Se (re)trouver

En ce moment, j’ai l’impression de franchir une étape. Ces semaines de confinement, d’arrêt, ont été décisives. Pourtant, j’étais déjà quelqu’un de plutôt introspectif, surtout ces dernières années, mais là j’ai vraiment pu me poser, réfléchir, faire les choses à mon rythme et me (re)trouver. Non qu’il y ait eu de véritable révélation ou métamorphose : ça c’était le travail d’avant, celui autour de ma crise de la quarantaine qui m’a fait prendre conscience que non seulement je vivais une vie qui n’était pas la mienne (c’est encore partiellement le cas, il faut bien remplir le frigo) mais qu’en plus je m’étais convaincue que tout allait bien. Alors je vais être honnête : j’en ai bavé des ronds de chapeau, comme on dit. A enlever toutes les couches de faux moi pour trouver le vrai moi caché dessous et l’extirper de là pour qu’il accepte de se montrer dans la lumière. Ça, c’était déjà là et le confinement m’a surtout permis, en enlevant un élément extrêmement mauvais pour moi dans ma vie, de parachever le travail. Je parle de travail au sens presque « accouchement » car c’est bien ce que j’ai l’impression d’avoir fait  : une seconde naissance par moi-même.

Et là ces derniers temps je me sens toute légère parce que je vois que les choses se mettent en place pour le mieux. En fait, je me sens légère parce que j’ai eu l’intuition de certaines choses très précises et que ces choses se sont effectivement produites donc il n’y a aucune raison que d’autres pas encore réalisées ne le fassent pas aussi. Cette phrase est très mal écrite, elle boîte, mais ce n’est pas très grave, vous voyez ce que je veux dire. Le fait est que je suis enfin vraiment moi, que j’ai confiance en moi et en ce que je suis, intègre et authentique, que je suis capable de faire des projets et non plus avoir de vagues aspirations. Hier soir d’ailleurs j’ai eu une sorte d’illumination : je tournais autour d’une idée depuis quelque temps mais sans savoir par quels bouts la prendre et en faisant des exercices de cohérence cardiaque tout est apparu clairement (je ne dirai pas par magie, mais un peu quand même) (je ne vous en dit pas plus pour l’instant mais ça a un lien avec ma reconversion) (hein hein).

Ce n’est pas la ligne d’arrivée, que non pas, la route est encore longue et pleine de découvertes et de belles expériences. Mais c’est une belle étape : en ce mois de juin, beaucoup de choses se mettent en place, comme une sorte de nouvelle page, nouveau chapitre : on continue l’histoire mais avec des éléments nouveaux. Et je suis très excitée à cette idée !

Masqué, démasqué…

Quelle histoire, ces masques ! C’est le truc dont on ne cesse d’entendre parler ces derniers jours, tout le monde fait une fixette dessus c’est impressionnant.

Mais non, je ne vais pas vous parler de ces histoires de pénurie, de où trouver un masque et comment. Ce qui m’intéresse, c’est la valeur symbolique que je trouve une nouvelle fois absolument passionnante.

Le confinement, en tant que parenthèse nous ayant permis de faire face à nous même, nous a mis à nu. Telle Inanna (pas ma voiture, la vraie déesse) descendant aux Enfers et se défaisant de ses atours de pouvoir, nous nous sommes (plus ou moins) défaits de nos attachements, de nos apparences, de nos faux-self pour entrer dans une certaine authenticité et intégrité. Oui, nous avons enlevé nos masques, qui parfois tenaient très forts à notre visage, comme collés à la glu. C’est pour cela que c’est si difficile pour certains d’entre nous (j’ai fait des recherches : je ne suis pas la seule et de loin) d’imaginer revenir dans une vie de mensonge, dans laquelle nous jouons un rôle qui ne nous convient pas. D’imaginer continuer à faire semblant, et remettre un masque.

Le confinement, en nous secouant, en nous confrontant, en nous empêchant de nous fuir nous-même, nous a démasqués. Combien de gens ont découvert au fond d’eux, bien caché, qu’ils aimaient rester tranquillement chez eux le soir plutôt que de courir sans cesse d’un apéro à un autre ? Qu’en fait ils détestaient la ville et voulaient vivre un peu plus dans la nature ? Que cuisiner est une activité gratifiante et sympa ? Qu’ils pouvaient tout à fait se passer de tous ces trucs qu’ils achètent à longueur de journée ? Combien au contraire ont découvert qu’en fait ils n’aimaient plus leur conjoint, qu’ils détestaient leur vie etc. ?

Bien sûr, certains vont (dans un premier temps et en apparence : la graine est semée, elle va pousser) enfouir tout ça à nouveau bien profondément, faire comme s’ils n’avaient pas vu, remettre leur masque et reprendre la vie telle qu’elle était avant en s’offrant par exemple un peu de shopping. Mais d’autres vont avoir un peu de mal, et quand je dis ça c’est un euphémisme. Parfois ce n’est pas très beau à voir, ce qu’il y avait sous le masque, et il y a tout un tas de cicatrices purulentes à soigner. Mais parfois c’est un trésor, qu’on n’a plus envie de cacher : on n’a plus envie de faire semblant d’être qui on n’est pas pour faire plaisir aux autres, pour être aimé, pour ne pas être rejeté, pour « entrer dans le moule » alors que notre trésor c’est justement de déborder du moule. Bah  non, on n’a plus envie. On refuse de continuer à porter un masque.

Et regardez cette coquine de vie, ce qu’elle fait : elle nous oblige quand même à en porter un, de masque, pour sortir. Comme une espèce de transition, pour ne pas que ces gens qui sortent dans la rue comme ça, nus et authentiques, ça soit trop effrayant. Un masque matériel pour remplacer un masque symbolique. Un qui nous gêne tout de même un peu, désagréable, qui empêche globalement de respirer, de parler, de voir les expressions du visage, mais qui est tout de même indispensable. Un qu’on ne peut pas oublier, mais qu’on peut enlever facilement pour respirer : histoire de nous rappeler que le masque qui tenait le plus fortement à nous, et qui nous empêchait de vivre, on a réussi à l’enlever, qu’on est fort, et qu’on est quand même mieux sans masque — et bientôt, tout le monde pourra enlever le sien !