face aux opportunismes, aux basses manœuvres, à l’hypocrisie, à la politique politicienne — heureusement, il y a aussi des gens loyaux, et sa famille, aspect essentiel de la série. Bref : un président honnête et loyal, qui fait ce qu’il peut et apprend vite, mais se pose beaucoup de questions éthiques : la série interroge alors les valeurs américaines et les problèmes de société, le contrôle des armes, les libertés civiques, et la lutte contre le terrorisme, ainsi que quelques autres points dont certains m’ont laissée perplexe parce que je n’ai pas trop vu où était le problème, mais passons. Ça c’est le premier axe : une réflexion sur l’exercice du pouvoir.

Le deuxième axe est tout aussi intéressant, et nous conduit dans une espèce de thriller à base de théorie du complot, car il faut bien trouver les responsables de l’attentat. Coupables évidents : les islamistes. Mais on se rend très vite compte, ce n’est même pas spoiler de le dire, que c’est un peu trop facile, et qu’il y a sans doute autre chose derrière. Mais je n’en dirai pas plus.

Bref : une excellente série, parfaitement interprétée ( Kiefer Sutherland est époustouflant de justesse), parfaitement scénarisée, qui se suit avec grand intérêt tout en suscitant de vraies réflexions. A ne pas manquer !

Designated Survivor
David GUGGENHEIM
2016 – en cours de production

America n°2

AmericaIl y a de vraies raisons de ne pas désespérer de l’Amérique. Car si l’on peut juger la vitalité d’un pays à la qualité de sa littérature, celle-ci est assurément une nation puissante.

Comme je vous l’annonçais dimanche, le n°2 de la revue Americacréée par François Busnel et Eric Fottorino et dont Julien Bisson vient d’être nommé rédacteur en chef, vient de paraître. Et il s’agit, encore une fois, d’un excellent numéro, riche et instructif. Outre l’édito de François Busnel et les chroniques d’Olivia de Lamberterie et d’Augustin Trapenard, je vous conseille de vous précipiter notamment sur :
– Un article de Salman Rushdie, « l’ami imparfait », en version bilingue, dans lequel l’écrivain étrille quelque peu le désir aveuglant de pureté en politique, et vante les mérites de l' »ami imparfait ». Un exercice de réflexion salutaire, qu’il faudrait que tout le monde lise.
– Une nouvelle inédite de Chimamanda Ngozi Adichie, « les Arrangements » : elle nous y raconte une journée dans la vie de Melania Trump avant l’élection, façon Mrs Dalloway. C’est totalement délicieux !
– Un entretien au long cours avec Don DeLillo, ainsi qu’un extrait de son roman à paraître à la rentrée littéraire, Zero K.

Tout le reste est également riche et passionnant : l’hilarante chronique du poisson rouge, les indispensables de la littérature américaine à savourer pendant l’été et notamment le lauréat du premier Prix America, William Finnegan, une nouvelle de Laurent Gaudé qui revient sur l’invention de fil barbelé, un voyage dans le mythique parc national de Yellowstone avec Joël Dicker, un article de Douglas Kennedy sur La Garçonnière de Billy Wilder, un extrait en avant-première d’un des romans de la rentrée, Underground Railroad de Colson Whitehead, un dossier sur Martin Eden de Jack London… Et bien sûr, à nouveau, infographies, cartes et chronologies !

Bref : encore une fois, que du bon dans ce mook qui donne la parole aux écrivains pour nous parler du monde. Parfait pour les longs voyages en train ou en avion, ou pour les heures de chaise longue au soleil…

America – L’Amérique comme vous ne l’avez jamais lue
n°2 – été 2017
Trimestriel. 19€

Les Kennedy, de Jon Cassar

Les Kennedy, de Jon CassarLe prix de la liberté est toujours élevé, mais l’Amérique a toujours payé ce prix. Et il est un seul chemin que nous ne suivrons jamais : celui de la capitulation et de la soumission. (…) Notre but n’est pas la victoire de la force mais la défense du droit. Il n’est pas la paix aux dépens de la liberté, mais la paix et la liberté dans cet hémisphère et, nous l’espérons, dans le monde entier. Avec l’aide de Dieu, nous atteindrons ce but. (Discours du Président Kennedy sur la crise de Cuba)

Après la famille royale britannique, j’ai eu envie de m’intéresser d’un peu plus près à ce qui est presque également une famille royale, Les Kennedy, avec cette mini-série canadienne qui date de 2011 mais que je n’avais pas encore eu l’occasion de regarder (on n’a pas des vies faciles).

