Notre résistance au mariage, donc, ne devait rien à une absence d’amour. Au contraire, Felipe et moi nous aimions sans réserve. Nous étions heureux de nous promettre de rester à jamais ensemble, loyalement. Nous nous étions même déjà juré fidélité à vie, encore que sans témoins. Le problème, c’est que nous réchappions de divorces pénibles et que notre expérience nous avait tellement écœurés que la seule idée d’un mariage en bonne et due forme — avec qui que ce soit, même quelqu’un d’aussi bon que lui ou moi — nous terrifiait.
Cela faisait un moment que je voulais lire ce récit, sorte de suite de Mange, prie, aime ; mais j’imagine que j’attendais le bon moment pour le faire, d’autant que comme il n’est plus édité, il fallait que j’arrive à le trouver d’occasion. Il faut croire que le bon moment est arrivé…
Dans ce texte, Elizabeth Gilbert nous raconte comment elle s’est réconciliée avec l’institution du mariage. Pourtant, avec Felipe, ils ne voulaient pas se marier, même s’ils étaient fous amoureux l’un de l’autre : chacun échaudé par un premier mariage suivi d’un divorce, ils étaient terrifiés à l’idée de recommencer. Mais l’Univers en avait décidé autrement et leur a un peu forcé la main, par le truchement de la Sécurité Intérieure des Etats-Unis, qui trouve que Felipe utilise un peu trop de visas provisoires, et lui interdit l’accès au territoire. Leur seule solution pour vivre ensemble est donc de se marier, et durant les quelques mois où ils errent en Asie du Sud-Est en attendant l’autorisation du service de l’immigration, Liz se met à étudier l’histoire du mariage et ses différentes composantes.
J’ai adoré ce texte aux analyses très fines et en même temps plein d’humour. L’idée de départ est que si l’amour est une expérience universelle, les liens du mariage, et la conception de ce partenariat, varie avec le temps et le lieu, et que peut-être en attendons-nous trop, en y plaçant tous nos espoirs de bonheur. Le mariage d’amour reste un pari, et il y a des pages absolument merveilleuses sur l’amour et tous les risques qu’il comporte, comment on devient une part de l’autre et de ses souvenirs, comment aussi c’est du boulot, de communiquer, d’accepter les défauts de l’autre ou tout simplement les différences, l’autonomie des femmes.
Un texte passionnant et instructif d’un côté, et aussi merveilleux sur l’amour, l’engagement, le couple, qui est venu par moment toucher certaines de mes angoisses mais pour mieux les désamorcer, j’espère (même si, par honnêteté, je me dois de conclure par la suite : à la fin du texte, Liz et Felipe se marie, mais malheureusement ils se sont séparés depuis…). Mais cela reste une réflexion inspirante.
Mes Alliances. Histoires d’amour et de mariage
Elizabeth GILBERT
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christine Barbaste
Calmann-Levy, 2010 (Livre de Poche, 2012)