L’histoire commence (avec quelques flash-back) la veille des élections de 1960 qui verront l’élection de John Fitzgerald Kennedy au poste de 37e président des Etats-Unis, et nous mène jusqu’à son assassinat à Dallas en 1963 (avec quelques flash-forward, notamment l’assassinat de Bobby et le remariage de Jacky) : trois ans de présidence, d’histoire des Etats-Unis, et du monde.

Fascinante dès les premières minutes (et le très beau générique), la série mêle habilement le privé et le politique : c’est avant tout l’histoire d’une famille, d’un clan, au sein duquel John n’est pas a priori celui sur lequel se portent les espoirs du patriarche ; tout, pourtant, vient de lui, Joe Kennedy, et de sa volonté de revanche. Tout cet aspect familial est passionnant, avec des personnages souvent très complexes : si Rose Kennedy est une bigote moralisatrice absolument imbuvable, Joe, qui ne vaut guère mieux a priori dans son côté machiavelique, finit pourtant, par moment, par être attachant. Le plus sympathique est Bobby (comme dans Dallas) mais ce sont bien sûr les figures de John (formidablement interprété par Greg Kinnear) et Jackie (beaucoup moins formidablement interprétée selon moi par Katie Holmes, qui manque de charisme pour le personnage) qui sont au centre du système : couple mythique, ils sont très attachés l’un à l’autre, ce qui n’empêche pas les difficultés liées à l’addiction sexuelle de JFK (même si l’épisode Monroe est peu développé).

Mais ce qui m’a surtout intéressée dans cette série, c’est la dimension politique et historique : si au début l’accent est mis sur l’ascension et la campagne électorale, ce qui compte c’est la manière dont finalement avec JFK un monde nouveau est en train de naître, avec une nouvelle génération qui s’oppose à la vieille garde incarnée par Hoover, prête à tout pour que rien ne change : peut-être que la série est un peu hagiographique sur ce point, mais on voit tout de même combien l’essentiel, pour Kennedy, c’est la lutte pour la liberté et la paix contre la monstruosité communiste à l’extérieur, pour les droits civiques à l’intérieur — même si l’Enfer est parfois pavé de bonnes intentions ; les principaux événements retenus par l’histoire de son court mandat vont tous dans ce sens : la baie des cochons, le mur de Berlin, la lutte pour les droits civiques des noirs, la crise des missiles de Cuba.

Une bonne série, intéressante et instructive, qui manque néanmoins un peu de scénarisation, et aurait sans doute mérité 2 ou 3 épisodes de plus pour creuser davantage certains points et éviter quelques approximations : par exemple, je trouve que le mystère de l’assassinat est un peu trop rapidement balayé.

Les Kennedy
Jon CASSAR
2011

America, par François Busnel

Nouveaux magazines : America et Enjoy life with styleA l’ère du buzz, de la rumeur considérée comme une information, de la pensée ramenée à un slogan, des généralisations hâtives, des analyses d’experts qui ne mettent plus les pieds sur le terrain et de ce que les séides du nouveau Grand Sachem américain ont baptisé « faits alternatifs », bref, à l’heure où nos repères volent en éclat, il nous a semblé nécessaire de retrouver le temps long de l’enquête et du reportage. Nous avons donc proposé aux écrivains de devenir les mémorialistes de cet étrange règne.

Evidemment, dès que François Busnel propose quelque chose de nouveau, je me précipite. America, son dernier projet en date, n’a donc pas fait exception à cette règle gravée dans le marbre.

America est un mook, c’est-à-dire une parution à mi-chemin entre la revue et le livre, proposée par François Busnel, donc, en collaboration avec « Le 1 » et Eric Fottorino. Trimestriel, il ne paraîtra que pendant 4 ans, soit le mandat de Donald Trump. L’idée ? Des reportages, des enquêtes, des grands entretiens, des chroniques, signés par de grands écrivains français et américains, et qui donnent leur vision de l’Amérique, qui n’est pas celle de Trump. On trouve ainsi un grand entretien avec Toni Morrison, une très belle interview d’Obama sur la littérature, une visite de LA avec Alain Mabanckou… mais aussi une nouvelle inédite de Francis Scott Fitzgerald, un extrait du prochain Jay McInerney, un dossier sur Moby Dick, et les chroniques d’Olivia de Lamberterie et d’Augustin Trapenard. Et tant de choses encore !

Il est indéniable que nous avons affaire à une revue d’une extraordinaire richesse : les angles et les sujets sont variés, mais les articles sont tous conduits par la volonté d’apprendre et de laisser la parole à des gens intelligents et inspirants ; chaque sujet est longuement traité, développé, et on apprend vraiment beaucoup de choses : je recommande donc sans aucune réserve (même pas concernant le prix car très franchement, elle les vaut largement) cette revue qui permet de résister par la culture. Parce que, peut-être, dans le chaos actuel, seule la littérature peut nous sauver !

America – L’Amérique comme vous ne l’avez jamais lue
Trimestriel. 19€

Une adolescence américaine, de Joyce Maynard

Une adolescence américaineMême jeune comme je l’étais, je crois alors avoir compris ceci : la qualité d’une histoire tient moins à l’exotisme de son environnement, ou à la vivacité de l’action et de l’intrigue, qu’à l’épaisseur des personnages, aux pouvoirs de pénétration et de description de l’auteur et à l’authenticité de sa voix.

En 1971, Joyce Maynard, qui vient d’entrer à l’Université, écrit au directeur du New-York Times pour lui suggérer de lui commander un article où elle témoignerait de sa génération ; curieusement, il accepte, et cet article sera ensuite prolongé en livre. De 1962 à 1973, toute une décennie défile donc sous nos yeux, racontée du point de vue d’une adolescente américaine.

L’histoire est connue : à la suite de l’article, Joyce Maynard a reçu une lettre de Salinger avec qui elle s’est alors installée, abandonnant l’Université pour se consacrer à l’écriture et à l’écrivain. Mais de cela il n’est pas question ici, sinon dans le passionnant avant-propos écrit en 2010, et où le grand auteur américain apparaît, n’ayons pas peur des mots, comme un odieux connard.

Non, ce dont il est question c’est d’une jeune fille, et d’une génération. Et ce qui frappe d’emblée chez cette gamine, c’est son assurance et son culot, et la certitude de sa vocation littéraire. Sa lucidité et sa maturité, également : un peu en décalage avec ses contemporains, elle possède un véritable recul sur l’écriture et ce que c’est que d’être auteur, et sur ses expériences. Et pourtant, cela reste une adolescente et au fil des pages elle nous dresse un portrait particulièrement vif et précis de ce moment de la vie où l’on devient adulte : le corps qui change, la pression du groupe, la télévision, la fascination pour la mort, la mode, les fêtes et l’alcool, la société de consommation, la marijuana, la quête de sens, la politique et l’engagement, le Vietnam, le féminisme, le futur. C’est un véritable Jukebox à souvenirs : au-delà du chronotope précis (l’Amérique des années 60) qu’elle ressuscite et analyse à travers des faits culturels bien précis, il y a là l’universalité de la condition adolescentes, dans laquelle chacun se retrouvera.

Assurément, il aurait été dommage que Joyce Maynard n’ait pas eu le culot d’écrire au directeur du New-York Times : on serait passé à côté d’un témoignage savoureux et d’un grand écrivain !

Une Adolescence Américaine — Chronique des années 60 (1973)
Joyce MAYNARD
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Simone Arous
Philippe Rey, 2013 (10/18, 2015)

Americanah, de Chimamanda Ngozi Adichie

AmericanahMais s’il gagne, il ne sera plus noir, de même qu’Oprah n’est plus noire, elle est Oprah, dit Grace. Si bien qu’elle peut se rendre sans problème dans les endroits où les Noirs sont détestés. Il ne sera plus noir, il sera seulement Obama.

Qu’est-ce qu’être noir, aujourd’hui, aux Etats-Unis ? Qu’est-ce qu’être noir américain, qu’est-ce qu’être noir non-américain ?

C’est une des nombreuses questions que pose ce roman, qui est en train de devenir un véritable phénomène. Tout le monde semble l’avoir lu, être en train de le lire ou projeter de le lire dans un avenir proche. Alors c’est un pavé, et il aborde tellement de thèmes qu’il faut avoir du temps devant soi pour pouvoir en profiter pleinement, mais franchement, il mérite son succès.

Lorsque le roman commence, Ifemelu, après de nombreuses années passées aux Etats-Unis, est sur le point de rentrer au Nigéria. Décision mûrement réfléchie puisqu’elle n’y est pas du tout obligée, et qui lui permet, alors qu’elle se fait faire des tresses dans un salon, de se replonger, sous forme d’analepse, dans son histoire : son enfance à Lagos, puis son départ pour l’eldorado américain qu’elle imagine comme un épisode du Cosby Show, ses études et les débuts de sa vie d’adulte.

La question des tresses n’est pas là par hasard, et c’est l’un des points d’achoppement du roman, comme un fil rouge qui permettrait de mettre en évidence la problématique essentielle : celle de l’identité. Après avoir beaucoup bataillé pour les défriser et les avoir raides, car c’est un moyen de donner une bonne image de soi, Ifemelu décide finalement de les laisser « naturels », et cette décision est finalement très symbolique. Elle veut être elle-même. Elle veut qu’on l’accepte pour ce qu’elle est. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne « s’intègre pas » : une Americanah, c’est au contraire celle qui s’est américanisée, en tout cas selon les critères de ceux qui sont « restés au pays ». Toute la question, finalement, est de savoir dans quelle mesure Ifemelu s’est, effectivement, « américanisée ». Il est vrai qu’en plusieurs années, elle s’est habituée à un certain mode de vie. Pourtant, elle garde toujours une certaine distance critique vis-à-vis de ce pays où elle a pris conscience qu’elle était noire.

Il n’y a pas vraiment de réponse à cette question de l’américanisation, pas non plus de jugement, et c’est bien ce qui est passionnant avec ce roman d’une grande richesse : il aborde de nombreuses problématiques complexes, mais ne les résout pas. Tout l’enjeu est dans la mise au jour de tout le processus de la race aux Etats-Unis (et, de façon moins nette mais importante aussi, du genre et de la place des femmes dans la société : féministe convaincue, Adichie a également écrit un essai qui sort aujourd’hui chez Folio : Nous sommes tous des féministes, ). Les clichés et les stéréotypes. La dichotomie visible/invisible qui m’a d’ailleurs à de nombreuses reprises rappelé le chef d’oeuvre de Ralph Ellison, Invisible Man. 

Un peu comme dans les Lettres Persanes, le point de vue est celui du regard extérieur : c’est un regard neuf et naïf qu’elle pose sur le fonctionnement de la société américaine, et elle en fait un blog, et tout ce qui tourne autour de cette question de l’écriture du blog et de la manière dont il devient un nouveau média de poids (au point qu’elle parvient à gagner sa vie avec, qu’elle est invitée à donner des conférences et qu’un magazine veut le lui racheter) est évidemment fascinante. D’ailleurs, rentrée au Nigeria, elle en ouvre un autre et compte en faire sa profession (le blog en question, d’ailleurs, existe). Le texte est émaillé de courts articles du blog en question, souvent assez amusants et irrévérencieux, tout comme l’est son nom : Raceteenth ou Observations diverses sur les Noirs américains (ceux qu’on appelait jadis les nègres) par une Noire non américaine.

Americanah est donc un roman d’une grande richesse et d’une grande profondeur, qui ne manque pas d’humour ni d’une certaine poésie à l’occasion, dont les problématiques peuvent parfois sembler complexes (et éloignées des nôtres car très américaines), mais passionnant, et qui n’est pas un roman à thèse ni un roman sociologique : ce serait, plutôt, un roman d’apprentissage, il nous raconte une histoire, celle d’Ifemelu, personnage extrêmement intéressant et attachant, libre et indépendante, de sa vie, de ses rêves, de ses amours aussi !

Lu par Leiloona

Americanah
Chimamanda NGOZI ADICHIE
Traduit de l’anglais par Anne Damour
Gallimard, « du monde entier », 2015